Prologue

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En prenant son tgv en gare de Lyon, Sophia se sentit nostalgique. Avec sa valise cabine pour seul bagage, elle se revoyait vingt ans plus tôt quittant son sud et faisant le chemin inverse avec cette même valise. La boucle est comme bouclé. Son cœur rata un dernier battement quand la fermeture des portes fut annoncée. Ses écouteurs dans les oreilles et son regard au loin, elle repensait à cette lettre qui a tout fait basculé. Et à cette dernière qui se trouve contenue dans son livre.
La semaine dernière après une longue journée de travail,  elle était entrée, épuisée autant physiquement que moralement. Comme tous les jours depuis vingt ans elle avait pris la ligne 1 puis la ligne 7 pour rejoindre le 9e arrondissement où elle vivait, il y a encore quelques heures, depuis vingt ans aux côtés de Paul. Comme tous les jours depuis vingt ans, elle était rentrée à vingt et une heure. Et comme tous les jours depuis vingt ans, elle n'avait pas eu une seule minute à elle depuis la première sonnerie de son réveil à 6h30. Mais ce jour-là, n'était pas comme les sept mille trois cents précédent. Car ce jour-là, ce n'était pas Paul qui l'attendait avec son éternel verre de bourbon dans son costard trois pièces qui se fondait dans le décor de leur appartement de style Haussmannien. Non. C'était une lettre, tout ce qu'il y a de plus simple, qui l'attendait sur la table de leur salon. Elle aurait pu la confondre avec une lettre des impôts. Mais elle avait reconnu l'écriture cursive un peu bancale de son cher et tendre qui apparemment n'était pas présent ce soir. Elle présentait quelque chose, généralement son instinct ne la trompait pas. Tout cela n'avait aucun sens. D'abord le fauteuil en cuir limé vide, cette lettre et le four, où aurait dû être le diner du soir, vide et froid.
Son corps entier lui criait de ne pas ouvrir cette lettre, comme si ce dernier sentait que tout changerait à l'ouverture de cette maudite lettre.

« Sophia »

Six lettres et  elle sentait déjà une boule se former dans sa gorge.
« Sophia,

Vingt ans, vingt ans que nous vivons ensemble, ce fût les plus belles mais aussi les pires de ma vie. Il y a vingt ans, on apprenait à se connaître, on tombait follement amoureux l'un de l'autre, en se promettant les plus grandes promesses. A cette époque, tes yeux auraient pu contenir les étoiles de l'univers tellement tu rayonnais. Mais dans ces vingt ans il y a les dix dernières années. Tu t'es éteinte avec notre amour.

J'y réfléchis déjà depuis quelques mois. Mais chaque soir quand tu rentrais et que tu me souriais en me remerciant de m'être occupé du diner, je me disais que ma vie serait impossible sans toi.

Mais l'autre fois, je t'ai entendue pleurer. Je pensais ton deuil terminé et avec cela ma culpabilité envolée mais j'ai su, j'ai su que quoiqu'il en soit tu m'en voudrais toute ta vie, quoiqu'il advienne. Tes règles et leurs retours tous les trente jours te rappelaient qu'un peu plus le vide qui avait résidé tout au long de ta vie dans ton corps. Tu as toujours voulu être mère nous deux, ça ne t'a jamais suffi. Je crois qu'il aura fallu vingt ans pour que je le comprenne.
Alors je te libère, pas pour moi, mais pour toi.
Ci-joint je t'ai mis les papiers de notre divorce, prends ça comme l'ouverture de la cage dorée où tu te trouves depuis vingt ans. L'appartement te revient, fais en ce que tu veux mais surtout vis.

Amoureusement,
Paul
»

L'éternel refrain de nos étésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant