Le chronographe

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- Écoute, même si j'espère que tu n'essaye pas de faire ton intéressante, je n'arrive pas à croire que le cercle se soit trompé depuis tout ce temps. Ce serait quand même très étrange.

Je baissai les yeux au sol. Peut-être que je m'étais imaginée ce saut, après tout Gwen venait de devenir le rubis. Tout s'était sûrement mélangé dans ma tête, Mr Georges avait raison, comment une organisation secrète existant depuis des siècles aurait pu se tromper ?
Il me tendit une chaise et s'assit en face de moi. 

- Tu sais, avant ce bureau était celui du grand-maître, quand ton grand-père l'était. Me raconta-t-il. C'était un grand ami à moi.
- Est-ce qu'il était pareil que chez nous en tant que grand maître ? Le questionnai-je en me tordant les doigts. Il était aussi gentil ou différent ? 
- Il était exactement le même. Me répondit-il.

Lorsqu'avant je ne voulais que rentrer chez moi et oublier tout ça, deux nouveaux désirs venaient de s'installer dans ma tête. Je voulais ne pas décevoir Mr Georges. Et plus que tout, je voulais revoir mon grand-père.
Soudain, je sentis mon ventre se tordre et je me levai précipitamment.
Puis, je me sentis comme aspirée de partout, comme la première fois et ma vue se brouilla.
J'avais sauté.
Pour la deuxième fois.
Devant Mr Georges.

                                               ***

Ma tête tapa le sol et je gémis de douleur. Quand ma tête arrêta de tourner, je m'assis en râlant.

- C'est pas vrai. M'énervai-je en tapant mon pied contre la table.
- Elle ne t'a rien fait cette pauvre table. S'exclama une voix derrière moi.

Je me retournai d'un seul coup, le visage livide. L'homme qui se trouvait maintenant devant moi était semblait avoir dans les quarante ans. Il venait de se lever de la chaise du bureau. Je le fixai la bouche entrouverte.

- Grand-père Lucas ? Murmurai-je en ouvrant de gros yeux.
- Comment vas-tu ma Elena ? Me demanda-t-il en souriant.

Je lui fonçai dessus pour le prendre dans mes bras. Il sembla assez déconcerté par mon attitude, mais me serra contre lui dans un geste paternel.

- Pourquoi tu n'as pas l'air surpris de me voir ? Reniflai-je.
- Ce n'est pas la première fois que l'on se voit, mais ça n'est pas encore arrivé pour toi on dirait, n'est-ce pas ?

Je secouai la tête. Toute cette semaine avait été trop mouvementée pour moi. Je n'arrivais pas à y croire, si mon grand-père me voyait dans le passé, il devait savoir ! Pourquoi ne m'avait-il rien dit lorsque j'étais petite ?

- Allons ma petite-fille, dis-moi pourquoi tu pleures.
- Tu parles comme si tu m'avais souvent vu par le passé, mais moi c'est juste la deuxième fois que je saute dans le passé. Pleurai-je. J'ai peur de ce qu'il va être de mon avenir, je ne sais même pas pourquoi je peux faire ça.
- Je peux t'aider à trouver des réponses.

Il s'assit sur la chaise de son bureau et me proposa de m'asseoir sur le canapé. Il sortit une feuille de papier, un stylo et commença à écrire.

- Tout d'abord, sache que tout le monde s'est toujours trompé, vous n'êtes pas douze mais treize. Ton sang est le plus important de tous, car il relit tous les voyageurs.

Il dessina un cercle, ajouta douze points sur le trait, les relia tous ensemble au centre du cercle, puis ajouta un point au milieu.

- Tu es ce point. Me dit-il en me montrant du doigt son dessin.

Il leva le stylo et réfléchit en plissant les yeux.

- Tu m'as aussi dit que ton sang passait dans chacun des douze clapets.
- C'est-à-dire ? Je ne sais même pas ce que sont ces clapets. Soufflai-je en levant les yeux au ciel. Je vais avoir besoin de plus d'informations grand-père.
- Tu sais ce qu'est le chronographe ?
- Oui, c'est la machine.
- Et bien, cette machine comporte douze clapets. On va prendre un exemple, le rubis. Pour élapser, Gwen doit mettre son doigt dans le clapet qui correspond au rubis. Dans ce clapet, il y a une aiguille qui pique son doigt pour prélever une goutte de sang qui sort et rejoint le rubis. Et à ce moment-là, tu élapse.

Je réfléchis en m'imaginant le chronographe. C'était une vision très limitée, juste une grosse boîte avec douze clapets et douze pierres, mais elle me permit de comprendre.

- À quoi ça sert d'élapser ? Demandai-je.
- Ça sert à contrôler le temps que tu passe dans le passé et la date.

J'hochai la tête.

- Continue de me donner des informations, s'il te plaît. Le suppliai-je.
- Tu ne dois dire ni à Gwendolyn, ni à personne que tu m'as vu aujourd'hui d'accord ? Elle ne m'a encore jamais vu.
- D'accord. Au fait, en quelle année sommes-nous ?
- Nous sommes le 17 juin 1957.

Nous étions donc douze ans après la guerre. Je me demandais comment celle-ci s'était passée pour le cercle, mais une question que je me posais revint dans ma mémoire. Peut-être Lucas pouvait-il me donner une réponse ?

- Ce... don, commençai-je en avalant difficilement ma salive, me vient-il de mes vrais parents ? Est-ce qu'ils pouvaient voyager dans le passé ? Est-ce qu'on les connait grand-père ?

Il prit plus de temps que pour les autres questions à répondre et grimaça.

- Je ne suis vraiment sûr de rien, il faudrait que tu viennes me voir dans le futur, peut-être que j'aurais des réponses. En attendant, je peux te dire ce que je pense...

Il ne put finir sa phrase que quelqu'un toqua à la porte. Grand-père Lucas me fourra le bout de papier griffonné dans la poche de ma veste et me poussa sous le canapé.

- Entrez. S'exclama-t-il.

J'entendis le grincement de la porte et un homme entra, tapant ses chaussures contre le sol.

- Mr Montrose, vous êtes demandés au conseil.

La poussière me chatouillait le nez et je me concentrai pour ne pas éternuer. Il fallait que je rentre, au plus vite.
Brusquement, je me retrouvai au sol, couverte de poussière.
Mr Georges, Grâce, Mr de Villiers et le docteur White se tenaient devant moi, la mine sévère.
Ma mère semblait avoir vieilli d'au moins dix ans et affichait un air triste sur son visage.
Je me relevai et dépoussiérai mes vêtements. Comment allais-je trouver une assez bonne excuse pour ça ?
Je me sentis rapidement vidée de mes forces et m'assis sur une chaise, suant. Mr Georges m'apporta un soda et essaya de me rassurer.

Tourmaline bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant