VII

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Alban

Les seules heures où ma classe semble moins agitée sont de 7 heures à 9 heures. Ce matin, deux heures entières m'attendent, et même presque endormis, mes élèves réussissent à m'énerver. Les seuls élèves qui suivent sont ceux à l'avant, tandis que ceux du milieu chuchotent ou s'assoupissent, et les pires se trouvent au fond. Ils jacassent ou montrent un désintérêt total pour le cours. J'ai l'impression que tous, du coin de l'œil, observent la pendule qui tic et tac dans mon dos, chaque seconde s'étendant dans un rythme agaçant.

— Je vous ai perdus aujourd'hui, me plains-je en m'affalant sur ma chaise. Certains élèves prêtent attention à mes paroles, d'autres ne réalisent même pas que j'ai interrompu mon cours.

— Je peux attendre aussi longtemps que vous le souhaitez, mais ce ne sera pas ma faute si vous passez à côté de votre diplôme, leur dis-je en mordillant le cambre de mes lunettes. Toujours rien. Ce qui me contrarie par-dessus tout, c'est que même Faith est affalée sur son bureau. Parmi tous les élèves, elle semble la plus ennuyée, plongée dans un sommeil profond.

— Mademoiselle Davis, intervins-je en me grattant la gorge, on ne dort pas pendant mon cours.

Surtout quand on est la personne qui a choisi le sujet.

Elle frotte doucement ses yeux, faisant attention de ne pas toucher ses précieux cils. Elle semble somnolente, ses yeux cernés, des traces marquées sur ses joues. Elle doit m'en vouloir de la réveiller, mais je ne peux faire de différences.

— Will, ça s'applique également à toi, dis-je.

— Il ne s'appelle pas Will, remarque un élève.

— Laissez tomber, il ne se souvient que du nom de Faith.

— Si vous aviez d'aussi bonnes notes, peut-être que je vous remarquerais, répliqué-je, maintenant que j'ai votre attention, pouvons-nous continuer le cours ?

— Oui, répondent-ils en chœur.

Je remonte sur l'estrade, laissant quelques annotations au tableau.

— À la fin du cours, je ramasse vos travaux. Répondez aux questions, y compris celles sur l'analyse d'image, dis-je.

Ils s'exécutent sans un mot. Ce moment est probablement le plus apaisant de la journée, tous étant silencieux, un soulagement pour mes oreilles.

En passant dans les rangs mes yeux s'attardent sur la copie d'une élève qui n'a pas marqué un seul mot. Je lui lance un regard sévère continuant mon chemin. Je suis devenu ce que je haïssais étant enfant, c'est fou de se dire ça. J'étais le genre d'élève distrait et capricieux qui avait des capacités mais qui refusait catégoriquement de les révéler au grand jour. Pourtant j'aurais du. La copie de Faith quant à elle, est presque illisible tellement les mots sont nombreux. Elle pourrait envisager de devenir poète ou autrice, elle a une jolie plume au vu de ce que j'ai pu voir l'autre jour. Mais elle souffre aussi, c'est visible. Elle pense trop également. Son plus grand défaut reste tout de même dans l'oubli d'éteindre son téléphone, un détail qui s'exprime une deuxième fois par une sonnerie indiscrète. Pour lui épargner l'embarras de se lever devant la classe, je recule discrètement jusqu'à elle.

— Ton téléphone, dis-je en tendant la main, et une heure de colle, comme promis.

Quelques filles éclatent de rire dans mon dos, et je me demande si elle est consciente des rumeurs qui circulent à son sujet.

— Vous finissez les cours à midi, c'est ça ? questionné-je.

— Non, répond-elle, on finit après votre cours. Les autres professeurs sont absents et n'ont pas pu être remplacés.

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