Je vous avais promis de raconter l'histoire de mon père, et je vais maintenant vous la narrer.
Mohammad a vu le jour à Ankara le 23 avril 1972, fruit de l'union entre Imran, son père d'origine algérienne, et Deniz, sa mère d'origine turque. Son prénom a été sélectionné par sa tante, Ayline, la sœur de sa mère, signifiant "comblé d'éloge". Il partage sa fratrie avec un jeune frère, Abdelrahman, âgé de 49 ans, et une jeune sœur, Meryem, âgée de 47 ans.
Son arrivée dans ce monde s'est déroulée dans un contexte difficile, marqué par une crise économique et un climat de violence, incluant des attentats d'extrême gauche pendant les années 1970. Malgré ces épreuves, ses parents ont adopté une attitude stricte envers lui. En raison de contraintes financières, ils n'ont pas eu la possibilité de financer son éducation formelle. Dès l'aube, à 5 heures du matin, Mohammad était contraint de travailler dans les champs, vivant ainsi des expériences atroces.
La maternelle figure, en l'occurrence la génitrice de Mohammad, n'a point revêtu l'attitude maternelle soucieuse à son égard. Effectivement, une inversion totale des rôles s'est opérée; une dissemblance radicale caractérisait leur relation. Par contre, mon aïeul, Imran, se distinguait par une parentalité excessivement protectrice. Néanmoins, la maternelle grand-mère l'expédiait fréquemment aux champs à une heure matinale, surpassant même l'aube, réduisant son sommeil à une portion modeste, débutant à 22 heures le soir, exacerbant la difficulté d'adaptation. À l'âge de quinze ans, une opportunité s'offrit à lui, lui permettant de déterminer son désir de demeurer au sein de sa famille. Ainsi, il opta pour l'exode, préférant s'installer avec un individu résidant en France, en l'occurrence son oncle Tom, frère d'Imran.
Cette brève parenthèse éclaire sur la raison pour laquelle le frère d'Imran, dénommé Tom, ainsi que sa sœur Charlotte, partagent le même statut d'adoption. Ce contexte découle de l'adoption d'Imran par une famille d'origine caucasienne lorsqu'il avait l'âge de 12 ans. Le nom de famille peu conventionnel d'Imran, LOPES, ajoute une dimension distinctive à son histoire. Les étapes de sa vie, entre l'Algérie, la France et finalement la Turquie, témoignent de son aspiration à une transformation existentielle.
Actuellement, Tom réside toujours en France avec sa famille, ayant contracté une union conjugale plaisamment teintée d'une touche turque. De façon amusante, son épouse est d'origine turque. Parallèlement, Charlotte a établi sa résidence en Algérie depuis maintenant six années, ayant fait la connaissance de la famille d'origine d'Imran. Malgré les intervalles de deux à trois mois dans leurs vies respectives, ils parviennent à se réunir. Toutefois, il est essentiel de noter le décès de ma grand-mère, événement qui a procuré une grande satisfaction à mon grand-père.
Cette narration souligne la complexité de la vie de mon père, en particulier lorsque mon père a décidé de s'installer en France, créant ainsi un vide considérable au sein de la famille. À l'époque, Abdelrahman avait environ 10 ans, tandis que Meryem n'en avait que 8. Leur jeunesse a été marquée par la difficulté de l'absence de leur grand frère et une situation qui contrastait avec la satisfaction de leur mère. L'arrivée de Mohammad, né dans la joie, a initialement apporté du bonheur à la famille. Cependant, l'absence subséquente de mon père a été perçue positivement par ma grand-mère, car elle se retrouvait alors responsable de seulement deux enfants, facilitant ainsi leur éducation.
À la naissance de Mohammad, la famille s'est transformée en un noyau de bonheur. Cependant, sa mère a pris la décision d'envoyer Meryem en France à l'âge de 8 ans pour poursuivre sa scolarité, tandis qu'Abdelrahman a été dirigé vers le Portugal selon le choix de ma grand-mère. Ce choix, apparemment pris sans consulter Abdelrahman, suscite des interrogations sur les stéréotypes de genre et le pouvoir décisionnel au sein de la famille.
Ce récit met en lumière la complexité des relations familiales, remettant en question l'idée préconçue selon laquelle la mère est souvent considérée comme dominante. Dans ce contexte particulier, il apparaît que mon grand-père avait peu d'influence, la matriarche jouant un rôle prépondérant. Cette dynamique rappelle un environnement militaire, comme l'a souligné mon père en décrivant la maison comme un champ de bataille. Les relations étaient empreintes de conflits, ma mère adoptant une approche stricte et critique, dépourvue d'affection. Les gestes tendres étaient rares, réservés uniquement à ma sœur. Les célébrations telles que les anniversaires de mariage étaient absentes, induisant un manque de respect perçu au sein de la famille.
Malgré l'observance du Ramadan en raison de la foi musulmane de la famille, mon père souligne qu'il était curieusement autorisé à choisir s'il participait ou non, tandis que son frère Abdelrahman bénéficiait d'une plus grande liberté de choix, illustrant ainsi des disparités dans le traitement parental.
Mon père n'éprouve pas de colère envers sa mère, mais il conserve néanmoins une certaine amertume en se disant : « J'aurais pu essayer de l'adoucir », constatant qu'il n'a pas réussi à le faire. Il ressent de la tristesse, car il n'a pas eu l'occasion de lui exprimer son amour à la fin de sa vie. De manière paradoxale, il note que sa mère a été beaucoup plus aimable à l'approche de sa mort que tout au long de sa vie.
C'est donc essentiel de noter ces réflexions, soulignant l'importance de profiter de chaque moment avec notre famille, car l'incertitude entoure le moment de leur départ. Peu importent les difficultés rencontrées tout au long de notre parcours, l'abandon de nos parents n'est pas une option, car c'est grâce à eux que nous sommes là aujourd'hui. Quelle que soit la nature de l'éducation qu'ils nous ont prodiguée, qu'elle ait été perçue comme positive ou négative, elle demeure une forme d'éducation. Même si elle était limitée ou imparfaite, exprimons notre gratitude envers eux pour tout ce qu'ils ont fait en notre faveur.
C'est important de noter que mon grand-père réside actuellement en Turquie et maintient des liens étroits en nous rendant souvent visite. Nous entretenons des relations positives avec lui. Lorsque ma grand-mère approchait de la fin de sa vie, nous avons saisi l'opportunité de lui parler, mais les échanges étaient teintés d'agressivité, rendant la communication difficile. Aujourd'hui, nous sommes reconnaissants d'avoir encore notre grand-père, car il représente une source précieuse d'informations sur le passé. C'est grâce à lui que je peux partager ce récit actuellement. Donc, un sincère "merci, papi".
Il est remarquable de constater que malgré l'éducation qu'il a reçue, mon père a su forger sa personnalité tout en conservant une nature douce et agréable, contrairement à ma grand-mère. Il nous a prodigué une éducation solide, orientée non seulement sur les bases de son apprentissage, car il souhaitait éviter de reproduire le même schéma. Avant le départ de mon père pour la France, mon grand-père lui a transmis un précieux conseil : « Quand tu seras là-bas, pense à moi. Réfléchis à tout ce que nous avons vécu, à tous les moments agréables que nous avons partagés. Et n'oublie pas, si tu as besoin de construire ta propre famille, base-toi sur ce que tu as appris, pas sur ce que tu entends. Ce que tu as appris te sera bénéfique. Mets en pratique les enseignements reçus de ton père, mais ne te fonde pas sur ce que ta mère t'a dit, car elle t'a dévalorisé toute ta jeunesse. »
Il me serait infiniment gracieux de narrer l'histoire de la rencontre entre mes géniteurs. Mon père, ayant résidé une considérable période en France sous la tutelle de son oncle, le dénommé Tom, qui partageait également la foi chrétienne, eut l'heureuse fortune de croiser le chemin maternel alors qu'il déambulait dans les rues. Par un curieux concours de circonstances, tous deux se rendaient au cinéma, lui en solitaire et elle en compagnie d'amis, pour assister à la projection d'un film.
L'ironie du destin se dévoile davantage, car après cette séance cinématographique, mon père, accompagné d'un ami, se rendit au même restaurant fréquenté par ma mère et ses compagnons. Leurs destinées se trouvèrent ainsi entrelacées, les plaçant côte à côte dans cet établissement. Un moment singulier survint lorsque ma mère fit malencontreusement chuter un objet au sol, sur lequel elle inscrivit les mots "Turquie, voyage", exprimant ainsi son désir de voyager en Turquie. Ce modeste incident fut l'amorce d'une conversation qui, par la suite, évolua en échanges plus approfondis. Ainsi s'enclencha le cours de leurs existences, tissées de rencontres fortuites et d'interactions déterminantes.
VOUS LISEZ
ASLEN AUX PAYS DES MILLE COULEURS
Non-FictionDans ce livre, vous découvrirez les racines d'Aslen, sa famille, sa vie, et en fait, tout ce qui l'entoure. C'est grâce au fait que ses parents se soient rencontrés, que Mohammad ait fait la connaissance de Déborah, et ainsi, que tout cela soit né...