L'autre royaume

Chapitre 1

« Debout, Réveille-toi ! chuchota le père. La journée va être longue, nous avons du travail ! »

Glenn entrouvrit les yeux. Il vit sa mère en train de raviver les braises dans l'âtre et s'extirpa de sa couverture. Le froid ne le saisit pas autant qu'il ne l'avait craint. Leur maison était en effet assez petite pour que le feu la maintienne à une température assez confortable mais assez spacieuse pour abriter Glenn, ses parents, Jenny, sa petite sœur, les deux chèvres ainsi que les quelques poules de la famille. Jenny dormait encore à points fermés. A neuf ans elle n'avait pas à participer aux travaux de la terre. Glenn, du haut de ses 17 ans était déjà un jeune homme et participait donc avec son père à subvenir aux besoins de la famille.

La pièce unique était agréable avec deux petites fenêtres devant lesquelles des peaux huilées étaient tendues pour empêcher le froid de rentrer. Une table avec deux bancs servait pour les repas mais aussi pour toutes les tâches d'entretien de la maison. De chaque que côté de la cheminée les paillasses étaient disposées. Un bahut et une étagère contenaient leurs maigres possessions et réserves. Au centre de l'étagère trônait l'unique livre de la famille. Glenn savait un peu lire. C'est sa mère, Aylin qui lui apprenait, le soir. Elle détenait ce rare savoir de son oncle qui le tenait lui-même d'on ne sait où ! Aylin avait en effet grandit auprès de lui après qu'elle ne se soit retrouvée orpheline à l'âge de deux ans. Glenn appréciait énormément son grand-oncle Erwan. Il ne le voyait qu'assez rarement mais c'était à chaque fois un véritable plaisir que de retrouver ce vieil excentrique avec ses récits tous plus invraisemblables les uns que les autres. S'il faisait rire Jenny et Glenn, il agaçait au plus haut point leurs parents avec ses histoires de dragons, de châteaux, de fées...

- Dépêche-toi Glenn le rabroua sa mère !

Il s'approcha de la table et commença à avaler son morceau de pain et de fromage. Le soleil n'était pas encore levé et ne se lèverait que dans deux heures mais aujourd'hui, ils devaient, avec son père aller aider une autre famille pour défricher une terre située à plus d'une heure et demie de marche. Il n'était pas rare que les membres de différents villages s'entraident pour des taches plus lourdes. Ces moments, somme toute conviviaux, permettaient d''obtenir des nouvelles du reste de la région, de commercer et d'échanger avec d'autres personnes que les quelques habitants du hameau de la Ronde ou vivait la famille Garrec. Le repas terminé, le baluchon pour le repas de midi préparé et une outre d'eau remplie au puit, Glenn et son père partirent sur le sentier.

Comme très souvent lors des longues marches, Glenn rêvait à une vie différente de celle qui s'offrait à lui. Bien sûr, son avenir était tout tracé. Il épouserait une jeune fille du village voisin, travaillerait les terres de sa famille, aurait deux ou trois enfants, subviendrait aux besoins de ses parents lorsqu'ils ne pourraient plus le faire eux même. Mais comme beaucoup de jeunes gens, Glenn s'imaginait chevalier, combattant le mal, sauvant une princesse. Jack, son père, parlait peu en général lors de ces trajets. Il profitait de ces moments calmes pour planifier le travail à accomplir et, peut-être, lui aussi, aspirait à d'autres choses pour son existence.

Sur le chemin, ils posèrent quelques pièges en bordure de bois, qui, ils l'espéraient, agrémenteraient le repas du soir en les relevant au retour. Ils repérèrent également quelques zones avec des champignons qu'ils se promirent de ramasser plus tard.

Dans cette région, les forêts, aux couleurs chatoyantes en ce début d'automne étaient peuplées de chênes et de hêtres. Alors qu'ils traversaient une partie plus dense, Glenn ressentit une certaine gêne. Il n'aurait su dire pourquoi ni par qui mais cette sensation l'habitait depuis quelques minutes. Il se sentait épié. Quelques dizaines de mètres plus loin il lui sembla apercevoir une ombre sur sa gauche. Regardant de plus prêt vers ce buisson, il ne vit rien de particulier. Surement l'effet du vent dans les branchages. Ceci se reproduisit cependant plusieurs fois sur le trajet mais à chaque fois il n'observait qu'une nature intacte, paisible.