Je l'aime à mourir (Moggy)
Séoul. 10 Décembre 2023,
En cette silencieuse nuit, il déambulait avec son vélo sur les bords calmes de la rivière Han qui tortillait dans le squelette de la gigantesque capitale sud-coréenne. Soudain, venu de derrière lui, un dring dring se manifesta, révélant une sonnette de vélo quasi similaire à la sienne. Une silhouette anonyme se dévoilà, déposa ce qui sembla être une lettre dans son panier, avant de vite le dépasser et s'évanouir dans la pénombre. Estomaqué, l'homme s'arrêta dans son coin favori, sous les ponts, pour lire le document mystérieux qu'il avait reçu.
Cher toi qui demeure dans mon cœur,
Dans les jours qui viennent, tu pars.
Tu pars loin des écrans qui nous lient, des posts qui nous unissent, des stories qui nous amarrent, des histoires que tu me narres. Tu pars de cette vie virtuelle, pour te connecter à la vie réelle. Ton départ sonne comme un aurevoir, à toi qui faisais partie de mon quotidien depuis près de trois ans.
Je me souviens encore de la première fois où je vis tes fossettes adorables surplombant ton doux sourire qui pouvait illuminer ton si beau visage à sept cents kilomètres. Celui qui, dans le tourbillon de ma vie, créa une sérénité. Dans cet œil cyclonique d'un quotidien insupportable, tu as fait naître une fleur d'amitié et tu m'as embarqué dans cet extraordinaire voyage à travers les constellations de ton univers.
Avec toi, j'ai voyagé, ouvert mon cœur aux autres, à ce paysage lointain qui m'est devenu familier. J'ai partagé les quatre saisons en ta présence, des mois d'effervescence à découvrir les artistes qui t'inspirent, les histoires des livres qui sur ta chaise s'empilent. Ces récits que tu aimes et qui décortiquent les sentiments.
Tu as ce goût pour l'authentique mais un authentique teinté d'un soupçon de fantastique, celui qui te fait mieux comprendre les tourments des Hommes : la haine, et surtout l'Amour.
Les poèmes et les interactions humaines te fascinent. Tu apprécies les auteurs qui écossent les sensations et qui dessinent des paysages dans ton esprit. Il faut beaucoup de patience et un grand intérêt pour l'Humain pour lire ce que tu lis et l'apprécier.
Tu es quelqu'un de vraiment très complexe et c'est cette singularité qui m'a fait t'aimer. Ton esprit est vif et ouvert sur le monde, moi qui en parallèle ai été toujours renfermée sur moi-même. Tu m'as changée, un peu. Juste assez pour que je goûte au bonheur.
Pourtant, une part de toi est débordante d'émotions compliquées, voire contradictoires. Tu oscilles entre différents états ; ta vie telle une tortueuse route de montagne. Bien que devant nous, tu soignes et veilles à ne montrer que ton côté protecteur et rassurant. Cependant à travers tes mots, tes lettres et tes chansons, je découvre, je devine, la plus belle palette de ton âme : celle d'un fils, d'un frère, d'un ami, d'un amant.
Alors que la pleine lune là-haut accompagne ma plume qui t'écris cette lettre, une émotion puissante m'envahit et elle se glisse entre mes larmes salées. Une émotion inexpliquée, illégitime, pour toi. Toi, qui ne me connais pas.
Ce n'est ni de l'amour, ni de l'amitié, alors qu'est-ce ?
Qu'est-ce ce sentiment ? Peut-on l'expliquer ? Le comprends-tu ?
Voilà à présent l'instant venu, celui qui te voit quitter ma vie. Rien que d'y penser, je sens mes entrailles se déchirer par le manque de ton absence. Ne plus voir les cinq lettres de ton nom collé au mien chaque matin, me dire bonjour, me souhaiter une bonne journée, me donner la motivation de me lever.
La fenêtre au loin révèle un paysage gelé, frêle et fragile. Alors je me laisse envelopper dans la chaleureuse pièce remplie de nos rêves, ceux faits de lumières violettes d'un concert euphorique, de mélodies enivrantes et des sons qui unissent les âmes.
Désormais, sous la neige qui tapisse les rues glacées de ta capitale, je sens dans mon être la flamme de ta passion me quitter et ne laisser que les braises sèches de ce qu'a été jadis, une ivresse brûlante. Et bien que d'autres attendent de faire des canards enneigés, je n'attends qu'une chose, que les flocons de mes baisers parcourent les milliers de kilomètres qui nous séparent et qu'ils se déposent sur ta douce peau.
Ce que j'attends désespérément, c'est d'observer de nouveau dans ma poitrine, l'euphorie joyeuse de feux d'artifices, oscillants entre des teintes mono et indigo.
Moi près de toi.
Ma tête posée sur ton épaule rassurante, ma main surplombant ton pectoral gauche, là où se loge ton cœur. J'attends impatiemment ce « nous », admirant ce spectacle de vie.
Ce temps nostalgique, s'entremêle avec le douloureux présent et l'incertain futur, lié par la promesse de ton retour. Alors que bien que depuis quelques années, ta vie est bénie par des privilèges, et que tu t'en vas vers des lieux hostiles, je me rassure en me disant que ta bienveillance, celle qui m'a conquise, va également conquérir ceux qui croiseront ta route.
Je sais d'ores et déjà que ta maladresse te causera des bobos, que des plaies viendront peut-être chatouiller tes muscles et ton épiderme, mais je sais aussi qu'ils se résorberont aussi vite que passeront les jours qui me séparent de toi.
Ta force n'a d'égal que ton intelligence, ton talent file en ligne parallèle avec l'étendue de ton charisme. Tu es tout ce qu'il y a de plus attachant et je suis convaincue que dans la dureté de ce qui sera ton quotidien, tu appliqueras le rôle qui te sied le mieux : celui de leader.
Voilà que l'aube de la séparation est née. L'aurore se réveille et ficelle la solitude que tu laisses dans mon être. Elle me transperce, me perfore les artères et me bouleverse d'un cri de silence.
Exponentielle qu'est l'envie de caresser ta petite tête telle une coquille d'œuf, de sentir à travers mes phalanges tes cheveux piquants, grisonnants, de me lover dans tes bras de géant et d'y humer ta rassurante candeur. Mon désir te prendre ta main pour, dans la plus grande des délicatesses, la laisser partir vers le lointain.
Alors pars, mais sache que les tonalités suaves de ta voix demeureront coffrées dans le creux de mes tympans. Et à chaque fois que tu me manqueras, j'irai parcourir les mots des amitiés que tu m'as laissé et y puiser l'essence de positivité qui me fera avancer. Avancer vers cette promesse que vous avez tenue, celle de passer les années à venir, ensemble, jusqu'à ce que les racines de nos cheveux revêtent un voile de neige. Ta main, vos sept mains, enlacées dans la mienne, en marche vers l'éternité.
Je ne sais pas si mes mots te parviendront, je les écrits dans un hasard complet. Peut-être que dans la plus grande des folies, je croiserai ta route, ton vélo hasardeux déambuler à travers les courbes de la rivière.
Qui sait ?Dans ce cas, si cette rencontre arrive, je ne m'arrêterais pas, je continuerai à pédaler, en te laissant derrière. Je t'attendrais à l'arrivée, dans dix-huit mois, pour te voir me gratifier de ton sourire à fossettes.
Alors va mon précieux combattant et protège ton cœur, car j'y vis avec des millions d'âmes consœurs. Revoyons-nous dans deux années puisque tu m'as promis que le meilleur reste à venir.
Alors promets aussi que tu viendras, tu viendras me voir.
Ce n'est qu'un au revoir.
Nous t'aimons N.
A_MI.
Çà et là, des petites tâches rondes transparentes témoignent de gouttes salées laissées par l'auteur.e de cette lettre anonyme. De cette feuille, peut-être vouée à être déchirée ?
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[OS Namjoon] Feuille déchirée : Les témoignages de mes phalanges
Poetry2020. Séoul. Les écrits non publiés d'un écorché de la vie, voué à demeurer secret. Série d'OS avec Namjoon (RM of BTS). Statut : Terminé.