XXIV. L'auberge

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Yugo détailla une énième fois ses mains, puis le long de ses bras. Le moindre signe qui pourrait trahir le moindre changement en lui.

Charon leva les yeux au ciel.

— Ne vas-tu donc jamais cesser ? Tu ne vas pas devenir un Loup !

— Ils m'ont mordu, Père ! objecta le jeune homme effrayé. Si je devenais un Loup, je ne pourrais jamais retrouver ma Lulli...

— Je te l'ai déjà répété. Devenir un Loup réclame plus qu'une morsure, il faut un rituel, un échange de sang, et autre... le Loup n'a même pas percé le cuir de ta botte !

Instinctivement, il jeta un nouveau coup d'œil à sa jambe encore douloureuse. La rencontre avec les Loups dataient de plus d'une semaine, mais sa jambe continuait de le lancer un peu. Il avait été persuadé que son os s'était brisé sous la pression de la mâchoire de son ennemi, mais il n'y avait rien que de plus que quelques points violacés le long de son mollet, qui s'affadissaient de jour en jour.

De sa nouvelle vie, Yugo n'avait jamais combattu.

Affronter cette meute l'avait profondément terrifié. Et pas seulement par la crainte d'être contaminé par un Loup.

Par lui-même.

Son corps savait tuer. Ses mains, ses bras n'avaient pas hésité une seule seconde.

Avant qu'il ne perde connaissance, il avait ressenti une rage sourde en lui, qui ne se connaissait pas.

Il n'avait jamais eu envie de savoir ce qu'il avait oublié avant que son père ne l'emmène chez ses grands-parents.

Maintenant, il donnerait tout pour savoir.

Le mutisme de Charon depuis toutes ses années le convainquit d'office : il ne lui apporterait aucune réponse.

C'était à lui de découvrir ce qu'il s'était passé.

*****

Yugo attèle les chevaux alors que Charon entre dans l'auberge pour prendre une chambre.

Le Maître des Lames se sentait vieux et fatigué : il n'avait guère l'habitude de se trouver dans cet état.

Il aimait profondément son fils. Et le temps passant, si calme, il s'était pris à croire qu'il pourrait le protéger dans le cocon de son village d'enfance, éloigné du mal et de personnes mauvaises, afin que n'apparaisse plus jamais l'Autre.

Ce cruel rappel à la réalité le faisait frémir d'effroi.

Chassant l'image du jeune homme violent aux yeux rouges de son esprit, il alla à la rencontre de l'aubergiste.

La petite auberge de voyageur accueillait bien du monde, se situant à mi-chemin de deux grandes villes, les marchands, les mercenaires ou même les simples personnes de passage se croisaient là.

Charon s'y était arrêté bien des fois, dans cet établissement chaleureux. L'ambiance y était plutôt bonne, et il y avait encore de la place pour son fils et lui. L'odeur un bon ragoût embaumait l'atmosphère, et on entendait les choppes d'une joyeuse troupe d'aventuriers qui fêtaient leur nouveau butin avant de rentrer chez eux.

Draconistes [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant