Chapitre 4 : Les rôles que nous vivons

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Il m'avait fallu une bonne demi-heure pour me remettre du contenu de la lettre et dix minutes supplémentaires lorsque je compris à qui elle était exactement adressée. Yanagi Akane, à savoir le garçon qui m'aurait apparemment écrite une lettre datant de douze ans dans le futur. Evidemment, les événements s'enchaînaient beaucoup trop bien et je parvins à la conclusion que tout ce cirque n'était qu'une blague orchestrée par un étudiant un peu trop enjoué.

Normalement, j'aurais souri et attendu de voir jusqu'où cette personne comptait aller. Mais la situation prenait de l'ampleur en impliquant des gens innocents et ça laissait un goût étonnamment amer dans ma bouche. Yanagi ne méritait pas qu'on se moque de lui, car comment se seraient déroulés les choses si il m'avait répondu positivement ? Si il avait accepté ma "confession", qu'aurais-je dû répondre à mon tour ?

1. "Euh... C'est pas moi qui l'ai écrite mais merci ?"

2. "OPTION FUITE !"

En dépit de hurler mes pensées, je n'arrivais pas à exprimer réellement mes sentiments à travers elles. Et faute de savoir à peu près comment comprendre quelqu'un en quelques gestes et expressions, j'étais incapable de porter les sentiments des autres sur ma manche. Je faisais semblant de les comprendre, goûtant seulement l'amertume d'une affection à jamais unilatérale et une incompréhension qui resterait ainsi : un défaut d'attention envers autrui.

En bref, je devais retrouver l'auteur derrière cette blague. Pour le bien de Yanagi.

« C'est pour ça que je t'ai fait venir, agent Fuyu. »

Je venais d'expliquer brièvement la situation à mon grand frère. Il se tenait sur une chaise, les bras repliés sur le dossier, avec une paire de lunettes noires perchées sur le nez. Je me tenais devant lui avec le tableau et les deux petites preuves derrière moi. Fuyu fredonna pensivement, une main dans les cheveux qui se bloqua à cause des nœuds, avant de me dire :

«  Ouais c'est bizarre. Et tu veux quoi, qu'on compare les écritures de tout le monde ?

- Bon sang, non. Ce serait une perte de temps et rien ne dit que l'instigateur ne modifie pas volontairement son écriture. »

Il tira sa lèvre entre ses dents et contempla de nouveau la deuxième lettre. Nous étions venus à la conclusion que, à cause de ma réputation et mes agissements dramatiques, à peu près tout le monde saurait avec un minimum de connaissance en théâtre comment m'imiter. La feuille était simple, le genre qu'on trouverait n'importe où, et l'encre provenait d'un stylo à plume.

« Ou tu laisses couler ? Fuyu me dit après un moment de silence.

- Tu sers à rien.

- Tu veux t'en prendre une ? »

Aucun de nous ne parla après ça. Il n'y avait pas de mordant dans nos mots — étant donné que je ressentais toujours une boule au ventre quand il était vraiment en colère.

« Nan sérieux, Fuyu tenta de nouveau, pourquoi tu t'en préoccupes ? C'est pas le première fois qu'on t'envoie des lettres bizarres. Je sais, ça implique quelqu'un et t'aime pas, mais on peut même pas essayer de choper ce clochard puisqu'il va même jusqu'à donner ses lettres aux autres à ton insu. Si ça trouve, d'autres personnes en ont reçu ou vont en recevoir. »

Plus il parlait, plus Fuyu sembla comprendre quelque chose.

«  Attends... C'est pas bon du tout en fait ! il s'exclama en se levant de la chaise. Et si cet enfoiré te faisait te confesser à tous les mecs de l'école ?!

- On me considérera comme une fille facile. »

J'appuyais sur ses inquiétudes en toute conscience. Mais au moins, en voyant sa mine pâle et horrifiée, je conclus qu'il m'aiderait. Nous n'avions peut-être pas la meilleure relation mais nous nous respections. Si j'avais un soucis, Fuyu ferait tout son possible pour m'aider, et inversement. Mais autrement nous nous regarderions à peine, voire même je l'avais surpris à changer de couloir lorsque l'on se croisait à l'école.

L'appel du crime I horimiyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant