À mon ange gardien

ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟚

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Un hurlement presque inhumain déchira l'atmosphère. Empli de peine, de rage et de douleur. Respirant le désespoir et la haine envers le monde entier. Il provenait d'une chambre d'hôpital, et plus précisément de la bouche d'une jeune fille effondrée à même le sol. Noémie n'aurait jamais cru que ressentir une telle douleur était possible. Elle avait l'impression que son cœur avait été lardé de coups de couteau, avant d'être déchiqueté et piétiné à n'en plus finir. Ses yeux versaient tant de larmes qu'elle voyait flou. De toute manière, son regard était focalisé sur une seule et unique chose : le corps sans vie de son premier et unique amour étendu sous le drap blanc de la clinique.

Elle prit la première chose qui lui tombait sous la main et le déchiqueta avec rage, dans une vaine tentative d'évacuer l'impuissance qui l'envahissait. De petits morceaux de tissus retombèrent autour d'elle lorsqu'elle se laissa choir contre le corps encore tiède d'Alexandre, mouillant le drap de larmes amères.

C'était fini.

Tout était fini.

Plus jamais elle ne le verrait afficher son adorable sourire, plus jamais elle ne verrait les étincelles pétillantes dans ses yeux lorsqu'il les posait sur elle, plus jamais elle n'entendrait son rire si doux.

Elle hurla de nouveau, projetant ses émotions à travers les murs de briques peints en blanc. Les souvenirs d'une vie entière défilèrent dans sa tête alourdie par le chagrin, stimulant quelque peu son cerveau engourdi.

Elle avait sept ans. Ce jour-là, la porte de la salle de classe s'ouvrait en grand pour laisser passer un petit garçon aux cheveux couleur blé et aux yeux si bleus, si grands, qu'on aurait cru deux lucarnes ouvertes sur un ciel d'été. Noémie aurait pu y voler. Un sourire solaire aux lèvres, il se présenta avec un léger accent chantant, charmant les oreilles de Noémie, assise au fond de la classe, la tête entre les mains.

"Va donc t'assoir à côté de Noémie, Alexandre." dit la maîtresse en désignant la place libre près de la petite fille.

Son cœur avait sautillé lorsque le sourire rayonnant du nouveau lui avait été adressé. Depuis ce jour, le sourire d'Alexandre avait été le rayon de soleil de ses journées sombres comme de ses lumineuses. Les deux enfants s'étaient tout de suite entendus, le naturel sociable du jeune garçon contrastant avec le côté timide de Noémie. Pour elle, le coup de foudre avait été immédiat. Dès l'instant où elle l'avait vu, elle avait su que c'était lui.

L'élu de son cœur.

Neuf ans. Il avait fallu qu'elle attende neuf ans pour que ses sentiments soient réciproques. Le jour de la Saint-Valentin de l'année précédente, elle s'était lancée. Elle lui avait offert une basique boîte de chocolats. Mais cette boîte basique, elle avait passé des heures et des heures à la décorer, éclaboussant de couleurs les tristes côtés du pavé en carton. Elle l'avait arrosée de paillettes, parsemée de petits cœurs, illuminée de quelques rayons de peinture jaune aussi joyeuse que le soleil.

Aussi joyeuse que le sourire d'Alexandre.

Et elle la lui avait donnée, avant de repartir précipitamment chez elle sans oser attendre sa réaction. Le lendemain, Alexandre s'avançait vers elle avec son éternel sourire et lui offrait à son tour une boîte de chocolats en forme de cœur.

Ce jour était marqué d'un énorme cœur dans l'agenda de Noémie. Elle avait arraché la page et l'avait affichée au-dessus de son bureau, juste en dessous d'une photo d'eux deux. Elle ne voulait surtout pas oublier le plus beau jour de sa vie. La lycéenne posa douloureusement ses yeux dégoulinants sur le visage inexpressif d'Alexandre. Et une nouvelle rafale de douleur explosa.