|Prologue|

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"Dans la nuit, la drogue intrigue, une fugue où l'âme s'intrigue, une mélodie qui divague, un voyage où le réel fatigue."

「夜には麻薬が興味をそそり、魂が興味をそそられる遁走、さまようメロディー、現実に疲れる旅。」

Kabukichō, Shinjuku,Japon
Hiver, 2008

Néanmoins, il y a tant de choses que j'aimerais dire, mais je ne sais pas par où commencer. Peut-être devrais-je commencer par le fait que quelque chose cloche chez moi. Depuis aussi longtemps que je me souvienne, je me suis toujours sentie incomplète, comme si une partie de moi manquait. Ce sentiment creux a dominé ma vie, et je n'ai jamais pu ressentir autre chose que ce vide béant en moi.

Cette sensation de manque a toujours été présente, se manifestant dans les moments les plus silencieux, les plus intimes. J'ai cherché à combler ce vide de toutes les manières possibles, mais rien n'a jamais suffi. Chaque tentative pour me sentir entière échouait, me laissant plus désespérer qu'avant. J'ai tenté de me perdre dans les études, les relations, les hobbies, mais tout semblait superficiel, comme un pansement sur une plaie béante.

La nuit, lorsque le monde s'endormait, mon esprit restait éveillé, hanté par cette absence. J'écoutais le silence, espérant que quelque chose en émerge, quelque chose qui me guide vers une solution, mais il n'y avait que le vide. Ce gouffre en moi, insatiable, ne faisait que grandir, et avec lui, une rage sourde, une colère intense contre tout et tous ceux qui paraissaient complets, insouciants.

Ma rage, cette rage sourde et intense, a fini par exploser à l'intérieur de moi. J'ai voulu les tuer, tous ceux qui semblaient insouciants et complets, ceux qui semblaient avoir ce que je n'avais pas. La violence de mes pensées m'effrayait, mais elles étaient aussi étranges, comme si la destruction pouvait être une forme de création, un moyen de reconstruire ce qui était brisé en moi.

J'étais folle de lui, de ses gestes envers moi, je haïssais ses attentions envers d'autres femmes. Cela ne faisait qu'amplifier ce sentiment de manque, ce besoin désespéré d'être la seule, l'unique. Mais même ses caresses et ses paroles douces ne pouvaient remplir le gouffre en moi. J'ai pris la vie de ces filles qui osaient s'approcher de lui, emportée par une jalousie maladive, nourrie par la peur de le perdre. Chaque disparition apportait un semblant de satisfaction, un soulagement éphémère. Mais cette satisfaction était toujours suivie d'un vide, d'une faim vorace qui dévorait mon âme.

Je me souviens de la chaleur de son sang sur mes mains, la même chaleur que j'avais ressentie tant de fois auparavant, mais cette fois, c'était différent. Cette fois, c'était le sang de l'homme que j'aimais, celui pour qui j'aurais tout sacrifié. En un instant, j'avais détruit ce que j'avais de plus précieux, anéanti la seule personne qui comptait vraiment pour moi.

La satisfaction que je pensais trouver dans la vengeance s'est transformée en une douleur insoutenable. J'avais brisé mon propre cœur, condamnant mon âme à un tourment éternel. La réalisation de ce que j'avais fait, la prise de conscience que j'avais tuée celui que j'aimais plus que tout, m'a laissée avec un poids que je ne pourrais jamais porter.

Je suis désormais hantée par ses derniers instants, par la terreur dans ses yeux, par le silence qui a suivi. J'ai tué l'homme que j'aimais, et avec lui, j'ai tué une partie de moi-même. Il n'y a pas de retour possible, pas de rédemption pour ce que j'ai fait. La satisfaction s'est évanouie, ne laissant que le désespoir et la douleur. Mon acte final de rage m'a condamné à vivre dans un enfer que j'ai moi-même créé.

Si je ne peux pas t'avoir, personne ne le peut.

Je ne suis pas folle, je suis juste... possessive. Ce qui m'appartient m'appartient, pourquoi venir prendre ce qui est à moi ? Mais ils ne comprennent pas. Personne ne comprend.

Un frisson me parcourt alors que je sens un liquide couler le long de mes cheveux, glissant de mes clavicules jusqu'aux creux de mes reins. Je ne veux pas encore ouvrir les yeux, du moins pas encore. Mais soudain, l'eau devient plus froide, presque glacée, me tirant brusquement de ma rêverie. Une sensation désagréable parcourt tout mon corps, me forçant à ouvrir les yeux. Je me retrouve dans mon bain, habillée, trempée. Devant moi se tient mon frère, tenant le pommeau de douche. Un sourire niais s'étire sur son visage, un sourire qui m'écœure encore plus que le froid de l'eau.

– Qu'est-ce que tu fous ici?, murmuré-je, mes dents claquant presque entre elles, mes jambes tremblant comme des feuilles battues par le vent, leur teinte presque bleue sous l'effet du froid.

Il éclata de rire, un son creux et dénué de toute chaleur. – Je te réveille simplement, tu sais. Tu étais juste en train de trembler comme une feuille par terre, mais rien de plus, dit-il avec un sourire moqueur. Son regard glissa sur moi avec une satisfaction perverse, comme s'il tirait un plaisir malsain de ma détresse.

Je me redressai, mon t-shirt collé à mon corps, la sensation désagréable de l'eau glacée coulant toujours le long de ma peau. – Sors d'ici, ordonnai-je, tentant de dissimuler ma mauvaise humeur sous une couche de froideur.

Il me fixa un instant avant de se tourner vers le miroir de la salle de bain, secouant la tête en riant doucement. – Regarde-toi un peu, Ine. Tu te prélasses dans tes fantasmes morbides pendant que le monde tourne sans toi, lança-t-il avec un mélange de sarcasme et de mépris dans la voix.

Ma mâchoire se crispa tellement que mes dents de sagesse me lancèrent une douleur lancinante. – Ne m'appelle pas comme ça, Li!, crachai-je, sentant mes cheveux goutter sur mon haut déjà mouillé.

Son sourire disparut, remplacé par celui du mépris. – Oh, je comprends parfaitement. Tu es obsédée par lui, Ine. Tu as tué pour lui, et maintenant, tu es perdue sans lui, asséna-t-il, ses mots me percutant comme une gifle, la vérité nue et crue.

Mais je refusai de fléchir. – Je ne suis pas perdue, craché-je, mes poings se serrant si fort que mes ongles pénétrèrent ma peau, marquant ma chair de croissants rouges.

Il haussa les épaules avec une indifférence glaciale. – Peu importe. De toute manière, tu es à moi désormais. Il n'y a plus personne pour te protéger, dit-il accompagné de son sourire me glaçant jusqu'aux os.

Je sentis un frisson me parcourir l'échine, mon souffle devenant saccadé, mon abdomen se tordant en deux. Il se rapprocha de moi, son souffle chaud caressant mon visage.

– Tu devrais te dépêcher de te changer, dit-il en me tournant le dos avec un détachement feint. Nous avons des affaires à régler à Tokyo, ajouta-t-il avant de quitter la pièce, me laissant seule avec le dégoût qui imprégnait encore ma langue, et l'amertume qui emplissait mon cœur.

"𝐎𝐁𝐒𝐈𝐃𝐈𝐀𝐍 𝐓𝐄𝐀𝐑''Où les histoires vivent. Découvrez maintenant