Riva - Tome deux

L'annonce

- Je suis enceinte.

J'ai la sensation d'être dans un ascenseur qui descend 60 étages en chute libre.
Pierre part dans un éclat de rire. Mais pas le genre d'éclat de rire que je lui connais. Un éclat de rire sarcastique.
Charles ne dit rien et me fixe droit dans les yeux.

- Tu es enceinte Louise. Et bien c'est génial, félicitations ! Dommage qu'on ne sache pas quel père féliciter.
- Ta gueule Pierre.
- Toi ta gueule, tu restes de marbre là comme si rien ne te touchait. On vient d'apprendre que soit on est père, soit et bien soit c'est vraiment la merde.
- Tu pourras faire quand des tests ADN ?
- Charles, je ne sais même pas si je vais garder cet enfant.

Tous les deux me regardent comme si je venais de leur dire que j'étais un alien. Et encore, ils n'auraient pas été si choqué je pense.

- Bien sûr que tu vas garder cet enfant.
- C'est mon corps Charles, je fais ce que je veux.
- Ah bah oui tu as bien dû faire ce que tu veux. Tu débarques dans nos vies de nul part et pouf, tu tombes enceinte. Et puis autant coucher avec deux pilotes, ça multiplie les chances.
- T'es con Pierre. Je suis sous pilule, ce n'était absolument pas prévu mais il y a ces 1% de risque ... Je suis aussi perdue que vous.
- Le test ADN. Combien de temps ? reprend Charles.
- Dix semaines.
- Tu es à combien là ?
- Quatre.
- Oh putain on va vivre avec ça un mois et demi ? lache Pierre.
- Je vous l'ai dit, je ne sais pas quoi faire.
- Je vous ramène à quai.

Cette dernière phrase de Charles termine la discussion. Nous nous séparons sur le Riva. Je m'installe sur le canapé, Pierre est à l'arrière et Charles aux commandes.

Je savais que ça n'allait pas être simple. L'estime que j'ai de moi à ce moment précis est en dessous de tout ce que l'on peut imaginer.
Mais je ne regrette pas ce que j'ai vécu avec eux deux. Aujourd'hui j'aime Charles de tout mon cœur mais si il n'avait pas été là, j'aurai certainement été folle amoureuse de Pierre.
Et maintenant je suis enceinte, sans savoir lequel de ces deux hommes est le père.
Si ma mère me lisait, elle en ferait une attaque.

Je suis trop jeune, ma vie est trop instable aujourd'hui pour que j'ai un enfant. Dans ma tête c'était clair, je ne pouvais pas le garder. Mais mes entrailles et la réaction de Charles
me font me poser des questions.

Personne n'est au courant, même pas Lucie. Je ne veux pas me sentir jugée, je le suis deja assez par Charles et Pierre.

Un peu avant d'arriver sur la terre ferme, je décide de rejoindre Charles. Je m'assois à côté de lui mais il ne me regarde pas.

- Tu ne veux pas en parler ?
- Pas pour le moment.
- Tu es en colère ?
- Je suis déçu Louise.

La déception, ma plus grande peur. Mes parents ont réussi à m'éduquer sans menace ni punition, mais simplement avec l'idée que si je faisais une bêtise, j'allais les décevoir. Et ça, c'était très grave.
Alors quand quelqu'un me dit qu'il est déçu de moi, je me sens extrêmement mal.
Je ne dis rien, j'accuse le coup.

- Je suis déçu parce que j'ai déjà une ou deux fois imaginé ce moment. Le moment où tu m'annonçais que tu étais enceinte. Et jamais se trouvait mon meilleur ami à côté de moi à se demander si c'était lui le père.
- Tu étais heureux quand tu l'imaginais ?
- Bien évidemment. Mais ce n'était pas maintenant, pas dans ce contexte. Et si il est de Pierre ce bébé, on fait quoi hein ?
- Tu voudrais faire quoi, toi?
- J'ai même pas envie d'y penser.

Pierre arrive en bas des marches.

- Louise, je peux te parler ?

Je descends le rejoindre.

- Je suis désolé d'avoir insinué que tu l'avais fait exprès. J'ai été con, c'était le choc de l'annonce.
- Je ne t'en veux pas.
- Que ce soit Charles ou moi, ça devrait être le plus beau jour de notre vie et pourtant j'ai l'impression que c'est un enfer.
- Je ne sais pas quoi te dire Pierre.
- Et si il est de moi, ce bébé ?

Je descelle dans son regard, comme une pointe d'espoir. Pierre a toujours su me toucher, m'attendrir. Je suis toujours très attachée à lui et sa patience me donne l'envie de l'imaginer papa.

- Pierre ...
- Je sais, c'est bête, c'est lui que tu as choisi. Mais je le connais, si il est de moi, il ne te le pardonnera pas.

Et je sais qu'à ce moment là, Pierre a raison. Charles se renfermera encore plus, se défoncera au sport, dans les courses et notre histoire d'amour s'éteindra.

On arrive à quai.

- Réfléchis Louise, tu connais ma position et mes sentiments. Et ménage toi, je voudrais pas que mon bébé aspire toute ton énergie.

Je sourie instinctivement à l'évocation du bébé. J'ai pensé à Pierre et Charles en premier lorsque j'ai appris la nouvelle. Mais il faut moi même que j'arrive à m'y faire.
Je suis enceinte.