Sur le sentier de la guerre

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- Je peux marcher avec toi l’ami ?

- On se connait ?

- Et toi, tu te connais ?

- Non plus vraiment.

- Tu viens d’où comme ça ?

- Du front, de la première ligne et toi ?

- Du front, première ligne aussi mais celle de l’est.

- J’ai entendu dire qu’elle a été bombardée.

- Comme toutes nos lignes l’ami, mais dis-moi, tu m'as l’air bien estropié.

- Oh ça ? Trois fois rien, un éclat d’obus a décidé de faire le voyage avec moi.

- Sympa, j'espère qu’il est de bonne compagnie.

- Un peu encombrant.

- D’où tu viens l’ami ?

- Un pays où il ne pleut pas des bombes chaque matin, et toi ?

- Mh…de même, avec la mer en prime.

- La mer ? Oh mais tu es bien loin de chez toi alors !

- Comme nous tous.

- Il n’y avait pas la guerre plus près de chez toi ?

- Il y a la guerre partout, mais j'ai déjà servi sur ces fronts la.

- Tu sers l’armée depuis combien de temps ?

- Je ne sais pas vraiment, ma caboche est trop usée par les coups de fusil, mon ami, mais je pense pouvoir dire que je combats depuis le début.

- C’est long le début.

- C’est long cinq ans.

- Et tu as survécu aussi longtemps ? Admirable… remarquable même...

- Étonnant n'est-ce pas ? Je me demande parfois si en réalité je ne suis pas mort sous une bombe et que tout cela n’est que le fruit de mon imagination.

- Si c’est le cas, je suis ravi d’être dans ton imagination. Que faisais-tu avant la guerre ?

- S’il y a eu un avant la guerre… Cette époque remonte à loin, mais il me semble que je n’étais qu’un simple paysan. Vivant sa vie paisiblement, loin de tout le remue-ménage de la ville.

- Tu n'aimes pas la ville ?

- Non, je préfère le calme de ma campagne et le chant de mon coq. Et ne me demande pas comment je le sais si je ne suis même pas sûr d’avoir été paysan, je le sais, c’est tout. Et toi, l'ami, tu avais une vie avant la guerre ?

- J’étais encore en étude.

- Tu viens de la ville ?

- Oui, j’ai dû m’y installer pour me rapprocher de mon université.

- Tu n'as pas l’air bien vieux, quel âge avais-tu avant la guerre ?

- 18 ans tout juste et toi camarade ? Tu n’as pas l’air bien plus vieux que moi.

- J’avais 20 ans avant la guerre.

- Tu n’as donc pas eu le choix de rejoindre le front.

- Non, et à l'époque, les jeunes de ma campagne étaient envieux, ils voulaient partir à la guerre eux aussi.

- Leurs souhaits ont-ils été exaucés ? ?

- Oui, et ils ne sont jamais revenus. Sur les six jeunes hommes prêts à servir, je suis le seul encore debout.

Sur le sentier de la guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant