Toxic beauty.

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- Hey, Bian-cul ! appela Jasmine d'un ton moqueur en jetant ses longs cheveux noirs derrière son épaule, comme le faisait toutes les grandes stars de la télés pour se donner un air intéressant.

Bordel, mon mascara est en train de couler ! pensais je en observant l'affreuse coulée de maquillage noir sur ma pommette droite, visible dans la glace de mon miroir de poche.

- Je m'appelle Bianca, répondis une petite voix fluette que je connaissais bien. Tu devrais le savoir, on est dans la même classe depuis deux ans.

Je relevai mes magnifiques yeux verts, toujours avide de trouver de nouvelles victimes à achever. Et surtout de la victime préférée de notre groupe de populaire : Bianca.

Devant moi se tenait une fille au court carré plongeant brun foncé, dont le gras de son visage énorme semblait sortir de sa peau comme un gros tas de graisse répugnant.

Ses yeux étaient d'un brun banal, sans étincelles, cachés derrière une épaisse paire de lunettes noires bien trop sombres et rectangulaire pour sa morphologie, brillants de larmes sur le point de se déverser face au surnom que venait de lui trouver Jasmine.

Pauvre chérie. Tu as toujours été aussi pleurnicharde et médiocre ? Quel dommage pour toi...Tu aurais presque pu me faire de la peine, si ton expression faussement dépressive n'était pas à se tordre de rire.

J'enlevai discrètement de mon index la goutte de mascara noir sur le point de se déverser sur ma joue, en attendant la suite du moment le plus hilarant de ma journée.

- "On EsT dAnS la mÊmE ClAssE dePuiS dEuX aNs", imita en chouinant la belle bronzée, suivie de mon rire amusé et de celui de Carine, qui se remettait du gloss à paillettes d'un geste pressé. Je le sais bien, Bian-cul ! Une grosse baleine comme toi, on peut pas la louper ! J'aurais adoré ne pas voir ta tronche déguelasse pendant deux ans, si tu veux savoir !

D'habitude c'était moi qui me chargeait d'attaquer mentalement Bianca. Mais pour une fois, étant d'humeur généreuse, je laissais Jasmine s'occuper de ça à ma place.

Bianca s'essuya rapidement une larme naissante dans son oeil, espérant sans doute que je ne le remarquerais pas.

Pauvre, mais pauvre chérie...tu es bien naïve pour croire que je n'aurais pas mis mes lentilles, aujourd'hui.

- Laissez-moi tranquille, marmonna la pitoyable Bianca en tournant le dos pour s'asseoir à une quelconque table, son plateau de déjeuner rempli de frites et de  compote à ses mains, une expression délicieusement soumise sur son visage.

Croyait-elle vraiment que notre petit jeu se terminerait si facilement ? Elle, notre victime préférée ? Hors de question.

- Ne t'en va pas si vite, Bian-cul ! criais-je dans toute la cafétéria, faisant, à mon plus grand plaisir, détourner toute l'attention des autres élèves vers ma personne.

Je me regardais une dernière fois dans mon miroir de poche pour inspecter que ma peau était parfaite et sans imperfections, avant de me lever de ma chaise sous le sourire amusé de Jasmine et de Carine.

Elles ne me connaissaient que trop bien pour savoir que j'avais une dernière farce diabolique à infliger à Bianca qui venait de fleurir dans mon incroyable cerveau, et que je n'allais pas tarder à la mettre en action.

Je me dirigeais vers Bianca en faisant allégrement sonner mes talons hauts sous le silence général des autres élèves, impatient de découvrir ce qu'il allait advenir de la pauvre et misérable fille brune, visiblement terrorisée de me voir se diriger vers elle.

- Tu vas vraiment manger ça ? demandai-je en regardant avec dégoût ses frites ainsi que sa compote de pomme, suivie d'une maigre mandarine, qu'elle avait probablement uniquement posée là pour se donner bonne figure. Tu n'es pas déjà assez grosse ? Tu crois vraiment que cette bouffe merdique va te faire perdre des kilos ? T'es pathétique. Grosse et pathétique.

Et sur ces mots, en un clin d'œil, son plat voltigea malencontreusement sur son pull à capuche beaucoup trop large pour elle. Ce qui était étonnant, vu comment elle était déjà énorme, cette baleine.

La compote de son plat se déversait encore abondamment dans les cheveux gras (exactement comme son corps) de Bianca, tandis que son expression choquée semblait sur le point de pleurer face à mon acte.

Le reste de la cafétéria s'était tue.

- Pourquoi ? murmura en un souffle Bianca, ses larmes luisantes coulant maintenant sans retenue sur son visage rempli d'acné. Pourquoi, Katelyn ? Pourquoi tant de haine envers moi...

- Ton existence, dis-je en la coupant brutalement dans sa phrase. Si tu n'existais pas, alors tu ne serais pas si grosse et moche.

Bianca me regarda comme si j'avais perdu la tête.

Je sentais les regards persistants de Jasmine et de Carine derrière mon dos, se demandant sans doute pourquoi je conversais encore avec le laideron.

En réalité, moi-même ne comprenait pas.

- Tu es horrible, marmonna Bianca, un air de profond dégoût sur son visage habituellement ruisselant de larmes. Dans tes mots, dans tes actions, dans ta soi-disant "beauté"... Comment as-tu pu en arriver là ? Tu étais si différente avant...

- ...Arrête.

- Tu ne te maquillais pas comme une salope, commença Bianca en ignorant mon avertissement. Tu adorais manger des frites et de la compote ! Tu ne jugeais jamais personne sur le physique, car pour toi, c'était l'intérieur qui comptait vraiment !

- Tu vas trop loin..., balbutiai-je avec une voix faible que je n'avais normalement pas. Tout le monde nous regarde...

- ...Tu détestais les filles superficielles ! Et tu aimais t'habiller en pull et en jogging, car tu pouvais mieux grimper aux arbres avec ça qu'avec une robe et des talons ! Tu n'avais pas d'amis jusqu'à ce que j'arrive dans ta classe ! On était meilleures amies...

- TA GUEULE, BORDEL !

Bianca se perdit alors dans son discours en voyant mon visage tordit de colère.

Les autres élèves nous observaient toujours en silence. Et Jasmine et Carine le faisaient sans doute aussi.

Hors de question que je perde la face devant eux face à cette connasse de Bianca.

- ON N'A JAMAIS ÉTÉ AMIES, TOI ET MOI ! TU ES GROSSE, AFFREUSE, ET BONNE À RIEN À PART TE GOINFRER DE CHIPS TOUTE LA JOURNÉE ! ON NE SE RESSEMBLE EN RIEN, MAIS EN RIEN DU TOUT ! POURQUOI TU VAS PAS CREVER DANS UN COIN POUR QUE JE PUISSE VIVRE DE MON CÔTÉ, HEIN ?! ÇA ME FERA LA PAIX !

J'haletai dans ma respiration après avoir prononcé mes pensées si fortement, avec une voix si lourde de colère et de mépris, qui s'était aussitôt transformée en un autre sentiment, bien plus étrange, quand Bianca m'avait jeté, en larmes, l'objet qu'elle avait retiré autour de son cou.

Le bijou métallique heurta durement le sol, tandis que Bianca se détournait de mon champs de vision.

- Garde-le, m'ordonna la brune d'un brin de voix mélancolique. Ou jette le, peu importe... J'ai été stupide de croire qu'on était toujours amies, toutes les deux. De toute façon, notre amitié était toxique. Un peu comme toi, au final...une "beauté toxique"... Une soi-disant beauté, qui est ternie par ce qui se cache à l'intérieur de son coeur...

Je me baissais doucement pour prendre l'objet tombé à mes pieds, tandis que Bianca partait en courant vers les toilettes pour nettoyer les dégâts que je lui avais infligés.

J'eus du mal à ne pas éclater en sanglots. Mais mon maquillage ne devait surtout pas couler.

Dans ma main se tenait minutieusement une moitié d'un cœur en or, reliée à une chaîne argentée, où l'inscription "Best" était marquée au feutre noir.

D'un geste fébrile, j'enlevais une chaîne d'argent autour de mon propre cou, que je ne quittais jamais, même pour dormir.

Une autre moitié de coeur. Où l'inscription "Friends" était marquée au marqueur d'une calligraphie enfantine.

Une larme glissa par mégarde de mon oeil pour atterrir doucement sur le parquet où je m'étais agenouillée.


Mon cœur perdu avait enfin été retrouvé.

TOXIC BEAUTY.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant