« Le bonheur est une illusion et pourtant tout le monde court après. »
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Quand on n'a plus d'antidouleur, la douleur semble être multipliée par mille. Parfois, elle est si forte, que l'on ne ressent plus rien, comme anesthésié. Dans ces moments-là, seuls les cieux peuvent nous sauver.
J'aurais aimé qu'ils me sauvent ce soir-là.
Mes pensées s'effondrent contre la glace embuée qui me fait face lorsque j'entend les voix des autres élèves se rapprocher.
Le visage crispé, je tourne le dos au miroir et claque la porte du casier des vestiaires de sport. L'air humide est toujours étouffant ici. L'explosion sonore qui y fait place est déplaisante. Je n'ai pas la possibilité de dissimuler mes bleus, c'est une des raisons pour laquelle j'ai une aversion pour cet endroit.
Et les casiers en acier mauves me rappellent de mauvais souvenir.
Mes doigts tremblants tentent de fermer mon sac pour la énième fois avant de quitter la pièce. Dans ces couloirs sombres et étroits, j'ai la désagréable sensation d'être aspirée. Les élèves se dirigent de part et d'autre tandis que moi, je reste là. Perdue au milieu d'un mirage, qui n'en est pas un.
Camouflée sous mon uniforme scolaire monochrome et derrière l'épais trait de crayon noir entourant mes yeux, je feins l'existence, en vain.
Ce n'est pas faute d'avoir essayé.
D'un pas incertain, je rejoins la salle de classe. Le professeur de philosophie n'est pas encore là. Quelques élèves sont affalés sur leur bureau, les suivants ne tardent pas à arriver. Au vu de l'intense brouillard dehors, la pièce n'est que très peu éclairée.
Les lèvres pincées, je fixe la brume qui règne derrière la fenêtre, tapant nerveusement mon pied contre le sol feutré. À travers la faible réflexion de la vitre, mon reflet est visible. Excepté le mascara qui s'est étalé autour de mes yeux, rien d'inquiétant.
Ma mère n'a jamais tenté de me heurter le visage.
Ce n'est pas parce qu'elle me trouve jolie.
Il m'est arrivé de mirer mon reflet de manière obsessionnelle pendant plusieurs heures lors de mes insomnies. L'envie d'en découper les contours hideux, pour qu'ils soient enfin à son image me démangeait. Les larmes s'écoulaient sur mes cernes violacés, sans jamais s'arrêter.
Et mon corps finissait par s'écraser contre le carrelage froid de la salle de bain. Le lendemain, je me relevais et enfilais ma chemise blanche, mordant l'intérieur de mes joues afin que le mascara ne tache pas mon uniforme.
Mais les larmes étaient là.
— Aujourd'hui, nous allons traiter un seul et unique sujet. Nous en discuterons pendant toute l'heure afin de vous familiariser avec celui-ci. Vous aurez une dissertation à faire dessus pour la semaine prochaine.
Mes yeux se détachent avec lenteur du paysage brumeux à l'entente de la voix de Mr. Blackwell. Il dépose son porte-documents cuivré au côté de sa chaise en bois et s'avance vers le tableau afin d'y inscrire sa question habituelle à l'aide d'une craie. Avec son allure sophistiquée, il a plus l'air d'un avocat que d'un professeur de philosophie.

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UNBROKEN SCARS
RomanceUn souffle qui s'efface peu à peu. Avery l'a toujours été. Elle qui s'efforce de ne pas s'effondrer, noyée dans un environnement familiale oppressant, au sein d'un lycée où la morale n'est que duplicité. Parfois, remonter à la surface n'est pas suf...