D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu peur de sociabiliser. Il y a toujours eu ce décalage, ce truc qui faisait qu'être avec les autres, ça me dépassait. Je n'arrivais déjà pas à me comprendre alors comprendre les autres? Et puis, il y a eu toi, Perséphone. C'était en première, tu te souviens? En cours d'art, le mercredi, ton ex et toi veniez de rompre et c'est grâce à ça que j'ai commencé à te parler. Mais en fait, ce n'était pas la première fois que je te voyais. Non pas que je te connaissais avant tout ça mais je t'avais déjà vu, dans ces couloirs en pierres, tu étais dans ma classe, tu étais aussi avec moi en spécialité HLP. Alors, notre rencontre était peut être juste une question de temps... Je ne sais pas si tu crois encore au destin mais c'était peut-être ça qui nous liait. Pour en revenir à notre histoire, je t'ai vu parce que tu m'as souri, j'ai continué à te parler parce que tu savais sourire aux gens et ce mercredi là, c'est tombé sur moi.
Alors bon, quand on s'est rapprochés, ce fameux jour, j'ai senti un truc en moi. C'est comme si je ne m'étais plus senti si différent, si à l'écart. Et puis l'année est passée, tu m'as souri, beaucoup. Tu as pleuré aussi, parfois, tu as ris, tous les jours ou presque. Et j'ai réalisé que j'étais bien avec toi, dans notre petite bulle, ce petit monde qu'on avait créé ensemble.
Et c'est à ce moment là que c'est devenu compliqué. Pas tant parce qu'on vivait ce truc incroyable à deux, cette connexion qui dépassait juste "le copinage". Mais plutôt parce que c'est à ce moment qu'on a réalisé que cette connexion n'était pas juste de l'amitié. Curieusement pourtant, on n'a jamais pu se le dire vraiment ou même essayé. C'était sans doute trop difficile de passer de rien à tout ou de tout à rien aussi vite que ça. Mais on est restés proches, c'était inconcevable l'un sans l'autre. Tout ça, ça a duré un an, c'était riche, éclatant de couleurs, doux quelques fois. C'était nous. Cette alchimie, la notre, aurait pu continuer longtemps. Pour être honnête, je me fichais pas mal de ce qu'on ressentait, il me suffisait d'être avec toi pour ressentir tout ce que j'avais mis seize ans à comprendre. Tout était simple (enfin, ça me faisait cet effet là). Je sais que c'était aussi ton cas Perséphone.
Seulement voilà. Tu savais pour R, tu savais ce qu'il m'avait fait. Je ne t'avais pas tout dit, certes, mais tu savais. Tu savais qu'il n'était pas quelqu'un de bien, tu le détestais. Mais il a suffit d'une fois, d'un de tes sourires et tu te l'ais mis dans la poche. Après ça, j'ai senti tout monde s'effondrer. Notre bulle a définitivement changé. Et le pire, c'est que tu as fait ça pour éviter de reconnaitre que je te plaisais. C'est sûr, le plan ça devait être de tomber amoureux de lui pour camoufler que j'étais là. Sois sans crainte, ça a marché.
J'ai supporté cette histoire pendant des mois. Avec du recul, je crois que c'était du temps perdu. Tu n'as jamais entendu toutes mes mises en garde. Jusqu'à la première rupture, puis la suivante, et celle d'après et d'encore après. C'était un cercle vicieux. Je m'éloignais parce que tout ça me rendait malade, tu ne comprenais pas, tu rompais, je revenais et tu me promettais qu'il avait changé, que cette fois c'était différent, qu'il avait comprit. Spoiler alert, il n'a jamais changé, étonnant.
On y a cru pourtant avec Sélèna, plusieurs fois dans l'été. On y a cru en septembre aussi. Mais je crois que tu es déjà trop loin pour qu'on vienne te secourir. En fait, je crois que ne sont secouru que ceux qui le veulent vraiment et toi, je ne suis pas sûr que tu le veuilles; tu as besoin qu'on s'inquiète, qu'on se nourrisse de toute cette tragédie, ce drame Shakespearien que tu aimes nous servir. Aujourd'hui, je t'ai bloqué. J'ai mis beaucoup de temps; deux ans. On avait des projets comme ce compte de littérature ou ce voyage dans le sud parce que tu n'avais jamais vu la mer. J'ai beaucoup pleuré, trop souvent. Mais je crois que c'est mieux ainsi. Je ne pense pas que tu es une mauvaise personne. Je pense que tu n'es plus la fille dont je suis tombé amoureux, ce n'est rien, j'ai fait le deuil de cette personne. J'ai dit au revoir à la fille qui m'a souri ce mercredi d'octobre en art. J'ai fait le deuil de cette amie que j'ai fait rire, à qui j'ai écrit des petits mots tous les jours, que je raccompagnais tous les lundis jusqu'à chez elle. Il y a encore quelques mois, quelques semaines, peut-être même quelques jours, j'aurais écrit tout ça avec colère et tristesse. Je ne peux pas nier que je suis déçu, que parfois tu me manques, souvent même. Mais je veux te laisser partir, sereinement. Je t'ai tenu la main jusqu'au bout mais à présent, chacun a besoin de prendre un chemin différent, on se retrouvera peut-être. Pour l'instant, j'ai besoin d'être loin.
Tu as été la pire parce que tu as été la meilleure.
-cha.
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mots pour maux
PoetryDire n'est pas simple. Il faut s'armer d'une bonne dose de courage et surtout, espérer être compris.e par l'autre. Moi, je n'ai jamais été très doué pour dire les choses. En revanche, écrire, je sais faire. Je vous présente donc tous mes non-dits...