Prologue

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Des aiguilles.
Il inspirait des aiguilles.
De plus en plus rapidement, de plus en plus fort.
Il marchait,
il courrait.
Il pleurait,
il savait.

Le sol, aussi trempé que ses joues lui faisait perdre l'équilibre. Allant de plus en plus vite, il bousculait l'enfant, la mère, le père.
Vite, plus vite, il fallait qu'il arrive à temps.
Son poing serré chiffonnait la lettre déjà trempée par l'eau salée.

« La plus belle nuit de l'année » était toujours cette nuit là.
Toute la famille se réunissait, mangeant à excès.
S'offrait des cadeaux emprunts d'amour et de joie. 
Avaient-ils déjà ressenti ça ?
L'amour et la joie ?
Mais, était ce vraiment le bon moment pour se le demander ? N'aurait-il pas dû s'interroger plus tôt ? Alors, peut-être ne serait-il pas en train de courir en pleine rue, au milieu de la nuit la plus heureuse de l'année.

Yuei.
Le lycée.
L'établissement de rêve.
La plus grande école du pays.
Celle où il passe ses journées, celle où il l'a rencontré.
La porte teintée était fermée. Mais sa vitre était brisée, il y était passé. Des goutes de sang perlaient sur les bouts de verres restants.

Il s'arrêta net, l'adrénaline se propageait de plus belle dans son corps et il actionna la poignée de toutes ses forces. Quatre à quatre, il gravit les escaliers. Plus vite. Pas assez vite. 

« défense de franchir cette porte »
Il poussa l'accès au toit de toutes ses forces, la porte de secours claqua sur le mur opposé, le soleil s'était couché et les lumières de la ville éclairaient la scène. 

Il ne pouvait pas y croire. Il savait. Mais il n'y croyait pas. Il était là. À cette vision, ses yeux eurent un soubresaut et sa figure se tordit en une grimace de douleur. Il arrêta sa course, son vis-à-vis s'était retourné à l'entente de la porte poussée.

Il s'approcha lentement, sa respiration accélérait, il perdait son souffle alors qu'il ralentissait. Ses larmes se multiplièrent et il manqua de lâcher un sanglot en prononçant son nom.

« Katsuki... »

Leurs regards se croisèrent. Il ne reconnu pas. Le regard rouge, ardent, brûlant de son meilleur ami était parti. Ce n'était pas lui. Ou peut-être était-ce lui ? le vrai lui. L'anxieux, l'apeuré, le terrifié lui. 

« Bordel... qu'est ce que tu fous là ? Ses mains, solidement agrippées à la rambarde tremblaient.

- Katsuki... son ton était plaintif, suppliant. Il tendit la main vers Bakugo. S'il te plaît.

- Dégage, putain ! C'est Noël ! Va ouvrir tes putains de cadeaux et fou moi la paix. Il cracha ces mots en se retournant brusquement, action qui arracha un halètement de frayeur à Eijiro. »

Il se rapprocha du bord, la main tendue, le suppliant de passer de l'autre côté.
Katsuki menaça, s'il s'approchait plus, il lâcherait.
Eijiro n'écouta pas, ce fut plus fort que lui, il avança.
Katsuki exécuta, il lâcha.

Paralysé. Il ne pouvait pas bouger. Dans un instant charnière, figé,  rien ne se passa. Il n'y avait plus de cris, de menaces, il n'y avait plus personne à sauver devant lui.
Pris par un élan héroïque, par un élan d'amour, il suivit. Marcha, sprinta, attrapa, agrippa, enjamba, escalada, sauta, tomba, chuta, dégringola.

Il ferma les yeux, incapable d'affronter les conséquences de son acte, sentant le vent déformer son visage comme les prémices de sa mort imminente.



« BORDEL !! Mais t'es complètement taré ! Qu'est ce qui t'a pris ? Te jeter dans le vide comme ça ! T'aurais pu mourir ! »

Ses yeux, auparavant comme soudés par une colle imaginaire, se posèrent ceux de son meilleur ami. Les cris de celui-ci l'avait ramené sur terre.
Il était sur Katsuki qui avait utilisé une explosion pour amortir leur chute.

Il réalisa, il vivait. Il regarda Katsuki quelques secondes de plus avant de lever les mains à son visage pour le toucher. Un sanglot bruyant perça le silence, puis un deuxième, un troisième et bientôt, Eijiro fondit en larmes.

N'ayant pas cessé de toucher le visage de Katsuki, il répéta : « Tu vas bien ».
Un rire entremêlé de sanglots, larmes et soubresauts déforma les traits de son visage.
« Tu vas bien » il passait de ses joues à ses cheveux en passant par son nez.
« Tu vas bien » il passa à ses épaules, ses bras, ses mains ensanglantées.
« Tu vas bien » son torse, son ventre, ses cuisses.

« Tu vas bien »

« Eijiro... pourquoi t'as sauté. Tu aurais dû...! Tu aurais dû me laisser ! Il était à bout de souffle.

- Tu vas bien ? Dis moi que ça va ? Eijiro pleurait toujours.

- Pourquoi ? »

Un silence tomba que seuls les pleurs d'Eijiro, incapable de répondre, venaient bouleverser. Le rouge regarda le blond une nouvelle fois, tenant le visage de celui-ci dans ses mains. Ils ne se lâchaient pas des yeux, cherchant dans l'âme de l'autre des réponses.

Katsuki réalisait lentement, il avait faillit tuer son meilleur ami. Ses yeux s'embuèrent de larmes, il allait le tuer. Une larme perla, puis toutes celles retenues depuis si longtemps coulèrent dans un flot incessant.

« Pardon, pardon, pardon. Je suis désolé, Eijiro. Sa voix tremblait, se confondait avec ses larmes.

- Katsuki ? Pourquoi tu t'excuse ? Il essuyait frénétiquement les larmes du cendré.

- Je... tu aurais pu... à cause de moi. Tout se mélangeait dans sa tête, la honte, la tristesse, le désarroi, la peur.
Le rouge l'attira lentement à lui, accompagnant la tête du cendré avec ses mains pour qu'elle se retrouve dans son cou.

- Tu m'as sauvé la vie, KitKat. Sans toi je serais aplati au sol. Le blond remua un peu à l'entente de ce surnom et se redressa légèrement à la fin de la phrase.

- Sans moi tu n'aurais pas sauté. Kirishima le serra plus fort. Pourquoi t'as sauté ?

- C'était plus fort que moi, mon corps a juste bougé de lui-même. Et... jamais je t'aurais laissé.
Katsuki attendait, il attendait que son meilleur ami lui pose la même question, pourquoi ? »

La question ne vint jamais. Eijiro savait.

It's raining men ! - kiribaku Où les histoires vivent. Découvrez maintenant