FLASH (publié en auto-édition)

Chapitre 3

Victoria

Je connais cet homme depuis deux jours, et ça fait deux nuits qu’il m’empêche de dormir. La première fois, c’était plus à cause d’Agatha Christie et ses personnages, mais cette fois-ci, c’est à cause de lui et de ce surnom qu’il m’a attribué : Vicky.
Mon réveil sonne à côté de moi et je jette mon bras sur ma table de chevet pour l’éteindre. J’espère qu’Erwan ne sera pas au studio aujourd’hui, sinon je risque d’avoir droit à une leçon de morale de sa part. Hier, j’ai déjà peiné à cacher ma fatigue sur le plateau, et la maquilleuse a dû utiliser la moitié d’un flacon d’anticernes pour dissimuler la misère.
Je prends une douche froide afin de me réveiller et m’obliger à garder les yeux ouverts plus de quatre secondes. Je m’habille rapidement et attends que le chauffeur vienne me chercher avec mon café latte. En espérant que ce dernier m’aidera à me remettre d’aplomb et tenir toute la journée.
Foutu libraire… 
Mon portable sonne. Je l’entends, mais impossible de mettre la main dessus. Je regarde un peu partout en déplaçant mes affaires à l’arrache et n’importe comment, ce qui n’arrange rien à la situation, puisque ledit téléphone reste introuvable. La sonnerie s’arrête, puis reprend aussitôt. Je ne sais pas qui veut me joindre ; néanmoins, la personne me paraît très déterminée. C’est en soulevant ma veste sur mon sac que je m’aperçois que mon portable s’y trouve. Je soupire, exaspérée, et décroche dans la seconde en voyant le nom d’Erwan affiché sur l’écran. Je consulte alors l’heure pour m’assurer que je ne suis pas en retard.
— Je te jure que le chauffeur n’est pas encore arrivé, donc… commencé-je à me justifier.
— Tu ne vas pas au studio aujourd’hui, me coupe-t-il. Tu as ouvert Instagram ou Twitter ce matin ? 
— Aucun des deux.
— Il y a des rumeurs et un article qui est sorti sur toi dans la nuit, il fait beaucoup de bruit et plusieurs chaînes d’infos s’en sont emparées.
Paniquée et sachant de quoi les médias sont capables pour décrocher le meilleur scoop, je mets mon agent en haut-parleur et m’empresse de me rendre sur Google pour taper mon nom dans la barre de recherche. Les gros titres me font froncer les sourcils d’incompréhension.
« Victoria St-Claire et son amant caché ! », « Est-ce que la diva de Londres passe ses nuits avec un prostitué ? » et encore « La célèbre actrice-mannequin retrouve son petit ami secret dans une sombre ruelle ».
Je clique sur le premier article et tombe sur une photo de moi prise par un paparazzi que je tentais de fuir il y a deux jours en sortant du restaurant. Je fais défiler la chronique et débute ma lecture.

Victoria St-Claire et son amant caché !
Personne ne l’a vue venir ! Alors que les hommes sont pratiquement tous à ses pieds, il y en aurait un parmi eux qui a retenu l’attention de Victoria St-Claire. La célèbre actrice, qui est en plein tournage dans Londres pour un long métrage, a été aperçue fuyant les paparazzis pour qu’ils ne la surprennent pas avec son nouvel amant. Acteur ? Mannequin ? Agent ? Styliste ? Rien de tout ça ! Celui qui a tapé dans l’œil de la jeune femme est un libraire ! Elle s’est rendue à son adresse deux nuits d’affilée, toujours dans la plus grande discrétion ; seulement, il faut croire qu’elle ne peut pas dissimuler plus longtemps ses forts sentiments, puisqu’elle quitte chaque fois son homme en souriant. Nous attendons une officialisation de ce couple qui va faire des jaloux, c’est certain !

— C’est complètement ridicule ! m’écrié-je. Je connais à peine ce type !
— Donc il y a bien un « type », conclut froidement Erwan.
— Oui, mais ce n’est pas un amant et encore moins mon « homme ». La première fois, je suis allée dans cette librairie justement pour fuir les photographes et je suis tombée sur lui, c’est tout.
— Et qu’est-ce qui t’a poussée à y retourner ?
— Sans faire exprès, je lui avais pris un livre, il fallait bien que je le lui rende…
Je lui mens, sachant qu’il ne comprendrait pas la vraie raison et que je ne me vois pas lui avouer que ce type a su attirer mon attention en me trouvant les seuls romans qui puissent me tenir en haleine. Et juste pour ça, j’ai envie d’en savoir plus sur lui.
— Donne-moi l’adresse de ce gars, il va certainement recevoir des messages et des visites de journalistes qui vont vouloir l’interviewer à ton sujet. Enfin, désormais, à votre sujet… explique mon agent.
— Et alors ? Il va répondre que nous ne sommes pas ensemble, ce qui est la vérité.
— Victoria, écoute-moi. On a deux façons de gérer la situation. On peut soit laisser cette rumeur se dissiper, et dans quelques jours, ce sera complètement oublié.
Il marque une pause.
— Ou alors, on peut s’appuyer dessus et l’alimenter pour faire en sorte qu’on continue de parler de toi. Un petit scandale peut être bon pour les affaires ; t’as plusieurs projets en route, ça va t’aider à augmenter ton audience. Tu as fait la une de tous les journaux en à peine 48 heures grâce à votre idylle.
— Erwan, je ne suis pas avec ce type et je n’ai pas envie de le mêler à tout ça…
— On s’en fout que tu sois vraiment amoureuse ou non ! s’exclame-t-il. Tu sortiras avec lui publiquement pour aller au cinéma ou au restaurant quelques fois dans la semaine et ça sera assez. Je vais lui proposer un arrangement alléchant avec certaines clauses. S’il accepte, vous allez devenir le couple le plus mythique de Londres pendant quelques mois, puis après, une fois tes gros projets passés, vous n’aurez plus besoin de vous côtoyer. La hype sera terminée et chacun ira de son côté.
Très mitigée par rapport à son idée, je fais la grimace, le téléphone contre mon oreille. Je ne pense pas que le libraire… qu’Harry accepte. Il n’a pas l’air de connaître ce milieu, alors y participer activement risque de ne pas lui plaire.
— J’arrive presque devant chez toi, m’informe-t-il. Rejoins-moi, nous allons de ce pas saluer ton amant secret !
Je n’ai aucune idée de la façon dont Erwan va s’y prendre pour expliquer son plan qui est complètement aberrant. Mais à en croire la tournure des événements, il est possible qu’à la fin de la journée, je me retrouve engagée dans un fake dating.