CURVES

Curves [O.S]

C U R V E S

Cela arrivait quelques fois.
Cela survenait, et le monde s'arrêtait de tourner. Pas toujours, pas de manière incessante - sinon cela deviendrait agaçant, et tout le charme de la chose serait réduit à néant - mais de temps en temps. Cela le rendait toujours pantelant, il en avait presque du mal à respirer, comme si le monde allait s'écrouler sur lui dans les secondes à venir. Il arrivait que cela le prenne après une dispute anodine, comme ils en avaient souvent, par exemple ce jour-là. Cela venait, sans crier gare, et toute la colère qu'il avait pu accumuler auparavant s'évanouissait pour laisser à ce sentiment semblable à de la pure vénération, ce sentiment qui lui paraissait nécessaire à sa survie.

Harry regardait Louis, d'un air un peu rêveur, un peu absent, comme il le faisait toujours - niais, oui, il en était conscient, mais il ne pouvait pas s'en empêcher - et soudain, tout l'amour qu'il éprouvait pour celui-ci le frappait de plein fouet. Et cela lui coupait le souffle, il en avait mal à l'estomac, ça le transperçait, comme si chaque petit détail à propos de l'homme devant lui était une épine qui s'enfonçait en lui. Il avait parfois la sensation de l'aimer si fort qu'il en saignait. Il peinait à l'exprimer - à part quand il écrivait une chanson, car les mots venaient naturellement, d'un seul coup - mais au final, son corps parlait pour lui.
Oui, il regardait Louis, il scrutait son être, avec la sensation que s'en détourner le tuerait.

Ce dernier discutait avec leur ami, Niall, et riait à l'une de ses blagues - qui n'était peut-être pas drôle, Louis avait le rire facile, et c'était l'une des nombreuses choses qu'Harry adorait à son propos, d'ailleurs - et il était si beau. Le jeune homme brun que lui était se tenait là, à quelques pas de cet idéal, et le contemplait entièrement. Louis avait l'air d'une merveille. De ses cheveux châtains, parfois désordonnés parfois sculptés en une coupe sophistiquée comme ce jour-là, et dans lesquels il aimait passer ses doigts ou y frotter sa joue parce qu'ils étaient incroyablement doux ; à sa taille si minuscule que Louis avait la manie totalement adorable de se mettre sur la pointe des pieds - ce qui donnait envie à Harry de l'enfermer dans une pièce et de l'embrasser jusqu'à ce qu'il en meure - en passant par ses yeux bleus, d'un bleu lointain, majoritairement sombre mais tirant sur le clair par moments, d'un bleu puissant. Il pouvait rester plongé dans ce regard hors commun, qui lui avait fait de l'effet dès leur première rencontre. Ensuite, il se concentrait sur les traits fins de son visage, la droiture de son nez, sa forte mâchoire et surtout sa bouche. Ses lèvres fines mais pleines, qu'il fallait sans cesse humidifier parce qu'elles s'asséchaient très vite - ce qui ne le gênait pas le moins du monde, s'il le pouvait, il passerait sa vie à les hydrater, et cela serait très agréable pour tous les deux - c'est pourquoi Louis passait souvent sa langue dessus, ce qui avait de quoi rendre Harry complètement fou. La preuve, il venait juste de le faire, et Harry sentait déjà une vague de chaleur se propager en lui.

- Sincèrement, lui dit sur un ton amusé une voix qu'il reconnut comme étant celle de Liam, arrête de le regarder comme ça, Ça devient indécent.

Son ami était près de lui, tenant la main de la flamboyante jeune fille qu'était Sophia, sa petite amie, et souriait d'un air clairement moqueur.

- Je suis d'accord, renchérit Sophia, on dirait que tu vas lui sauter dessus pour l'emmener dans la chambre la plus proche et lui faire subir les pires outrages. Ou ériger un autel à son honneur. Je ne sais pas trop.

Il n'osa pas le dire, mais c'était assez proche de ce qu'il ressentait, pour ne pas dire totalement exact. Il détourna de nouveau la tête, pour voir son compagnon bavardant gaiement avec une fille qu'Harry ne connaissait pas. Elle était étrangement proche, remarqua-t-il pour son plus grand déplaisir. Et jolie, ce qui était également dérangeant, soudainement. Il fronça les sourcils, contrarié.