Il était encore bien tôt pour espérer voir qui que ce soit installé à une table quand Joed descendit le vieil escalier en bois de l'auberge. Celui-ci grinçait à chaque pas, ce qui permettait à l'aubergiste, actuellement occupé à nettoyer ses verres, de savoir quand est-ce que les premiers clients arrivaient pour leur collation du matin. Sans un mot, il lui montra l'ensemble des tables vides, et le jeune homme alla s'installer à l'une d'entre elles, au hasard.
Deux jours s'étaient écoulés depuis les évènements de Lemsa et, si tout se passait comme prévu, il devrait arriver avant la fin de la journée chez lui, c'est-à-dire au camp de base de son groupe de mercenaire. Enfin, ça, c'était s'ils partaient dans peu de temps. Et avec deux enfants avec lui, il ne se faisait pas d'illusion sur la question : il était bien trop tôt pour eux, on voyait à peine les premiers rayons du soleil.
Pour autant, il avait été relativement surpris depuis deux jours. Malgré tout ce qu'ils avaient enduré, ils semblaient tenir bon. Yzan, le plus jeune, n'avait toujours pas dit un mot, blotti la plupart du temps contre sa sœur, mais ses yeux s'agrandissaient et son regard s'émerveillait dès qu'il voyait quelque chose de nouveau et, comme il était probablement peu sorti de son village, ça faisait beaucoup de nouveautés. Il y avait dans ses yeux d'enfant une curiosité qui était évidente, mais aussi une grande intelligence. Il ne disait rien, mais il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il avait bien compris tout ce qui s'était passé. Y compris ce qui était arrivé à leurs parents.
Medelia était un peu plus causante, même s'il pouvait sentir la méfiance qu'elle avait toujours envers lui -et qui était parfaitement légitime. Elle lui avait raconté son village, situé un peu plus à l'est, proche de la chaîne de montagne qui séparait le Royaume d'Aemios de la Confédération d'Oszara. Le seul qu'elle n'ait jamais réellement connu au final. Même si ses parents n'y étaient arrivés qu'après sa naissance, elle n'avait aucun souvenir d'avant. Ils possédaient une petite maison, en bordure, avec un grand terrain dans lequel elle et son frère jouaient. Ils n'avaient jamais vraiment eu d'amis, d'une part car il n'y avait que peu d'enfants, et d'autre part car leurs parents n'aimaient pas trop qu'ils sortent seuls. Sa mère sortait peu, d'ailleurs. Et toujours en prenant soin de mettre ses longs cheveux de manière à cacher ses oreilles - chose qu'elle lui avait appris.
Il s'était risqué, à un moment, à lui demander comment tout cela s'était produit. Comment ils avaient fini par se retrouver pris au piège par ses fanatiques à Lemsa. Mais il n'avait pas eu de réponse. Ou plutôt si, il en avait eu une : un silence, lourd et pesant. Une réponse qui se suffisait à elle-même. Il n'en saurait pas plus, et ce n'était pas le bon moment pour demander.
Alors qu'il commençait à se perdre dans ses pensées, le bruit de l'escalier en bois le fit légèrement sursauter. Les deux enfants descendaient, le petit frère derrière, comme d'habitude, et vinrent s'asseoir à ses côtés. Ils s'étaient réveillés plus tôt que ce qu'il n'aurait pu espérer. A leur âge, ce n'était certainement pas lui qui aurait fait cet effort.
Dans le même temps, l'aubergiste s'approcha avec un plateau, duquel il déposa sur la table trois verres de lait, chacun accompagnés d'un morceau de pain et d'une espèce de gelée rouge dans une assiette, que Yzan regardait avec une pointe de curiosité mais aussi de dégoût devant cet aspect assez peu appétissant.
« -Mangez, prenez des forces, leur dit Joed. On a encore pas mal de route aujourd'hui, mais normalement nous serons arrivés avant que la nuit ne tombe. »
Ils n'attendirent pas plus longtemps avant de s'attaquer à leur petit-déjeuner, à l'exception de ce truc rouge gluant qui demeura totalement intouché.
« -Dis-moi, Joed, l'autre jour quand... Quand tu es venu nous sauver... C'était... de la magie que tu utilisais ? demanda Medelia.
-Tout à fait, répondit-il. J'ai appris à utiliser la magie depuis tout jeune. On m'y a aidé, bien entendu, je n'étais pas assez talentueux pour apprendre à m'en servir seul. Tu sais l'utiliser aussi ?
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Prémices d'un futur
FantasyAleria est un vaste continent, constitué de cinq nations, sur lequel règne une paix toute relative. Car derrière les apparences des uns et des autres, il se cache de lourds secrets, de terribles complots ou d'inavouables histoires... Combien de temp...