Chapitre 6 - Le pot aux roses

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Nous étions plus de trois mille sous terre, et moins de deux cents rescapés sont sortis de la navette. Adèle avait sans doute vu juste : la deuxième n'est jamais arrivée. Le Général Lee a ordonné que nous quittions les lieux rapidement, car les selcyns pourraient remonter jusqu'à nous. Et tout le monde s'est mis en route derrière lui, pauvres moutons terrorisés que nous sommes. Je ne suis pas la seule à être choquée par la fuite de notre chef militaire, un comportement qui en dit long sur sa lâcheté, et les murmures indignés se mêlent aux pleurs et cris de désespoir. Tout le monde a laissé quelqu'un à Faraday-4. Je serre le bras de Mei qui, elle-même, ne lâche pas la main d'Adèle. La grande rousse regarde partout, l'air plus intéressé par son environnement que mortifié par l'attaque que nous venons d'essuyer. Elle porte en elle quelque chose d'atypique, je ne saurai pas mettre le doigt dessus, mais quand je la vois, je me dis qu'elle est différente.

Mon esprit dévie sans cesse vers mon patient/prisonnier/cobaye. Je ne sais plus. Ses incroyables capacités de régénération me laissent optimiste quant à sa totale guérison, mais je n'imagine même pas à quel point il doit nous haïr, nous les humains qui l'avons fait tant souffrir. Moi, peut-être plus que toute autre personne. Ce n'est pas ce que je voulais, mais je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Je laisse échapper un long soupir. Mei se trompe sur son origine et me dépose un rapide bisou sur la joue.

— Allons, ma poule, ils vont s'en sortir ! Saïd est hyper dégourdi, et Gatien... bah il est avec Saïd !

— Je me demande comment les aliens ont pu nous retrouver, marmonne Adèle.

Je ne peux retenir une grimace à l'évocation du mot alien. Bizarre. Jusque-là, ce terme ne me dérangeait pas, mais à présent, il m'écœure.

— Lily, est-ce que ça a un rapport avec ta mission ? demande Mei en fixant ses pieds. Si c'est le cas, je crois que nous devons savoir. Nous sommes en danger à l'extérieur, et Faraday-4 ne sera plus jamais un endroit fiable.

— J'imagine que Lee va en parler...

— Ce n'est pas Lee que j'interroge, c'est toi. Je n'ai aucune confiance en ce type qui a abandonné ses hommes.

J'hésite. Lee pourrait-il mettre en pratique ses menaces d'exécution à présent ? J'en suis presque certaine, mais après ce que nous venons de vivre, je dois la vérité à ma brune préférée.

— Il a ramené un selcyn sur la base, chuchoté-je. J'étais chargée d'aider Chen à l'étudier. Ordre de Muzhi, le général de Faraday-1 à Pékin.

— Pas possible ! lâchent en cœur les deux femmes.

— Il n'avait pas de traceur quand je l'ai examiné, enfin, rien que nos appareils n'ont pu détecter. J'ai procédé à une série de tests sur lui. C'était... Si vous saviez ce qu'ils lui ont fait.

— Comment ça ?

— Ils lui ont tiré dessus, l'ont brûlé sur une grande partie du corps, l'ont frappé, électrifié avec cinq tasers et je ne vous parle même pas des doses hallucinantes de sédatifs qu'ils lui ont injectées.

— En même temps, ils sont super résistants, ces enfoirés ! s'exclame Adèle. Mieux vaut en faire trop que pas assez ! Quelle idée d'en ramener un sur place. C'était évident que ça se terminerait mal. Officiellement, on est la troisième base à tomber, après Faraday-12 et le silence radio de Faraday-35. Jamais deux sans trois, mais....

Je lâche Mei et accélère le pas. Les propos d'Adèle m'irritent au plus haut point. Pourtant, je sais qu'elle a raison : nos ennemis sont dangereux et plus forts que nous. Mais jamais je ne cautionnerai que des êtres vivants dotés a priori d'intelligence s'infligent ce genre d'horreurs ! Et même si les selcyns ont attaqué en premier, je ne pense pas qu'une escalade de violence soit nécessaire. Mon patient ne méritait sûrement pas un traitement si effroyable.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant