Kolonie

1-

Huit ans plus tard

- Ce n'est vraiment pas une bonne idée Ramsès !

Lumen semblait marcher à reculons, tellement il ne voulait pas arriver à destination. Il replaça une mèche derrière l'oreille, regardant mieux le paysage qui l'entourait. Juste un chemin de terre et des arbres. Beaucoup d'arbres en réalité. Ils avaient quitté la ville depuis plusieurs minutes et ce n'était pas pour le plus grand des plaisirs de l'enfant. Sa journée avait déjà été assez compliquée, sans avoir besoin d'en rajouter plus.

- Pourquoi t'as écouté Gaëtan ?

Son comparse continuait sa route. Pas la moindre hésitation. Il donnait même l'impression de faire la sourde oreille. Lumen détestait cette manière de faire, manière qui caractérisait si bien Ramsès. Une tête brûlée, doublée d'une vraie tête de mule.

- Tu devrais m'écouter moi, pour une fois.

Le chemin tourna légèrement, les arbres défilaient, se ressemblant tous les uns les autres. Plutôt rêveur, l'enfant plus blanc qu'un cachet d'aspirine, savait apprécier la nature et tout ce qu'elle offrait. Il aimait observer les oiseaux et les papillons qui traversaient leur petit jardin. Il pouvait passer des heures sans bouger, admirant une simple fleur, pourquoi pas même la dessiner. Il avait toujours trouvé refuge et réconfort auprès d'un arbre.

Sur ce chemin de forêt, pour la première fois, la nature elle-même lui semblait terrifiante. Dans cette obscurité s'installant en même temps que la nuit, chaque arbre avait cette allure menaçante. Il n'avait qu'une seule envie : rentrer chez eux, à l'orphelinat. Ce n'était pas la forêt en elle-même qui le terrorisait, mais plutôt leur destination. Un endroit lugubre, de mauvaises réputations, dont il avait entendu bien trop de rumeurs. Y aller ne figurer pas sur sa liste de choses à faire.

- Viens, on rentre, supplia-t-il encore une fois.

Ramsès s'arrêta enfin. Habituellement, il avait toujours ce petit sourire en coin, moqueur et fier. Pas aujourd'hui. Il avait plutôt les traits tirés par une colère bouillonnante en lui.

- Tu veux récupérer ton portable oui ou non ? Gronda le métis.

Lumen ouvrit la bouche la referma. Il baissa plutôt les yeux, préférant fixer ses chaussures plutôt que son frère d'orphelinat.

- Gaëtan a dit qu'il était là-bas maintenant, alors je vais le chercher !

- Il a peut-être menti... Tu y as pensé ?

- On ne perd rien à aller vérifier.

Fixant toujours ses baskets usées, il sentit un frisson glaçant le parcourir. « Rien à perdre », c'était vite dit. Il préférait ne pas retrouver son portable, plutôt que de mettre les pieds là-bas. Les rumeurs pouvaient être fausses, peu importait, dans sa tête elles sonnaient terriblement vraies.

- Je sais que tu n'aimes pas te battre Lu, mais tu devrais vraiment te défendre face à Gaëtan et sa bande.

- Je sais...

- Je ne pourrais pas toujours être là pour te défendre.

Lumen releva les yeux, à la fois apeuré et un peu perdus. Du haut de ses quatorze ans tout juste acquis, il avait encore du mal à imaginer des jours sans Ramsès. Ils étaient arrivés, bébés, à l'orphelinat à peu de jours de différences. Depuis, ils ne s'étaient jamais quittés. A l'école, et même au collège ensuite, ils arrivaient à être dans la même classe. Aussi proche que pouvaient l'être des jumeaux. Mais ils grandissaient, inexorablement et la vie pouvait être amené à les conduire sur des chemins différents. Pour le moment, il préférait tout simplement ne pas y penser et se dire qu'il aurait toujours son frère derrière lui pour l'aider. Surtout face à des petites brutes comme Gaëtan, qui aimaient faire de sa vie un enfer.