Sourire [Shei]

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Shu ouvrit grand les yeux, le souffle court et le corps en sueur. Encore ce cauchemar, plus vrai que faux, plus réel qu'imaginaire.
Il tourna la tête sur le côté pour y apercevoir la place vide dans le lit. Vide, froide. Douloureusement.
Shu se redressa en grimaçant. Sa tête tournais à toute vitesse, vestige désagréable de son mauvais rêve. Il prit quelques inspirations pour calmer ce mal de tête et se releva du lit.
Le draps qui le recouvrait auparavant tomba au sol, dévoilant ainsi son corps pâle et frêle. Mais ce n'était pas le plus frappant. C'était ses nombreuses cicatrices qui attiraient l'œil. Certaines plus foncées que d'autres, d'autres plus grosses que les autres. Mais son corps entier en était recouvert. Des cicatrices qu'il avait lui même apposées sur sa peau.
Le jeune homme se mît a marcher dans la chambre, sans objectif précis. Il tentait de faire le vide dans sa tête et son esprit. Il n'y parvenait pas. Son visage revenait toujours dans ses pensées.
Au bout d'un moment, il en eut marre. Shu balança son poing dans la porte, a l'instant même où celle ci s'ouvrit.
Le nouvel arrivant fixa Shu d'un regard vide. Sa main retenait le poing lancé en direction de son visage.
-Tu es en retard.
La voix de Shu était aussi froide que les yeux de son interlocuteur. Celui ci ne répondit pas, continuant de fixer l'autre du regard.
Puis, il finit par le relâcher, comme si de rien était. Ses cheveux noirs aux reflets bourgognes voletèrent alors qu'il alla s'écraser sur le lit, à la place précédemment vide.
L'autre homme le regarda faire. Puis, il prit quelques habits au hasard, les enfila et prit la porte.
Sei en avait trop fait cette fois là.

~

Tout avait commencé un mois avant ce jour là. Shu savait depuis quelques temps que Sei le trompait. Il aurait voulu que son petit ami lui dise que c'était faux, qu'il le rassure, qu'il dise qu'il n'aimait que lui. Pourtant, la seule chose que Sei avait trouvé à dire face à son accusation était un "désolé" tout sauf sincère.
Shu avait bien essayé de se rattraper. Il pensait que si l'autre allait voir ailleurs, c'était qu'il n'était pas satisfait avec lui. Malgré leurs 3 ans de vie commune, et toutes les autres années avant où ils ne faisaient que se fréquenter, ils n'avaient jamais essayé de nouvelles choses, sexuellement parlant. Alors Shu s'était surpassé, inventant différents jeux érotiques, des sextoys aux costumes.
Il avait même essayé de miser sur le côté romantique pour garder Sei. Il avait préparé des soupers romantiques, des weekends de voyage. Il avait offert des cadeaux à son amoureux. Parce qu'il l'aimait.
Mais il semblait que l'autre n'en avait rien a faire. Il le regardait de travers lorsqu'il le voyait tenter de nouvelles choses sexuellement. Ou se contentait de manger en silence et de quitter la table. Ou alors prétextait une surcharge de travail pour ne pas aller à ses voyages. Ou marmonnait un vague merci avant de balancer les cadeaux au fond d'un tiroir.
Cela rendait Shu hors de lui. Il ne comprenait pas ce qu'il avait fait de mal. Il ne comprenait pas pourquoi Sei avait cessé de l'aimer.
Il avait commencé à faire des cauchemars. Il rêvait de son aimé dans les bras d'un autre. D'autres mains le touchant, d'autres lèvres l'embrassant. Et le pire de tout cela; Sei le leur rendait.
Il avait essayé de faire part de ses craintes au concerné. Mais l'autre avait haussé les épaules et dit d'un air désinvolte "je ne vois pas de quoi tu parles".
Shu était désespéré. Sei était sa raison de vivre, son ancrage dans ce monde. Sans lui, il ne voulait plus vivre.

~

Shu marchait depuis bientôt 5h. Il ne cessait de se repasser les instants les plus fantastiques de leur relation dans sa tête. Lorsque Sei lui avait déclaré son amour. Lorsqu'ils avait passé leur premier nuit ensemble. Lorsqu'ils avaient déménagé dans ce petit appartement pour un début de vie commune. Lorsque Sei l'avait demandé en mariage.
Et quelques mois après ces fiançailles, tout tombait.
Shu finit par s'arrêter. Il était au point le plus haut de la ville. Le toit de la cathédrale.
Il s'assit sur le bord du toit, les jambes pendant dans le vide. Il serra son blouson contre lui; le vent soufflait fort a cet endroit.
Dans sa main droite se trouvait sa bague. Un magnifique anneau argenté, sertie de deux améthystes. Car c'était leur pierre de naissance, a lui et Sei.
Les larmes, jusque là retenues avec difficulté, commencèrent à dévaler ses joues. Il ne pouvait plus les empêcher de tomber. Toute la douleur qu'il ressentait depuis 4 semaines sortait enfin.
Shu sortit son portable. Un seul numéro y était enregistré. Le seul numéro dont il avait besoin pour vivre.
Il filma le vide sous ses pieds. Il filma la bague qui tombait vers le vide. Il envoya le fichier vidéo à Sei. Puis il supprima son numéro et balança à son tour le téléphone dans le vide.
Il était temps. Temps de mettre fin à cela. Personne ne le pleurerait. Sa famille l'avait renié et ses amis étaient dans sa tête, imaginaires. La personne qu'il aimait, et qui était censée l'aimer également, ne s'en souciait pas.
Shu se laissa tomber. Et c'est en chutant à toute vitesse qu'il aperçut la silhouette fine et élancée de Sei qui l'observait. Il souriait.
Ce sourire fut la dernière chose que Shu vit avant de s'écraser contre le béton froid.
Il souriait.

Courts textes [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant