Chapitre 1

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Sophia aperçoit depuis son wagon les plages et la mer qui se roule avec délicatesse sur le sable. En descendant du wagon, elle a l'impression de recommencer à respirer comme si vingt ans plus tôt elle avait mis sur pause sa vie et sa respiration en montant dans ce train. Elle lâche ses écouteurs pour la première fois depuis qu'elle est montée dans le train pour écouter le bruit des vagues et leur réconfort qu'apporte au cœur de Sophia ce doux bruit. Elle avait beau en écouter sur cette application de bruit blanc, rien ne remplacera la réalité et les sens qu'elles mettent en émoi chez elle, l'odorat avec l'air marin, l'ouie par leur bruit enivrant, la vue par la perfection avec laquelle elles se roulent, ne manque plus que le goût et le toucher que Sophia aura tout le temps de déguster dans les jours à venir. La mer lui a toujours apporté un sentiment de réconfort et de stabilité, comme une entité qui veillait sur elle quand tout changeait autour d'elle car plus rien n'est comme avant, même ce bon vieux Louis qui tenait la boulangerie en face de la gare n'est plus là. Il a sûrement pris sa retraite pense Sophia, il était déjà très âgé à l'époque où elle avait fui son sud. Néanmoins, ce n'est pas pour autant qu'elle ne se prend pas le meilleur croissant de sa vie dans cette petite boulangerie. En croquant sa première bouchée Sophia pense, ce n'est plus Louis mais toujours la même recette. C'est en tournant le dos à la vendeuse qu'elle entend un accent chantant qui l'appelle.

-Sophia !! Sophia !! C'est notre Sophia !!

Sophia se retourne d'un seul homme vers cette voix qui la rappelle tant de choses, son enfance, les bains de nuit à la plage d'Espiguette, les feux de bois en été, et les sorties en douce pour rejoindre leurs amours de vacances.

-Alma !

Les quatre cents coups étaient réunis comme aimait les appeler Alma quand elles étaient en âge de faire encore ses fameux quatre cents coups. Elles prirent dans les bras comme si le temps avait eu pitié d'elle et qu'il n'avait pas amené avec lui les première rides au coin de leurs yeux, leurs premières cernes dues à l'âge et non au nuit blanche accumulées dans la semaine, et que leur couleur de teinture impeccable ne cachait pas leurs premiers cheveux blancs qu'elles tentaient vainement de dissimuler.
Alma n'avait pas changé, elle était toujours rayonnante, grand et élancée, Sophia était sure qu'elle faisait encore tournée des têtes malgré son âge. Sophia avait toujours été la plus petite, plus studieuse et celle qui intéressait le moins les garçons à leur époque, elle suivait Alma dans toutes ses bêtises, tant que c'était avec Alma ses parents ne disaient rien. Alma avait cette aura autour d'elle, Sophia n'aurait jamis cru que ce serait elle qui resterait au village et encore moins qu'elel reprendrait la boulangerie de son grand-père.


-Que fais-tu dans le coin ? Ca fait quasiment vingt ans que l'on ne t'a pas revu dans les parages !, l'interroge Alma

Sophia n'avait pas envie d'expliquer à tout le village, parce que oui en s'adressant Alma, si Sophia savait bien une chose, c'est que demain tout le village serait au courant, elle a toujours été une grande pipelette, que le soir où elle avait appris qu'elle était licenciée pour raison économique, son mari avec qui elle vivait depuis bientôt vingt ans l'avait quitté sans raison outre que son infertilité. Alors Sophia sortit ce qu'elle s'était préparée à mentir pendant tout le trajet en train :

-Le sud me manquait et je me suis dis qu'il était temps d'enfin ces congés payés que je n'ai jamais utilisé.

-Donc tu es là pour plus que quelques jours ?, s'émerveilla Alma

-J'espère, j'ai posé deux semaines pour l'été tu sais à quel point je l'ai toujours choyé.

Sophia savait qu'en parlant de leurs été elle réveillerait des souvenirs chez Alma mais aussi qu'elle orienterait la discussion sur un autre sujet.
Et cela eu l'effet escompté quand Alma lui affirma qu'elle devait retourner travailler mais qu'elle voulait son numéro pour se retrouver autour d'un feu sur la plage devant un coucher de soleil avec leur mythique café bien noir.

-Compte sur moi lui affirma Sophia en lui transmettant son numéro.
Avant qu'elle ne se retourne Alma lui posa la question à laquelle Sophia n'avait aucune réponse :

-Tu vas loger où ? 

L'éternel refrain de nos étésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant