Chapitre 1: Flammes

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Les derniers rayons du soleil finissaient d'embraser les murs en bois de la taverne quand la diligence arriva, s'arrêtant devant dans un vacarme mêlant le bruit des roues et le hennissement des chevaux. Le voyage avait été long depuis Orbatzh, et les animaux étaient aussi fatigués que le cochet, qui descendit difficilement de son siège. A bientôt cinquante ans, il était peut-être temps d'arrêter avec ce métier : son dos ne pourrait que le remercier. Il ouvrit la porte du véhicule, dont sortit son unique passager, un homme bien plus jeune -et avec le dos probablement moins abîmé, pensait-il.

Il faut dire qu'il valait mieux avoir une bonne raison pour venir jusque dans ce petit village de Lemsa, perdu dans les grandes plaines de l'est du Royaume d'Aemios, et desservit par cette unique diligence, environ une fois par semaine. De fait, les attractions et les loisirs n'étaient pas vraiment au rendez-vous. La taverne était sans aucun doute le point central, entouré de quelques dizaines de maisons tout au plus et, bien entendu, non loin de la chapelle. Ainsi, lorsqu'ils n'étaient pas accaparés dans les champs, les habitants pouvaient s'adonner à deux activités : prier, ou boire. Et parfois les deux en même temps.

En descendant, le jeune homme tendit une bourse de pièces d'or à son conducteur, dont le poids ne laissait aucun doute sur le fait qu'elle contenait plus que ce que le voyage avait réellement coûté. Il posa sa main sur son épaule. « En dédommagement », lui dit-il dans un sourire. Puis, recoiffant rapidement ses cheveux d'ambre, il entra dans la taverne.

Il était encore trop tôt pour que le travail des champs soit terminé – tant qu'il y avait le moindre rayon de soleil, il n'était pas question de s'arrêter – et, de fait, il n'y avait pas foule dans l'établissement. Un vieil homme à une table, déjà endormi par la quantité d'alcool qu'il avait ingéré, et un autre plus jeune, accoudé au comptoir, dont la jambe manquante expliquait pourquoi il n'était pas en train de travailler la terre. Et, bien entendu, derrière son comptoir, le gérant des lieux. Le ventre bedonnant, le teint légèrement grisâtre de celui qui a bu trop d'alcool dans sa vie. Il leva un sourcil en voyant le nouveau client entrer. Il n'était pas fréquent de voir de nouvelles têtes, encore moins jeunes, et encore moins bien habillées.

Il est vrai que, même s'il n'était pas vraiment un de ces aristocrates de la capitale, sa tenue se démarquait de celle des habitants du coin, tant elle dégageait plus de richesses que ce qu'ils pourraient espérer. Une chemise en lin, un pantalon seyant, des chaussures qui ne sont pas recouvertes de terre : voilà qui était inhabituel par ici. La sacoche accrochée à sa ceinture, entièrement en cuir, avait dû coûter elle aussi une petite quantité de pièce d'or.

« -Qu'est-ce que je vous sers ? demanda d'un air nonchalant le tavernier, alors que le nouveau venu s'approchait du comptoir.

-Hum servez-moi une pinte de votre meilleure bière, s'il vous plaît, répondit le jeune homme dans un sourire.

-Ce sera facile, on en a qu'une. Quatre pièces d'or. »

Il lui posa la boisson sous le nez, tout en prenant les 3 pièces que le client venait de déposer. Et en prenant le soin de vérifier que celles-ci avaient l'air vraies, ce qui était le cas.

Il s'en suivit un silence pesant, interrompu uniquement par à-coups par les ronflements du vieillard, durant lequel le jeune homme sentait bien qu'il était scruté de la tête au pied. Aussi bien par le barman que par l'estropié. Quoi de plus normal, après tout, que de chercher à en savoir plus sur quelqu'un qui débarque chez vous, comme ça. Il n'y avait rien à voir, rien à faire dans ce village. Ce n'était même pas vraiment un lieu de passage pour aller ailleurs dans le pays, car il était loin de la route de la Déesse, la principale route qui voyait transiter tous les voyageurs et autres marchands.

« -Qu'est-ce qui vous emmène ici ? demanda finalement le gérant après quelques minutes.

-Oh je ne resterais pas longtemps, ne vous en faites pas, répondit son interlocuteur. Je pars dès demain. Ce qui me fait penser, auriez-vous une chambre que je pourrais louer ?

Prémices d'un futurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant