.𝟑𝟎.

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Noah m'avait portée jusqu'à la voiture, sans un mot. Ses bras étaient fermes, mais son étreinte me semblait distante, presque irréelle. Le moteur vrombissait, et le bruit de la route me frappait les tympans, mais rien ne pouvait étouffer le silence lourd entre nous. Je ne savais même plus comment respirer, comment exister dans cet espace clos. La voiture roulait, mais mon esprit était ailleurs, prisonnier d'une image qui m'écrasait.

Ma mère. Ma pauvre mère, allongée là, sur le sol, ses yeux me fixant. Du sang. Tout ce sang. Le liquide rouge qui se mêlait à la poussière de la rue, emportant tout ce qu'elle avait été. Une vie brisée, tout d'un coup. Je voyais encore ses yeux ouverts, la douleur inscrite sur son visage. C'était comme un poison qui se répandait dans mes veines. Et cette image revenait, encore et encore, comme un refrain que je ne pouvais pas arrêter. Mon esprit se noyait dans ce souvenir, m'empêchant de respirer, de penser, de vivre.

Noah avait tenté de me parler, d'entrer en contact avec moi. Il disait des mots, des mots doux, des mots de réconfort. Mais je les rejetais tous. Il n'y avait rien qu'il puisse dire. Je n'étais plus celle que j'étais avant. J'étais une ombre, une coquille vide, rongée par la douleur et l'impuissance. Sa voix me semblait lointaine, floue, comme si elle venait d'un autre monde, un monde où la réalité ne m'écrasait pas sous son poids.

Je sentais ma colère monter. Je voulais hurler. Je voulais tout briser. Mais c'était comme si une force invisible m'empêchait de bouger, de crier. Chaque fibre de mon corps était tendue, prête à exploser, mais je ne pouvais pas. J'étais prisonnière. Prisonnière de mon propre chagrin, de ma propre rage. Tout en moi se compressait, me donnant la sensation que l'air ne pouvait plus circuler dans mes poumons. J'étouffais.

Je n'étais même plus sûre de ce que je ressentais. J'avais l'impression d'être étrangère à moi-même, une spectatrice impuissante de ma propre souffrance. Les larmes ne venaient même plus. Il n'y avait plus de larmes. Juste une immense douleur sourde, un vide. Et cette image, cette image de ma mère qui ne cessait de me hanter, de me torturer, comme un spectre dans ma tête.

Arrivée au cartel, je m'étais enfermée dans ma chambre pendant une semaine entière. Le silence était devenu mon unique complice, la solitude mon refuge. Je ne voulais voir personne. Personne ne devait voir ce que j'étais devenue. Je descendais à peine pour manger, et encore, c'était uniquement lorsque Noah partait en mission. Son absence me permettait de respirer, d'échapper à sa présence qui, jusque-là, me pesait comme un fardeau.

La nuit, je ne dormais pas — ou alors, je m'abandonnais à des cauchemars terrifiants, ceux où je revivais encore et encore la scène de ma mère tombant, la vie s'échappant d'elle dans un flot de sang. Je sentais ses yeux sur moi, suppliants, et j'étais là, impuissante, incapable de la sauver. L'image de son visage figé, son regard empli de questions sans réponse, me hantait à chaque instant. Mon cœur se serrait à chaque pensée de ce moment, comme si je pouvais encore sentir le poids de sa mort sur mes épaules.

Je n'arrivais pas à m'en débarrasser. C'était trop. Trop pour moi.

Et Noah... Dieu, Noah. Je lui en voulais encore plus qu'à mes propres démons. Il avait vu ma mère courir, désespérée, vers mon père — et il n'avait rien fait. Rien. Il l'avait laissée courir sans bouger, sans intervenir, sans l'arrêter. Il aurait pu, je le savais. Il était plus que capable de l'empêcher. Mais il ne l'a pas fait. Il l'a regardée sans réagir, comme si sa vie ne valait rien, comme si... comme si c'était juste une autre victime parmi tant d'autres.

Je n'arrivais pas à lui pardonner. Même si j'étais consciente que sa manière de protéger était sa propre forme de stratégie, sa façon de jouer à ce jeu cruel qu'il appelait « sécurité », je n'arrivais pas à le comprendre. Je n'arrivais pas à accepter qu'il ait laissé ma mère courir vers sa propre mort, sans lever le petit doigt.

𝐈 𝐜𝐚𝐫𝐭𝐞𝐥𝐥𝐢 𝐧𝐞𝐦𝐢𝐜i Où les histoires vivent. Découvrez maintenant