Dix heures du matin. Pause clope. Vent humide et pluie froide. J'ai les yeux qui brûlent de n'avoir pas dormi. J'ai les yeux qui brûlent d'avoir le cœur si serré.
D'un coup d'œil, je vois les messages sur mon téléphone. Trois. Je n'ai pas enregistré le numéro, pas besoin. Je sais qui m'a tant appelé.
Soupire.
Je recompose le numéro. J'ai le ventre qui cogne. Ca tourne à l'intérieur. Je m'éloigne du groupe de collègues qui vient respirer l'air empli de tabac.
Trois sonneries pour entendre enfin décrocher.
« M. Hansson ? Ici M. Dossard.
_ Je sais, je réponds sèchement. C'est moi qui vous appelle.
_ J'ai cherché à vous joindre.
_ Je sais.
_ M. Hansson...
_ Jonas.
_ Le foyer d'Elbeuf m'a recontacté. Ecoutez, je sais que ça fait beaucoup... »
Grognement.
« Non, vous ne savez pas.
_ Si, je sais. Ça fait beaucoup d'informations pour vous. Mais vous n'êtes ni le premier, ni le dernier que je vois dans cette situation. Je comprends les doutes, les peurs, l'angoisse que cela représente, car c'est un bouleversement intense et réel. Mais de l'autre côté ; il y a Elis. »
Silence.
Je ne réponds rien. Le prénom seul me fait mal. L'entendre prononcer de sa bouche. Je voudrais lui dire qu'il n'a pas le droit.
« Et Elis n'a rien demandé. »
Non, Elis n'a rien de demandé. Mon âme en peine hurle.
« Il vous attend. Il n'a que vous.
_ Et si ce n'est pas possible ?
_ Vous êtes la meilleure option pour lui.
_ Vous n'en savez rien. »
Ce n'est pas un soupire. C'est un ricanement.
« Un membre de la famille est toujours préférable que des inconnus. Que se passera-t-il quand sa mère viendra le récupérer dans une autre famille dans laquelle il a grandi, dans laquelle il a ses habitudes, qu'il a identifié comme sa propre famille ? Vous, vous aurez toujours une place au près de lui. Une place que vous aurez décidée. Rien ne vous oblige à prendre la place de père, mais au moins de tuteur. De protecteur. »
Protecteur. C'est une souffrance douce amer.
« Il faut aller vite. Pour lui.
_ J'ai besoin de temps.
_ Vous n'en avez pas Jonas. Etes-vous disponible aujourd'hui ?
_ Je travaille jusqu'à midi.
_ Et après ?
_ Je travaille ailleurs, jusqu'à vingt heures trente.
_ Très bien, vous êtes bien domicilié Rue de Montbret ? »
Soupire.
« Oui.
_ D'accord. A ce soir. »
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Elis [MxM]
RomanceUn appel, ça peut changer une vie. Faire basculer une existence. Une mauvaise nouvelle. Plus rien n'est pas pareil. La mort. Dans le cas de Jonas, c'est un appel qui lui annonce la vie.