Chapitre III : Le Feu

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Je faillis glisser à plusieurs reprises sur le sol sablonneux, l'adrénaline qui coulait dans mes veines m'en empêchait.

Il me suffisait de tourner la tête pour distinguer mes assaillants, j'avais l'impression d'être poursuivie par deux spectres à cause de leurs draps qui suivaient leurs mouvements, presque trop parfaitement.

En même temps, j'essayais de récupérer ma gourde que j'avais perdue quelques heures auparavant. Si je ne la retrouvais pas, mes chances de survie seraient réduites à néant.

Je l'avais aperçue et j'essayais de ne pas la perdre de vue malgré ma course effrénée.

Et si, contre toute attente, j'arrivais à m'en sortir saine et sauve, ma priorité serait de m'enfuir le plus loin possible d'ici.

Le point d'eau le plus proche était à quelques jours de marche.

Une fois arrivée là-bas, je ne savais pas ce que je ferais. Cette possibilité me paraissait tellement lointaine que je préférai l'oublier pour le moment.

J'arrivais enfin au niveau de la gourde, elle était posée entre deux corps. J'essayai de ne pas trop m'attarder sur eux, mais la vision qui m'était donnée était inconcevable pour moi.

Une femme était étendue sur le sol, elle avait la moitié du visage anéanti.

Une balle avait dû se loger dans son front car d'effroyables projections de sang s'étendaient sur le sol. Je n'arrivai même pas à distinguer les traits de son visage.

Je ne pus retenir mes larmes, c'étaient d'autres humains qui lui avaient fait ça !

Comment de telles horreurs de guerre pouvaient arriver ?

D'autres personnes humaines lui avaient fait ça, je n'arrivai pas à l'accepter. Nous étions tous d'une même espèce, pourquoi en étions-nous arrivés à ce point ?

Les images de mon village s'imposaient à mon esprit, si des choses aussi terribles s'étaient produites ici, pourquoi pas dans mon village ?

J'eus un haut-le-cœur, j'essayai d'effacer cette vision d'horreur.

J'entendais les pas des garçons se rapprocher, je devais continuer de courir pour ne pas me faire rattraper. Mais je pris tout de même le temps de graver cette image dans mon esprit, je ne voulais pas oublier cette femme.

Je sais que c'était totalement faux, mais j'avais l'impression qu'en faisant cela je lui permettais de vivre encore un peu.

Ils lui avaient retiré son visage, mais moi je lui en redonnais un.

J'attrapai d'un mouvement de bras ma gourde. Continuer tout droit sans me retourner, marcher pour ne pas m'écrouler.

Aaron m'appela.

Une forte envie de me retourner me prit, mais il fallait absolument que je parte le plus vite possible.

Je m'étais battue avec eux près de l'entrée de la ville, mais j'étais inconsciente lorsqu'ils m'avaient emmenée pour m'interroger.

J'essayais de me repérer, mais mon crâne me faisait toujours souffrir.

Je touchai donc l'arrière de ma tête, un liquide chaud recouvrait mon crâne. Mes doigts étaient tachés de sang.

De mon propre sang.

Je ne savais pas avec quoi ils m'avaient frappée, mais dès que j'aurais retrouvé mon sac, il faudrait soigner cette blessure.

Je portai à nouveau mon regard vers ma main. Le rouge sur mes doigts, encore du sang. J'en avais vu en une journée assez pour toute une vie.

Je reportai mon attention sur le paysage, si on pouvait l'appeler ainsi. Ce n'était rien de plus qu'une succession de minuscules maisons blanches colorées par les corps étendus sur le sol.

Il a plu... [EN PAUSE] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant