Prologue

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Aujourd'hui c'est mon anniversaire. J'ai vingt ans.
En général, pour leur vingtième anniversaire, les gens font quelque chose de grandiose vous voyez, parce que vingt ans ce n'est pas rien.
Moi, pour mes vingt ans, je suis seul, dans une pièce de neuf mètres carrés. De toutes façons, j'ai toujours été seul. Je n'ai pas d'amis. J'en avais, mais je leur ai fait peur.
Comme j'ai vraiment beaucoup de temps devant moi, je vais vous écrire mon histoire. Vous n'êtes pas obligés de l'écouter, mais c'est le seul moyen pour moi de rester lucide, alors je vais la raconter quand même.

Je suis Shane Savage, né le six juin mille neuf cent quatre vingt quinze, à six heures du matin, dans la petite ville d'Alès, dans le sud de la France.

Mon père s'appelait Christophe, c'était un comptable. Tout le monde savait qu'il était le meilleur dans ce qu'il faisait. Ce que tout le monde ne savait pas en revanche, c'était qu'il avait un penchant un peu trop prononcé pour l'alcool.

Ma mère s'appelait Stéphanie, elle était mère au foyer. Une femme formidable, remplie de joie et de douceur. Elle ne pouvait s'empêcher d'aimer tout le monde, qu'il soit foncièrement mauvais ou incroyablement bon. Ce fut sûrement cette grande qualité qui causa son plus grand malheur.

Depuis mon enfance, les gens me regardent bizarrement. En même temps, on ne peut pas dire que je ne l'ai pas cherché, j'étais un enfant vraiment étrange, seule ma mère ne semblait pas s'en rendre compte.
Pour mes six ans, mes parents m'ont offert un chien, un petit beagle , je l'ai appelé Châtaigne. Je crois que j'étais beaucoup attaché à lui, mais je n'ai pas beaucoup de souvenirs de mon enfance, à part celui-ci.
Un jour, mon père travaillait et ma mère vaquait à ses occupations dans la maison, j'étais seul avec Châtaigne. Ma maison étant située sur les rives d'une rivière, je regardais le chien s'amuser dans l'eau. C'est à ce moment là qu'une question m'a traversé l'esprit : combien de temps ce chien était capable de passer sous l'eau ?
J'ai appuyé sur sa tête, il a tout de suite essayé de sortir de l'eau, mais je l'en ai empêché. Il commençait à se débattre, alors j'ai appuyé plus fort, jusqu'à ce qu'il ne bouge plus. Une minute et quarante deux secondes. Je savais que je venais de tuer mon chien, mais cela ne m'a apporté aucune émotion, et aujourd'hui en me remémorant ce passage de ma vie, je me fais certes peur, mais je n'éprouve pas plus de sentiments, si ce n'est la satisfaction d'avoir pu répondre à ma question : maintenant je sais qu'un chien peut retenir sa respiration pendant une minute et quarante deux secondes avant de mourir.
Une petite fille de mon voisinage sortit des fourrés en courant, elle avait l'air apeurée.
Je suis rentré chez moi et ait dit à ma mère que mon chien venait de se noyer.
Le lendemain, tout le monde ne parlait que du petit Shane qui a noyé son chien, la petite fille avait dû me voir et en parler à sa mère. Pourtant mes parents n'en croyaient pas un mot, et me pensaient très affecté d'avoir perdu mon chien. 

Faisons à présent un bond de six ans dans le temps. J'avais donc douze ans, et toujours pas d'amis.
Mon père sombrait dans l'alcool chaque jour un peu plus que le précédent, et il s'était mis depuis peu à battre ma mère.
Ce n'est pas que j'aimais ma mère, non, je n'ai jamais aimé personne, mais je ne supportais pas qu'il la frappe.
Un soir, il est rentré encore plus alcoolisé que d'habitude. Il a pris une bouteille et l'a fracassé sur le crâne de ma mère, elle a perdu connaissance mais il a continué à s'acharner sur son corps. J'ai alors saisi le tisonnier brûlant dans la cheminée et l'ai enfoncée dans la jambe de mon père. Il est tombé par terre, je lui ai alors sauté dessus et lui ai lacéré le visage avec mes ongles. Je l'entendais hurler de douleur, et j'aimais ça. J'aimais le fait d'être plus puissant que lui à ce moment là.
J'ai récupéré le tisonnier et j'ai couru m'enfermer dans ma chambre. Là je me suis rendu compte de ce que je venais de faire à mon propre père, et j'ai pris conscience du plaisir que j'y ai pris. C'est à partir de là que j'ai commencé à avoir peur de moi-même. J'étais en fait terrorisé.

Le lendemain, je suis sorti prudemment de ma chambre, le tisonnier à la main. Mes deux parents étaient assis à table, comme si de rien n'était. Seules les griffures au visage de mon père témoignaient du drame qui s'était produit la veille.
Mon père me lança un regard à mi-chemin entre la terreur et la colère, le regard de ma mère lui, était comme toujours, indéfinissable.
Elle avait encore une fois pardonné ses actes à mon père car il était sous l'emprise de l'alcool la veille, après qu'il lui ait promis une énième fois qu'il allait arrêter de boire, chose qu'il n'a bien sûr jamais faite. Il lui avait dit ce que j'avais fait hier, il lui avait dit que j'étais un monstre !  Mais elle ne le croyait pas : il était soûl.

Dieu sait qu'elle aurait dû le croire. Elle aurait dû l'écouter lorsqu'il lui a dit que j'étais un monstre.


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Je sais que c'est court, mais ce n'est que le prologue, mes chapitres feront en moyenne deux ou trois fois ça.
J'espère que vous avez aimé, n'hésitez pas à me faire part de votre avis.

PsychoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant