La chute

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Plus les jours passaient et plus je constatais avec douleurs que mes doutes étaient réels. Quatre de mes potes n'étaient plus là, ils avaient changé d'école. Joan, Éric, Paul et Richard.

Paul et Richard ne m'avaient rien dit et je ne leurs en voulait pas trop. Pour Paul c'était assez prévisible, il prenait tout ce que lui disait Joan au mot. Joan était son pasteur, prêchant la bonne nouvelle et lui, son fidèle disciple. Ils étaient très proches tous les deux. Je me disais qu'il voyait en Joan un grand frère, celui qui lui avait été prêté par Dieu.

Paul étant le benjamin et le seul garçon de sa famille, il avait trouvé en Joan le grand frère parfait bien que Joan était un peu rude dans son façon de montrer son amour pour son petit frère. Parfois, j'avais l'impression qu'il ne l'aimait pas réellement et se servait juste de lui comme si c'était son esclave. Il l'envoyait acheter sa nourriture, faire ses devoirs, prenait ses choses sans sa permission bref ce genre de chose. Mais malgré cela, il était un bon conseillé pour lui et l'accompagnait que ce soit psychologiquement ou académiquement.

Alors, si Joan avait parlé du fait qu'il allait changer d'école à Paul, j'imaginais bien qu'il n'avait pas hésité à le suivre surtout que dans cette école là, ils suivraient un programme international. Quand j'y repense, moi-même je l'aurais suivi si j'avais pris tout ça sérieusement.

En ce qui concernait Richard, j'étais légèrement piquée. Je lui avais même écrit pour le lui dire et il m'avait confirmé qu'il avait changé d'école. Ils étaient tous dans la même. Le bon côté c'est qu'il n'allaient pas se sentir seuls à quatre là-bas. Richard m'avait dit qu'il n'en avait pas parlé parce qu'il n'était pas sûr qu'il changerait d'école. Au départ son père n'était pas d'accord mais avait fini par accepter.

Je ne l'avais pas boudé longtemps et on avait fait la paix.

Assise toute seule devant, je m'ennuyais. Il est vrai que mes amies étaient tout juste derrière moi mais c'était compliqué. J'avais toujours besoin de me retourner pour pouvoir parler avec elles ou les entendre parler. Parfois elles engageaient les discussions sans moi et j'arrivais à peine à écouter ce qu'elles disaient. Vouloir bavarder et être assise directement devant le prof ce n'était pas du tout évident.

À un moment donné, j'avais baissé les bras, je ne m'efforçais plus pour entrer dans la conversation ou suivre ce qu'elles disaient derrière au risque de me faire punir par le professeur. Je préférai me coucher et rester dans mon coin toute seule lorsque je ne voulais pas écouter les cours.

Mes amies me prenaient en pitié —chose que je déteste— de temps à autre et chacune à leurs tours, elles venaient s'asseoir à côté de moi et on causait. Elles me racontaient tout ce qu'elles se disaient derrière et ça me faisait du bien. Je me sentais moins oubliée, moins effacée.

Mes journées à l'école étaient plus sombres de jours en jours, je n'avais pas la joie, je n'étais pas heureuse. À chaque pause, Joan et moi avions pour habitude d'aller rester au balcon. Il aimait les balcons et moi aussi. On restait là pendant toute la pause parfois sans trop parler, observant le paysage. C'était un de nos rituels et je trouvais ça relaxant.

Je me tenais au balcon avec amertume, vidée. Il n'était plus là pour me tenir compagnie. J'ai eu maintes fois envie de pleurer mais je ravalais mes larmes. Je ne voulais montrer à personne que son départ me consumait, m'affaiblissait. Ça m'avait rendu triste plus que jamais.
Tout le monde était au courant de notre petit rituel si bien que personne ne venait souvent au balcon où on restait. C'était notre coin à deux et les gens respectaient ça. Soit c'était ça, soit c'est juste que les gens n'aimaient pas les balcons comme nous deux.

Je restais là, à observer le paysage toute seule et pas une seconde que je n'essayais pas de me souvenir du temps quand il était là. Parfois, quelques de mes camarades voulaient me tenir compagnie mais j'étais trop fermée à cette idée. Je ne voulais personne d'autre que lui à mes côtés. Je repoussais toute personne qui venait ou voulais prendre sa place.

- Tu m'as l'air bien pensive. Dis-moi qu'est-ce qui te préoccupe ?

- Rien

- Je sais qu'il y'a un truc

J'avais soupiré tellement fort que la personne à côté de moi s'était effrayée.

- Bon okay vu que tu insistes, présentement la seule chose qui me préoccupe c'est toi, tu me gênes. Peut-être que si tu me foutais un peu la paix j'aurais l'air moins préoccupé.

J'avais terminé ma phrase sur un sourire crispé. Je n'étais pas d'humeur à quoi que ce soit, il l'avait remarqué mais il semblait qu'il voulait jouer avec mes nerfs

- Tu crois que c'est parce que tu me parles mal que je vais bouger d'ici ?

- L'un d'entre nous doit bouger. Si tu ne veux pas t'en aller c'est moi qui le fera

Il avait soulevé un de ses sourcils en guise de défi, il ne me croyait pas pourtant j'étais très sérieuse. Je me détachais du balcon où j'étais accoudée et m'en alla

- Attends tu n'es pas sérieuse là ?!

Voyant que je ne m'arrêtais pas, il criait de plus belle

- C'est bon t'as gagné je m'en vais allez reviens

Ça m'avait été égal. Il m'avait déjà saoulé.

Peu à peu, je ne restais plus au balcon. Je n'aimais pas toute la nostalgie que je ressentais à chaque fois que j'y restais. Je voulais pouvoir être libre, passer à autre chose et surtout ne plus me laisser dominer par mes sentiments. Il n'était plus là et je devais m'y faire.

MAL-ÊTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant