La première nuit, Penda dormit épuisée, son cœur se gonflait de douleur.
Le lendemain, la proposition du professeur Sangharé lui revint à l'esprit à plusieurs reprises, elle fut prise dans des réflexions profondes. Une partie d'elle commençait à remettre en question son refus catégorique : une voix intérieure la sermonnait. Elle lui soufflait qu'elle pouvait accepter la proposition, et que de toutes les manières elle n'était plus vierge. Elle chassa tant bien que mal cette voix maléfique, mais elle ne se tut guère.
Pour se soustraire de ses pensées obscures, elle composa le numéro de son amie et confidente Fatima. Les salutations achevées, elles discutèrent comme deux bonnes vielles amies qui se reparlent enfin depuis une belle lurette. Elle lui expliqua ce qu'il lui était arrivé, sans pour autant lui parler de la proposition du professeur Sangharé. Son amie regretta son malheur comme si ce fut elle qui avait raté son examen. Ensuite, Penda lui demanda une question. Une question si étrange qu'elle suscita la curiosité de son amie.
- Fatima, si tu avais une chance de réussir quelque chose, quelque chose pour laquelle tu t'es toujours battue, mais que cette chance ait un prix, un prix cher à payer, est-ce que tu t'aurais sacrifié ?
- C'est quoi cette question Penda ? Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que tu ne me dis pas ?
- Non rien. Dis-moi juste ce que t'en penses.
- J'en pense qu'il faut d'abord que je sache le prix à payer.
- Tyma laisse tomber ! Bon je vais te laisser.
- Mais attends...Penda mit fin à l'appel, et connaissant très bien sa copine, elle mit son téléphone en mode avion pour éviter qu'elle s'entêtasse à la rappeler. Ensuite, elle sortit dans le couloir et s'accouda au garde-fou. Il était 19h, la voie en dessous de l'étage grouillait de passants. Des étudiants, en petits groupes, venaient des unités de formation et de recherche, et se dirigeaient vers les fameuses restaurants universitaires. Mais Penda n'avait pas faim, elle n'avait pas avalée une miette de nourriture de toute la journée ; et ses voisines de chambre ne se préoccupaient pas d'elle.
À part Fatima, toutes la trouvaient trop introvertie et évitaient de perturber son sempiternel silence. Elle était, pour son plus grand désarroi, incomprise des autres.Depuis quelques bonnes heures, la nuit était tombée sur l'université Gaston Berger. L'horloge murale affichait 02h du matin ; Penda restait éveillée. À présent, elle commençait à tout remettre en question, et ne savait plus que décider. D'un côté, son avenir comptait plus que tout, elle ne voulait pas redoubler au risque d'être renvoyée, mais de l'autre, elle se demandait si cela valait le coup de sacrifier sa dignité. Un instant, elle rit comme une folle à lier, en se demandant intérieurement : mais quelle dignité ? Il n'y avait plus aucune dignité à sauver, elle l'avait perdue depuis. À cette pensée, ses yeux s'imbibèrent de larmes, des larmes qui vinrent tacher ses belles joues saillantes, des larmes qui trahissaient l'atrocité du mal que respirait le cœur. Elle travaillait dur depuis si jeune, elle se battait, mais certains jours, elle se demandait si la cause pour laquelle elle se battait en valait la chandelle, si elle valait toutes ces souffrances. Elle souffrait beaucoup, elle souffrait de tout. Et parfois elle lui arrivait de se demander si elle avait une famille, car elle ne la sentait nulle part, aucun soutien pour elle. Sa mère, une dame mondaine somme toute, s'occupait rarement d'elle, et Penda ne l'appelait presque jamais, parce que ne savait quoi lui dire. Mais elle l'aimait tout de même, et d'une part si elle se battait, si elle travaillait jour et nuit, si elle ne lâchait jamais, c'était pour la rendre fière.
Des souvenirs de Penda, rien n'apaisait son coeur, pas même l'ami avec qui elle avait entretenu une liaison amoureuse au lycée, et qui l'avait trahie pour sa meilleure amie. C'est ainsi qu'une fois à l'université, elle avait mit un trait sur les hommes, elle les avaient tous mis dans le même sac, et se dévouait totalement à ses études, comme une nonne à Dieu. Toutefois, elle ne manquait point de prétendants, les uns aussi beaux que les autres, mais elle restait toujours sur ses gardes, et sa copine lui en voulait parfois d'être si méfiante à l'égard de tous.