Introduction

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La légende du Feu d'Edo

導入部

Février 1681.

Edo* sous l'ère Tenna.

       En ce début d'année 1681, tel que nous occidentaux l'envisageons, le mois de février fût le début d'un cycle de misère. Les incendies répétés et quasi quotidiens ravageaient les récoltes et plongeaient lentement la population dans un état de famine difficilement gérable pour le nouveau Shogun*.

       Tokugawa Tsunayoshi, tel était son nom, assurait la prospérité du domaine d'une main de fer et avait ouï-dire que la protection des Kami* était mise à mal par un esprit renégat. Si l'on tendait l'oreille sur les rumeurs circulant entre les habitants de l'ancien Tokyo, le coupable était tout trouvé ! Il s'agissait d'un renard rouge, rongé par la folie et la cupidité, un ancien messager d'Inari ayant tourné le dos à la déesse du riz... Un Esprit si craint que son ascension avait défié l'ordre des Divinités.

       Pour mettre fin à cet épisode de terreur, le nouveau Shogun décida d'approcher ce Kitsune* avide de richesse et de violence, que tous nommaient Hakai le rouge. À l'aube, il fit préparer les armes, éleva fièrement les armoiries familiales et la cavalerie traversa les plaines et les forêts de l'Est, jusqu'au temple abritant l'Esprit. Mais Tokugawa Tsunayoshi, dans sa quête, avait omis une chose importante pour les Esprits et Kami du panthéon shintô....

       C'est les mains vides qu'il se présenta devant Hakai le rouge. Sans offrandes pour l'apaiser, exigeant simplement à l'Esprit de mettre fin à ses agissements ! Face au manque de considération du Shogun, Hakai entra dans une colère noire, et sa riposte fut immédiate. En représailles, il embrasa Edo.

(Image d'illustration: source Pinterest)

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(Image d'illustration: source Pinterest)

       L'incendie décima tout sur son passage, entachant même le Mont Takao, le territoire sacré des Tengu, de l'autre côté de la montagne. Les pertes humaines et matérielles furent telles que seuls Suijin, le dieu de l'eau et Susanoo, le dieu des tempêtes, purent contenir le brasier.

       Au même moment, prévenue par les Kamis ailés que la folie avait souillé le cœur du renard, Amaterasu, la déesse solaire, réunit les Hauts Kami et les représentants de chaque clan des montagnes. Et après une délibération qui dura trois jours et trois nuits, la cour Céleste rendît son verdict : le renard devait payer !

       Privé de ses pouvoirs, Hakai le rouge fut scellé et condamné à passer les quatre cents prochaines années à l'intérieur d'un rocher pour expier ses fautes et calmer sa démence.

       Les siècles ont passé, avec eux sont venus le progrès et la technologie. Edo s'est repeuplé, reconstruit, devenant Tokyo, l'actuelle capitale japonaise. Hakai le rouge n'était plus qu'un lointain souvenir. Tellement lointain qu'Amaterasu, secondée par Inari, divinité des renards, prit la décision de libérer le Kitsune. Les Tengu et les dieux Suijin et Susanoo, n'étaient bien sûr pas d'accord, mais la déesse Céleste ne les écouta pas, jugeant qu'Hakai s'était repenti et que sa folie destructrice avait fini par s'éteindre.

       Et lorsqu'elle brisa le sceau qui le retenait prisonnier depuis des siècles, elle offrit au renard un magnifique collier de perles de cornaline et imposa une condition à sa liberté : il devra prouver que sa captivité n'avait pas été vaine en agissant avec bonté pour ramener les fidèles dans son temple. La Déesse précisa aussi que quelqu'un serait envoyé pour veiller à ce que sa soif de violence ne se réveille jamais.

        Bien sûr, Hakai n'en fut pas ravi. Il était toujours privé de ses pouvoirs, mais au moins, il était libre.

      Il ne comprit qu'après coup que ce présent d'Amaterasu était en fait un cadeau empoisonné qui allait lui pourrir l'existence...

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Hoshi no Tama. Livre I, Le feu d'Edo.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant