Hyɛbrɛ : Le pacte de l'amour

Chapitre 1

Au palais royal d'Okinawa...

_ A présent, prince Akila, princesse Efia, veuillez vous levez. L'heure est venu d'accomplir les sept inclinaisons qui scelleront les présentes fiançailles.

Aidé chacun de leur proche serviteur, les deux qui était agenouillés depuis un certain moment de levèrent pour se mettre au milieu du Cercle d'Adenon***.

_ À présent, inclinez-vous pour les Dieux !

Akila et Efia effectuèrent les trois inclinaisons à l'endroit des Dieux ; la première pour les saluer ; la deuxième pour les prendre à témoin et la troisième pour prendre leur bénédiction.

_ Inclinez-vous pour les parents !

Ils effectuèrent deux inclinaisons à l'endroit des parents ; l'une à l'endroit des parents de la mariée et l'autre à l'endroit des parents du marié.

_ Et enfin, inclinez-vous l'un pour l'autre !

Première à se soumettre à l'exercice, Efia entreprit de s'incliner mais vit sa vision se brouiller et ses forces la quitter.

_ Efia, tout va bien ? Lui demanda Akila qui l'aida à se relever en sentant que quelque chose n'allait pas.
_ Ou... Oui. Juste un mal de tête passager.
_ Heureusement !

Efia lui sourit en retour et entreprit à nouveau de s'incliner mais les mêmes symptômes revinrent, en un peu plus fort. Elle perdit même légèrement l'équilibre, vite rattrapée par Akila.

_ Tu es vraiment sûre que ça va ? Je peux leur demander de te laisser un peu de répit.
_ Non. Non. Ça va. Ce doit être le fait que je ne me sois nourrie que de feuilles de mentes*** de la journée.
_ Mais...
_ Ça va aller.
_ J'espère bien.

Efia entreprit une troisième fois de s'incliner et cette fois-ci, plus qu'une vision brouillée ou un perte d'équilibre, elle s'effondra par terre, inconsciente.

_ Efia !
_ Princesse !

Tout le monde était sous le choc si bien qu'il fallut un moment au roi avant qu'il ne puisse agir.

_ Gardes ! S'écria-t-il aussitôt.

Ceux-ci en retrait se précipitèrent à sa rencontre.

_ Majesté !
_ Allez vite chercher Yena ! Qu'elle vienne consulter la princesse.
_ Votre majesté. Elle ne se déplace ni ne reçoit de visite après le coucher du soleil, rappela un roi l'un des gardes .
_ Au Diable ses règles ! La princesse ne peut attendre.
_ Mais...
_ Je la veux ici au plus vite, de gré ou de force. Vous avez compris ?
_ Oui, majesté.

Sans plus hésiter ou tenter de faire entendre raison au roi, les gardes s'inclinèrent avant de partir pour la case de Yena.

À leur grande surprise, vêtue exceptionnellement de blanc, sa bandoulière reposant sur ses cuisses, Yena, les yeux fermés, était assise sur un tabouret, devant sa case, sa petite-fille et apprentie, Ina, à ses côtés.

_ Je vous attendais, dit-elle en ouvrant les yeux au moment où les gardes royaux s'arrêtèrent devant elle.

Malgré la surprise, leur chef trouva la force de parler.

_ Veuillez donc nous suivre !

Yena fit alors signe à Ina qui alla chercher son cheval sur les deux montèrent avant de se rendre au palais entourées des gardes.

Au palais, Efia avait tout juste repris connaissance, assise contre sa mère sur le coussin qui lui avait été préparé quand Yena fit son apparition, suivie des gardes. Ces derniers s'inclinèrent avant de reculer reprendre leur place.

Soulagé, tout le monde regarda Yena s'avancer pour aller consulter Efia. Seulement, après une brève consultation, Yena fit signe à Ina de s'avancer. Elle lui murmura des choses à l'oreille, ce à quoi celle-ci répondit en faisant pareil avant qu'elle ne revienne à Efia, les sourcils froncés. Elle s'intéressa alors à son ventre et ensuite à son pouls avant de lentement secouer la tête et faire appel à Ina.

_ Ina, passe-moi le Thiembe*** !
_ Le Thiembe ? S'étonna tout le monde.
_ Que... Que sous-entendez vous par là ? Demanda Efia, alertée.
_ Vous vous rendez compte de ce qu'implique le recours au Thiembe ? Demanda à son tour sa mère, la première reine.
_ Calmez-vous ma reine ! Calmez-vous ma princesse. Je veux juste éliminer mes soupçons sur votre état de santé.
_ Des soupçons ? Vous... Vous êtes en train de sous-entendre que je sois enceinte, à mes fiançailles, devant tout le monde et vous parlez de soupçons ?!
_ Efia !
_ Je comprends que vous soyez inquiète mais il n'y a vraiment pas de quoi. Votre pouls est juste irrégulier princesse, à l'image de la femme enceinte.
_ Mais je ne le suis pas.
_ Je ne dis pas le contraire. Et juste pour que vous le sachiez, le Thiembe ne sert pas seulement à détecter une grossesse. Il sert aussi à détecter toute maladie liée à l'utérus dont peut souffrir une personne. Et certaines de ces maladies peuvent avoir des symptômes similaires à une grossesse comme dans votre cas avec les douleurs abdominales et le pouls irrégulier. La couleur du sang que vous allez par conséquent vomir va nous édifier.
_ Non ! Je n'en veux pas.
_ Princesse !
_ C'est pour ton bien, ma fille.
_ Non !
_ Ma princesse, laisse-toi faire. C'est pour ton bien. J'ai confiance en toi.
_ Moi aussi, ma fille.
_ A... Allez-y !

Ina sortit alors de la bandoulière de Yena en sa garde le fameux Thiembe déjà préparé qu'elle versa dans une calebasse qu'elle tendit à Efia.

Hesitante, cette dernière dut recevoir les encouragements de sa mère de par une main de celle-ci sur son épaule pour se lancer et boire d'une traite l'amère concoction. Moins d'une minute plus tard, elle vomit abondamment du sang d'un rouge vif qui fit ouvrir grand les yeux à Yena, choquée. Elle se reprit cependant assez vite pour annoncer le surprenant verdict.

_ Le fœtus a parlé. Princesse Efia est enceinte.

Petites informations
Cercle d'Adenon*** (nom arbitraire) : cercle dont le tracé est dit enseigné aux Hommes par le Dieu du Mariage Adenon. Toute union (fiançailles comme mariage) est scellée dans ce cercle au dessin complexe qui requiert sept jours de travail pour s'assurer d'être sous la protection d'Adenon. Échouer pour une quelconque raison à le faire est signe de mauvaise augure pour la relation d'où l'insistance d'Efia à accomplir l'inclinaison.
Feuilles de mentes*** : Elles sont, dans la culture africaine, associées à la purification et au passage vers une nouvelle étape. Il en va de même pour la culture okinawaise où elles constituent la seule nourriture de la femme le jour de ses fiançailles pour la préparer au passage du célibat à la promise d'un homme.
Thiembe*** (nom arbitraire) : concoction préparée au sein du royaume d'Okinawa et donnée aux femmes pour déterminer si elles sont enceintes ou souffrent de maladie liées à l'utérus. La couleur du sang vomi après l'avoir bu est facteur déterminant.