Ordalie

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Rien n'est plus effrayant qu'être confronté à ses ténèbres. Elles peuvent prendre une forme
différentes selon les personnes et les situations mais elles naissent avec la conscience, les émotions et les sentiments. Cette noirceur qui vous aspire lentement vers les pires décisions, vers les insomnies, les doutes, les échecs fait naître en vous une image déformée, corrompue et partielle de votre véritable essence. Les ténèbres ne sont pas votre ennemi, seulement la part de vous qui veux lâcher prise, qui souhaite plus que tout que vous soyez débarrassé de toutes formes de stress, que ce poids qui vous écrase la poitrine disparaisse.

 
Il est trop tôt pour parler de suicide mais c'est un but qu'elles peuvent chercher à atteindre.
Elles sont alimentées par vos peurs, vos rêves, votre ambition, votre colère et elles usent chaque
failles de votre vie pour revenir à la charge, vous rappelant qu'elles sont présentes, pesantes.
Parfois elles deviennent tellement consistantes que vous ne pouvez pas vous lever, que vous avez besoin de vomir, de dormir ou de pleurer. La frustration est l'un des tentacules qu'elles utilisent pour s'agripper, pour vous pousser à agir.

Je pourrais parler longtemps d'elles sans jamais vraiment en faire le tour mais ce dont j'aimerai
vraiment parler c'est de la forme et du poids de mes propres ténébres.
Depuis plusieurs années aujourd'hui je vis tous les jours avec l'impression d'être enfermé dans une prison. Un cube de mur gris et froid sans trous ni fissures, avec une toute petite lucarne trop haute pour l'atteindre et des barreaux. J'entends le monde et je peux apercevoir le temps qu'il fait par cette lucarne mais je ne sais pas à quoi il ressemble exactement.
Et en face de cette lucarne, le mur laisse place à des barreaux sans portes allant du sol au plafond. Si j'étais moins gros, peut-être que je pourrais me faufiler entre mais derrières il n'y a que du noir, une eau noire dont j'ignore la profondeur et un ciel noir et rien d'autre à perte de vue.

 
Aujourd'hui mon monde se résume à cette prison dans un espace noir, sans limite, sans profondeur, sans relief.
Perdu au milieu d'un ocean dont l'eau est parfaitement calme, sous une nuit sans étoile ni lune.
Pourtant il a toujours cette lucarne qui diffuse la lumière de "dehors", la lumière de derrière le mur.
Il est facile pour ceux qui me connaissent de dire simplement "sort de chez toi alors, voit le monde, c'est ce que ça veut dire" mais si c'était si simple ma vie aujourd'hui serait différente.
J'ai essayé de sortir de cette prison, sans tenter d'abattre les murs, mais toujours sans succès.
Plusieurs questions se posent : Ai-je toujours été là? Que signifie ce lieu? Comment en sortir?
J'ai tenté de l'oublier, par l'alcool, par le sexe, par les jeux vidéo et même par le sport. Jamais par la drogue, c'est peut-être la clé. Mais combattre seul et sans outils m'a fatigué, a réussi tant de fois à me dire "cette fois c'est fini. Je veux en finir".
Ah le suicide, parlons s'en. Ce tabou qui gène autant qu'il divise, est-ce un acte de courage ou de
lacheté? Qui en souffre le plus, ceux qui s'y pensent ou ceux qui restent après l'acte? Egoisme ou
lucidité?
Mes ténèbres m'ont poussé tant de fois à considérer cette option, et la société m'a toujours poussé à le cacher. 

Comme c'est pratique, d'avoir cette envie parfois ce besoin de se tuer qui croît et votre entourage qui vous pousse à ne jamais en parler. Une des nombreuses hypocrisies du monde, "Tu peux me parler tu sais !" sous entendu "Je te dirai des banalités, des phrases toutes faites car je serai incapable de comprendre ou partager ce que tu ressens."
Le mieux dans cette histoire c'est la culpabilité. Faire culpabiliser les autres de souffrir comme si
c'était uniquement de leurs fautes, comme si tu pouvais aller mieux aussi facilement qu'en te lavant les mains. J'ai appris à me détester pour mieux justifier ma souffrance. Se haïr, se concentrer sur ses erreurs est un moyen de donner du sens.
L'obstacle qui a été le plus dur à franchir pour moi, c'est cette culpabilité. Ma famille, mes amis, les filles avec qui j'ai pu partager ma vie ont eu cette petite phase, ce moment où on te dit que c'est de ta faute, que la souffrance que tu ressens est juste un manque d'attention ou qu'elle n'a pas de sens. On te fait comprendre que tu es égoïste, égocentré. Par une perte de libido, par une prise de distance, par une remise en question de ses sentiments on perd ceux qu'on aime, quand ils ne nous quittent bien avant. L'amertume de la solitude fait l'effet du sel qu'on ajoute sur une plaie ouverte.
Mais quand rien ni personne n'arrive à calmer la douleur, elle est tout ce qui reste. On s'y habitue, on la connait, on sait à quoi s'attendre et une forme de complaisance s'installe. Être seul avec sa souffrance est plus facile que souffrir et vivre avec les autres.
Aujourd'hui j'ai décidé de me lever et de sortir de cette prison. Peut-être que ça prendra des mois, peut-être des années. Mais j'affronterai mes ténèbres, j'en finirai avec l'idée de me suicider.
J'ai déjà fait le deuil d'une vie de couple, de fonder une famille mais je ne perdrai pas mon envie de vivre. Mon envie d'écrire, de jouer et de lire. J'irai au cinéma, au restaurant, aux mariages et aux enterrement.
Je ferai preuve de résilience.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 01, 2023 ⏰

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