.𝟐𝟒.

858 24 52
                                    


Après m'être enfermée dans la salle de bain la veille, j'avais fini par céder à la fatigue nerveuse. J'avais ouvert les robinets, laissé l'eau chaude couler longuement sur ma peau, espérant que la chaleur délasse mes muscles noués, efface un peu ce poids dans ma poitrine. Je voulais juste... respirer. Juste un instant de répit.

Puis j'étais sortie, enfilé des vêtements amples, et m'étais glissée sous les draps, dos tourné à tout, y compris à Léo. Pas un mot. Pas un regard. Je n'en avais plus la force. Tout ce que je voulais, c'était sombrer.

Mais le sommeil, lui aussi, m'avait fui.

Je ne sais pas combien de temps j'étais restée là, yeux ouverts dans l'obscurité, à écouter les battements irréguliers de mon cœur, à me demander ce qu'aurait fait Noah s'il avait su. S'il avait été là. Et surtout, s'il m'aimait encore.

Le lendemain :

— Camilla ? Tu es prête ?

— Bientôt, j'arrive, Léo.

— Bien. Je t'attends en bas.

La lumière tamisée se reflétait sur le tissu satiné de ma robe, créant des éclats laiteux à chacun de mes pas. Elle glissait derrière moi comme une traîne de brume, m'enveloppant dans un silence solennel. Mon reflet dans le miroir me parut presque irréel — une version de moi-même que je ne reconnaissais qu'à moitié.

Mes cheveux, minutieusement bouclés, encadraient mon visage avec douceur. La demi-queue retenait quelques mèches en arrière, dévoilant la nuque, les épaules, le port de tête. Il y avait dans mon apparence quelque chose de cérémonial. Une élégance volontaire, presque guerrière.

Je n'étais pas prête pour cette soirée. Mais je l'étais assez pour ne pas fuir.

Le monde auquel j'allais me confronter m'avait déjà trop prise. Ce soir, c'était à mon tour de reprendre un peu de pouvoir.

À mes pieds, des talons blancs, élégants et redoutablement hauts, s'entrelacaient en fines lanières qui remontaient le long de mes mollets, comme un rappel discret de chaînes que j'avais choisies, cette fois, de porter moi-même. Chaque pas serait assuré, chaque regard, pesé.

Je m'approchai de la table de chevet, le cœur battant d'un rythme que je m'efforçais d'ignorer. J'ouvris le tiroir avec lenteur, presque avec solennité. Mes doigts effleurèrent les deux colliers qui y reposaient, lovés dans un écrin de velours.

Le premier, un rang de perles nacrées, évoquait les bals anciens, les femmes silencieuses et dignes. Le second, plus discret mais infiniment plus précieux, était un fil d'argent presque invisible, suspendant à son centre un diamant taillé en goutte, couleur émeraude. Le bijou semblait capturer la lumière — et tous les souvenirs avec elle.

C'était un héritage. Pas seulement de sang, mais d'histoire, de douleurs, de choix. Ma mère me l'avait donné le jour de mes dix-huit ans, le regard chargé de cette gravité silencieuse que seules les femmes de notre lignée comprenaient. Avant elle, il avait orné la gorge de ma grand-mère. Et avant encore... une chaîne de femmes au courage discret, mais inaltérable.

Je passai le collier autour de mon cou, le fermoir cliqua doucement. Ce soir, je ne serais peut-être pas libre. Mais je serais moi.

Ce soir, c'était ma soirée. Une rare occasion où je pouvais choisir qui j'étais, et comment je voulais apparaître. Et je ne laisserais personne me l'enlever. Ni Léo, avec son regard trop lourd et ses silences calculés. Ni mon géniteur, dont l'ombre planait sur chaque décision, chaque respiration.

Ni même Noah.

Parce que oui, lui aussi serait là. Présent dans cette réception aussi somptueuse que cynique, organisée dans une immense maison d'époque où les dorures masquaient les pactes sanglants. Tous les cartels s'y retrouvaient, dans une mascarade élégante, pour signer des marchés, forger des alliances, négocier des livraisons... et parfois, conclure des affaires plus personnelles, sous le couvert des rires feutrés et des coupes de champagne.

𝐈 𝐜𝐚𝐫𝐭𝐞𝐥𝐥𝐢 𝐧𝐞𝐦𝐢𝐜i Où les histoires vivent. Découvrez maintenant