J’errais dans les rues de New-York quand je croisais une famille. Il y avait une femme, je l’ai trouvée élégante de par sa démarche et pensais que si les sirènes pouvaient marcher, ce serait à coup sûr de cette démarche dont elles seraient dotée. Mais pas de son caractère, son sourire rayonnant contrastait leur image d’enchanteresse envoutante. Il y avait un enfant, qui profitait simplement de sa place d’enfant, en étant adorable et adoré. Sûrement lui, était logé. Et il y avait un homme. D’abord j’avais instinctivement dégluti. Puis, je l’ai observé à son tour. Il paraissait si protecteur quand son bras arpentait la hanche de sa compagne, tandis que l’autre ébouriffait les cheveux de l’enfant qui riait de bon cœur. Chacune de leurs trois prestances irradiait l’allée de Wall Street de façon différente certes, mais qui disposait d’une complémentarité jamais vue auparavant. évidemment ils se sont évanouis à travers la foule et je ne l' ai plus revu. Mais l’image de cette famille me restait en tête.
Je me suis demandée si ils étaient constamment si complémentaires. Mais aussi ce qui forgeait leurs liens. Je n’ai trouvé de réponse à aucune de ces interrogations. J’ai passé une bonne partie de ma matinée puis tout l’après-midi à repenser à cette famille. Pourquoi n'a t-on pas tous le droit à la même chose.
Combien d’enfant comme moi, n’ayant aucun espoir ai-je croisé dans ces rues tard le soir ? Beaucoup trop. J’ai croisé Loan qui devait avoir sept ans, nous nous sommes côtoyés deux jours. Je lui ai donné mes pauvres repas jusqu’à ce que sa mère revienne le chercher à la fin de sa “punition”. J’ai croisé Ana, puis elle s’est enfuie avec mes provisions. J’ai croisé un garçon qui devait avoir mon âge. Son regard était si terne que même après trois jours passés en sa compagnie, il ne m’en avait jamais jeté un seul. J’ai fini par partir et j’ai croisé Betty, qui semblait légèrement plus âgée que moi. Mais quand elle m’a demandé mon prénom, j'ai dû dépoussiérer mon identité qui s’était enfouie sous des desseins survivalistes avant de le lui dire. “Carolann.”. Je suis restée longtemps avec Betty, peut-être quelques mois, c’est celle qui ressemblait le plus à mes yeux à ce que j’ai vu ce matin. Seulement, certains hommes sont pleins d’ambitions si abjectes qu’il me serait impossible de trouver une comparaison qui ne me conduirait pas tout droit vers une peine digne des marais les plus glauques. Là où même les rares recoins éclairés se retrouveraient sont tout aussi profonds et gluants que les sombres. C’est donc inconcevable de chercher. Seuls eux, ont cette capacité de concevoir le but de mettre une mineure non-consentante et sans-abris enceinte, puis de lui reprocher de l’être.
Betty à préférée continuer son chemin seule, en affirmant ne pas vouloir m’embarrasser plus que je ne l’était déjà. J’ai voulue riposter à base de “let's stand together, what do we have to lose?”. Mais j’ai vite abandonné en réalisant que comme d’habitude, Betty avait raison “You still have a chance to get out of this. For me it's already over.”. Si l’une d’entre nous avait une chance de s’en sortir, même si nous ne savions pas encore comment. Elle devait le faire, et vivre en se nourrissant de la mémoire de l’autre.
Pourquoi Loan, Ana, cet adolescent et Betty, n’avons pas eu droit à un cadre stable ? Voir aimant si j’ose demander. J’ai à présent la vingtaine, mais je suis encore dehors. Qui voudrait réhabiliter une femme sans éducation. Je n’ai pas vu les années passées, chaque jour ressemblait au précédent et je me suis laissée enfermée dans cette boucle sans fin. C’était ça ou mourir de ses mains.
Je voulais parfois mourir, des miennes, mais un instinct de survie, ou plutôt d’espoir s’emparait de moi à chaque fois. Sans le vouloir je me disais que demain irait mieux. Honnêtement, je n’avais plus aucune raison de croire que ça allait s’arranger pour moi. La rue le soir est pleine de vices. Et nous savons toutes que la rue le soir appartient aux hommes.
Seulement, il faut croire que j’ai été chanceuse. Je n’ai aucun autre mot approprié pour décrire cela car d’autres enfants la méritaient autant que moi, cette chance. D’autres qui ne l’avaient pas cette lueur d’espoir. Car les insultes, les agressions, les séquestrations, la faim, les viols et les regards hostiles, leurs auraient brusquement retirés.
- Carolann ? Thank god, it’s you !
- Betty ?
Et nous nous sautions mutuellement dans les bras. Moi qui croyais ne plus avoir de force. Elle portait un beau et manteau qui ressemblait fortement à celui de la femme que j’enviais il a quelques années. Quoique, je les enviais tous les trois au final.
- Don't stay out any longer. Come. m'indiquait-elle d’un coup de tête. Comme si cela était parfaitement normal et faisait sens. Pour moi, le fait même d’être à la rue ne l’était pas. Sa proposition lui paraît lucide et spontanée à la fois. C’est étrange, mais je ne vais pas chipoter plus longtemps. Enfin, il s’agit de Betty !
- Do you have a place to live now ?
Moi qui la pensait morte.
- Yes, it's a miracle. On the right day and at the right time, I came across a good association that was able to guide me.
- Indeed, it is a miracle.
Un petit garçon est à ses pieds. Il me dévisage l’air méfiant. Cher garçon, si tu savais.
Après cette rencontre qui elle aussi, tenait du miracle. Betty m’emmena vivre avec elle. Elle travaillait en tant que serveuse dans un bar du coin donc les revenus étaient toujours compliqués mais simplement le fait d’avoir un toit rendait les choses plus faciles. Nos liens se sont resserrés également. à force de la voir telle une membre de ma famille, elle l’est véritablement devenue. Nous nous sommes mariées l’année suivante.
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Épopée de sentiers
RandomVoyages au tour du monde à la découverte de personnages vivant autour du monde. (en dirait une émission type "national geographic" en gros). Le récit est posé et l'intrigue pas très marqué, tout est dans la découverte.