À 10 ans, j'avais perdu ma dignité : mon frère me l'avait volé.
Petite, j'étais très réservée, je ne parlais presque jamais, et ne me confiais à personne, pas même à ma mère. J'avais subi cet ignominie des années en silence, peut être par innocence, mais jamais sans souffrance. Lorsqu'il achevait son acte, il me terrorisait toujours en me jurant qu'il me tuerait si je dévoilais quoi que ce fut. Mais je n'avais pas peur de lui, si je me taisais c'était parce que je savais que personne ne m'aurait cru, même pas ma mère.Chaque fois, après son passage, je m'enfermais dans les toilettes, me lavais mille et une fois, mais sentais toujours cette terrible sensation du corps souillé. Je me sentais sale, sale d'impureté, sale de son odeur, sale de ses attouchements, sale de tout. Ce liquide blanchâtre qui tachait mes culottes m'inspirait un dégoût sans équivalent. Mais je continuais à subir ; je me réfugiais dans mon mutisme, et grandissais avec cette séquelle. Aujourd'hui encore, je demeure enfouie dans ce mutisme, car il est des choses indicibles, ou peut-être qu'en soi, elles ne sont pas indicibles, mais inaudibles, car toute oreille qui serait éprouvée par elles en aurait défailli.
Quoique hantée par cette enfance troublée, je travaillais dur à l'école, je voulais devenir avocate et par ma voix, défendre toute fille victime de violences sexuelles ou de violences tout court. J'étais toujours parmi les meilleurs, et ce fut ainsi jusqu'à ce que j'obtinsse mon baccalauréat littéraire, et rejoignisse l'université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB).
Je m'inscrivis pour un parcours de droit, et me dévouai entièrement à mes études, et à mes études seules.Je partageais ma chambre universitaire avec trois autres étudiantes, dans une promiscuité aiguë. L'une d'entre-elles s'appelait Fatima : nous étions très proches. Toutes les deux, nous étions inscrites au même parcours de droit, et travaillions ensemble. Je l'aimais d'abord, du simple fait quelle était toujours sincère et transparente avec moi : elle me disait la vérité telle qu'elle était, et ne cherchait guère à complaire à mon égo ; mais aussi parce qu'elle me soutenait constamment. J'avais l'impression qu'il subsistait, entre nous, une sorte compréhension profonde, à telle enseigne que, certaines fois j'étais tentée de lui confesser la vérité sur mon enfance ; mais dès que cette idée m'affleurait l'esprit je la chassais illico et la jugeais à la limite ridicule. Si je n'avais jamais raconté à ma mère ce qu'il m'était arrivé pourquoi tout dévoiler à une parfaite inconnue ? C'aurait été de la pire folie, alors je me taisais, et gérais mes pulsions intérieures tant bien que mal.
Les années passaient et j'excellais toujours, j'avais été majorante de ma promotion toute les trois premières années et j'espérais continuer sur cette lancée jusqu'à l'obtention de mon diplôme. Mais hélas, les choses ne se passent pas toujours comme prévues.
En fin de quatrième année, nous étions en période d'examens lorsque soudain, une terrible maladie me cloua au lit : je ratai ainsi mon examen. J'acceptai mon sort, et me préparai pour les rattrapages dès que je fus guérie.
J'avais passé plusieurs semaines à travailler, je devais à tout prix réussir mon examen, sans quoi j'aurais redoublé, ce qui était, somme toute, chose impensable.
Fatima me soutenait beaucoup et je fus autant triste qu'esseulée lorsqu'elle rentra chez elle après avoir passée son exam ; mais je continuai à travailler d'arrache-pied, avec la même ferveur jusqu'au jour-j.
La veille, je passai toute la nuit à réviser. Le sommeil se présenta à moi, et je le chassai à coups de tasse de café. Je craignais de me coucher avant de n'avoir tout revu, c'était ma dernière chance, et je devais être irréprochable.
Aux coups de 4h du matin, lasse de tout effort, je m'alitai enfin, réglant mon réveil pour 7h 30.Au grand dam de mes tout efforts consentis, le lendemain, lorsque je me réveillai, midi venait de sonner. J'étais restée assise sur mon lit, les larmes plein les yeux, me sentant terriblement mal : mon alarme n'avait pas sonné.
Sans raison précise, peut-être par espoir fou, je me décidai de quand même y aller. L'épreuve devait finir à midi, et lorsque j'étais arrivé dans l'amphithéâtre où elle était prévue, j'avais trouvé la salle vide. Seul le prof était resté en train de ranger ses affaires.
Je me rapprochai de lui et lui expliquai ma situation.- Mademoiselle Diop votre cas est critique, une si bonne étudiante modèle que vous, risque de redoubler, c'est fort déplorable.
- Monsieur Sangharé, je ne peux pas refaire cette année, j'ai fourni tellement d'efforts, s'il vous plaît donnez-moi une dernière chance.
- Une dernière chance ? Mademoiselle, il n'y a pas de dernière chance qui tienne. Vous avez raté votre devoir de rattrapage, le règlement est clair là-dessus, vous allez reprendre l'année. Vous êtes brillante et il n'y a aucun mal à reprendre une année universitaire.
- Monsieur, perdre une année de ma vie serait chose dure, je ne peux même pas l'imaginer. Aidez-moi s'il vous plaît, je suis prête à tout.
- À tout ? Vraiment ?
- Euh... Oui... Monsieur.
- Vous savez vous êtes une étudiante brillante et très ravissante, vous pouvez avoir tout ce que vous désirez. Bon bref, je peux m'arranger pour vous faire votre devoir, mais ça a un prix et je ne sais pas si vous êtes prête à le payer.
- Lequel Monsieur ?
- Tu veux vraiment savoir ? Bien. Si vous acceptiez de le faire avec moi je pourrais vous aider.
- Faire quoi Monsieur ?
- Mademoiselle vous êtes une grande fille vous savez de quoi je parle ; et votre corps est si agréable à voir, votre déhanchement...
- Attendez, j'hallucine ou vous êtes en train de me proposer de coucher avec vous ? Je ne ferai jamais une chose pareille ; je suis étudiante et pas fille de joie. Et pour votre gouverne, j'ai une dignité moi. Dire que j'avais un si grand estime envers vous...
- Mademoiselle, si vous voulais faire votre examen et ne pas redoubler en conséquence, trouvez-moi dans mon bureau d'ici la fin de la semaine. Nous sommes Mardi, vous avez quatre jours pour vous décider. Au-delà de ce délai, je ne pourrais plus vous être utile. Veuillez m'excuser.Il s'était retourné en marquant le pas, me laissant sous le plus grand choc que vous pouviez imaginer. Je restais figée, comme sonnée ; et je ne pus m'empêcher de fondre en sanglots quand la porte se referma derrière lui.
Donc c'était ça mon existence ? Une existence où tout le monde cherchait à abuser de moi, une existence où tout homme me traitait comme un objet sexuel. Pourquoi tant de bassesse ? Qu'ai-je fais pour mériter une vie pareille ?Je retournai dans ma chambre et seule j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps. J'avais repensé aux jours où, mon frère d'une mère différente, assouvissait ses désirs en mes organes génitaux encore frêles. Il me laissait toujours avec cette douleur intense que je trainais comme un fardeau. Quand j'eus 15 ans et qu'il arrêta, je croyais qu'enfin tout était fini. Mais aujourd'hui encore ce professeur que j'avais tant admiré et respecté, voulait lui aussi assouvir sa soif sexuelle en moi. Quelle est l'âme des violeurs ? Qu'est-ce qui les anime ? Comment atteint-on un pareil degré d'animalité ?
Des cas semblables, j'en avais beaucoup appris par la bouche de Fatima.
Cette université qui était censée être un temple du savoir n'était pas moins qu'une maison de prostitution déguisée, où les professeurs, ces hommes qui étaient censés nous transmettre savoir et vertus faisaient des nous étudiantes, objets d'assouvissement de leurs désirs sexuels. C'est que tout part en ruine, c'est que la morale disparaît, c'est que l'Homme ne se reconnaît plus, l'Homme se perd. Venant de l'animal, il a emprunté de long labyrinthe de l'humanité où il accomplit turpitude sur turpitude, jusqu'à ce que un jour, ayant traversé ce labyrinthe pour n'y être que perverti, soustrait de ses valeurs morales et par le temps et par l'espace, il déboucha, au bout de ce parcours labyrinthique, au porte de l'animalité.Ce professeur était un animal qui voulait assouvir sa soif sexuelle instinctive en mon corps, ce corps qui nourrissait ses fantasmes les plus fous.
Ma beauté naïve, et mes formes généreuses vivifiaient les fantasmes de beaucoup d'hommes, je n'en demeurais pas moins une cible.