Blog : Le Journal (pas) intime de Max. Post n° 9 : Pancakes et déceptions

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Salut. J'ai fait un drôle de rêve cette nuit. Pas d'image, pas de situation, juste un son. Un "bip...bip" incessant, lancinant dans ma tête... Un son lent et répétitif. Bip.....Bip.....Bip.... Puis le son s'est mué, transformé peu à peu, en bruit d'eau qui coule. Quand je me suis réveillé, de l'eau coulait dans la salle de bain, j'ai compris que Jake prenait une douche. Ça me faisait plaisir de constater qu'il se sentait assez chez lui pour prendre une douche, comme ça, sans demander. C'était la moindre des choses, il était si loin de chez lui...

Je me suis rappelé la nuit passée, j'avais discuté une bonne partie de la nuit avec lui. C'est incroyable comme il s'est ouvert à moi. Il n'a pas hésité une seconde à me raconter tout ce qui s'est passé dans sa vie. Il n'a rien caché, même l'épisode après la mort de ses parents, quand il a pété un plomb, et que ses actions ont débouché sur une condamnation. Alors je lui ai donné ma confiance aussi, et je lui ai révélé tout sur mon passé, sur l'effet que l'absence de mon père a encore aujourd'hui sur ma vie. Je ne me suis jamais confié ainsi à personne. Ça m'a fait du bien. Je lui ai même parlé de cette fille qui vend des fleurs en face de l'endroit où je travaille. Je lui ai dit qu'elle me plaisait, mais que je n'avais aucune chance. Elle est si belle... et moi... Il m'a répondu "Bah, si tu ne vas pas lui parler, c'est sûr et certain qu'il n'arrivera rien... Qu'est ce que tu risques ? Au pire elle te dit non...".

Il est sorti de la salle de bain, les cheveux encore humides. Un sourire amusé se dessinait sur son visage lorsqu'il m'a demandé si j'avais bien dormi. Non, j'ai dormi par terre, ma couverture s'est enroulée tellement fort autour de moi que j'avais l'impression d'être momifié, et j'avais un goût de souris morte en bouche. Mais bon, je ne voulais pas me plaindre.

Je me suis levé péniblement, prétendant avoir passé une bonne nuit. Je voulais préparer le petit-déjeuner. Cependant, il m'a interrompu en disant qu'il allait s'en occuper lui-même. Il s'est mis à s'activer en cuisine, et vingt minutes plus tard, il m'a servi une assiette de pancakes au parfum irrésistible. Je n'avais jamais goûté de pancakes aussi délicieux, et j'en étais sincèrement impressionné. Je me suis demandé d'où lui venait ce talent inattendu. Moi qui devait faire attention à ne pas déclencher un incendie en préparant une simple omelette...

Il voulait aller voir sa sœur. J'avais presque oublié ce détail. Cette perspective ne m'enchantait pas, je savais quelle en serait l'issue. Il allait encore être déçu. Et je déteste quand Jake est déçu. Je l'ai créé, bon sang, je veux qu'il soit heureux... Mais j'ai montré de la bonne volonté. Peut-être vais-je avoir le courage de tout lui révéler une fois que l'évidence sera devant lui. Peut-être qu'une fois qu'il aura admis l'inadmissible, à savoir qu'il est dans une autre dimension que la sienne, alors peut-être qu'il acceptera mieux d'apprendre qu'il a été créé de toutes pièces par un jeune écrivain débutant...

Il nous fallait de l'argent pour nous rendre à Hampstead en métro. Heureusement que j'avais de gardé de côté de quoi pallier à ce genre de situations exceptionnelles. C'est bizarre, je n'éprouvais aucune appréhension à prendre les transports en commun, alors que je venais de subir un accident qui m'avait valu plusieurs heures de coma et un traumatisme crânien. Mais aujourd'hui, plus rien, pas l'ombre d'une migraine ou d'un sentiment d'insécurité dans la rame de métro. Je ne me connaissais pas une telle faculté à me relever si vite. J'en ai éprouvé une petite pointe de fierté.

Nous sommes arrivés à destination, et à mesure que nous avancions vers l'inévitable vérité, mon cœur battait de plus en plus fort. Comment Jake allait-il réagir ? Il fallait que je sois prêt à le soutenir, être là pour l'aider à tenir le choc.

J'ai vite compris que nous étions arrivés là où il voulait aller, juste en voyant son regard. Il s'est arrêté net et il a fixé un bâtiment, un magasin de prêt-à-porter, l'air complètement perdu. J'imaginais que c'était bien là qu'il s'attendait à voir l'habitation de Liv. J'imaginais le désespoir, l'incompréhension devant une vérité qui n'avait rien de logique dans sa tête, et qui pourtant s'imposait maintenant à lui... Je l'ai doucement dirigé vers un banc, il était sous le choc. Je me taisais. Qu'est ce que j'aurai pu dire ? "Hey, Jake, au fait, il y a un truc que je dois te dire. Ta soeur n'existe pas ? Bah n'en fais pas un pataquès, tu n'es pas censé exister non plus, je t'ai inventé pour un livre"... Non... Pas maintenant. Pas comme ça...

Il s'est levé et a commencé à marcher. Il voulait être seul... Je l'ai laissé aller, le suivant à bonne distance. Je voulais garder un oeil sur lui, au cas où il aurait besoin de moi... Il a marché un moment puis il s'est arrêté. Il semblait réfléchir intensément. Puis il s'est retourné et il m'a regardé. Il ne m'avait jamais regardé comme ça. Il avait l'air déterminé, comme investi d'une mission. Il est revenu, s'arrêtant juste en face de moi, me jaugeant. Il me regardait droit dans les yeux, très sérieux, et je ne savais pas s'il était en colère, triste, ou... ou quoi ? A quoi pouvait-il penser en me regardant comme ça ?

"Ca va ? ai-je demandé". "Viens, on rentre", m'a-t-il simplement dit, en se dirigeant vers la station de métro... Le voyage a été très silencieux. Jake me regardait avec une sorte de tristesse et de compassion. Je ne savais pas quoi penser. Il commençait à me faire un peu flipper. Qu'allait-il advenir ? Je m'attendais à tout, sauf à ce qui allait se passer ensuite.

Call me JakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant