《Oh non je dois rêver... C'est pas POSSIBLE!》
Telle fut la première phrase de notre héroïne, tandis qu'elle buvait un grand bol d'eau chaude (le thé coûtait trop cher). Emmitouflée dans sa couette (qui lui servait aussi de peignoir) Jeanne avait ouvert la fameuse enveloppe et découvrait ce qu'allaient lui coûter ses impôts : le nombre de chiffres était démesuré. Tellement démesuré qu'il prenait toute la feuille et devenait largement supérieur au montant de sa paye.
《Et merde. C'était une connerie de ne pas payer la dernière fois et d'envoyer des photos de moi pour me faire pardonner... Mais je vais trouver cet argent où, moi?》
Notre héroïne jeta la lettre le plus loin possible d'elle (pourquoi faire le jour même ce que l'on peut faire le lendemain?) et se leva de son seul tabouret de cuisine. Elle reposa sa couette sur son lit simple et attrapa un ensemble jupe crayon noire, chemisier blanc amidonné et pull rose ainsi qu'une paire de talons aiguille qu'elle enfila en quelques secondes avant de sortir de son minuscule appartement. Minuscule est un euphémisme. Le lit était collé à un mur et surmonté d'étagères où se trouvaient livres et vêtements. Une télé murale se trouvait en face de la tête de lit. De l'autre côté du lit, on voyait le coin cuisine composé d'un tabouret, d'un plan de travail et d'un four surmonté d'un minuscule réfrigérateur. L'accès à la salle de bains ancienne et abîmée se faisait par une porte en bois qui ne se fermait plus depuis longtemps. Cet appartement n'était pas le paradis mais c'était le seul dans les moyens de Jeanne qui, en célibataire endurcie, ne partageait ses frais avec personne d'autre qu'elle même. Si seulement elle trouvait l'Amour... Un jour un bel homme en jean délavé et tee-shirt moulant ses beaux pectoraux et abdominaux l'emporterait sur sa belle Ducati (elle trouvait les autres motos horriblement informes) loin de cette vie morne et solitaire... Ils achèteraient une grande villa avec jardin et piscine au bord de la mer, auraient beaucoup d'enfants et vivraient heureux jusqu'à la fin de leurs jours... La sonnerie de son téléphone sortit Jeanne de ses pensées. En regardant le nom qui s'affichait elle soupira puis décrocha : 《Allo, Jeanne Doe à l'appareil, bonjour!
- Ma très chère Jeanne, je me sens obligé de vous appeler car vous en êtes à votre troisième retard de la semaine ! Je commence à m'inquiéter pour votre santé... et votre salaire! Mais je suis sûr que nous pouvons trouver un arrangement sur un terrain plus privé...
- M. Lackhort, je suis au bureau d'ici quelques minutes. Ne vous inquiétez pas pour ma santé, je vais très bien et je me permets de vous rappeler que les problèmes familiaux ont une fréquence d'environ 40%, si ce n'est plus, et qu'il y a donc 40% de chances que cela justifie mes retards.
- Je voulais aussi vous prévenir que l'un des plus gros clients de la boîte arrive d'ici une dizaine de minutes. Si vous n'êtes pas présente avec le contrat, je me sentirai obligé de vous virer, compris?
- Oui, monsieur! J'arrive tout de suite! Ne vous inquiétez pas, je serai là!》
Jeanne balança son portable au fond de son sac à main et sortit de son immeuble en courant. Elle n'avait pas le temps d'aller au travail à vélo donc elle choisit une manière plus radicale. Se plantant au milieu de la rue, elle stoppa la circulation et repéra un taxi parmi les voitures arrêtées. Elle ouvrit la portière arrière et fit sortir le couple qui se trouvait sur la banquette, prit place, donna l'adresse au conducteur et se détendit. Un peu. Elle profita de ce trajet pour réfléchir à sa vie actuelle. Célibataire, des voisins âgés et quelque peu envahissants pour seule compagnie, plus de famille pouvant justifier des problèmes familiaux, des finances inexistantes et un travail ingrat sous le joug de M. Lackhort (prononcer "la carte" avec un accent anglais), un patron pervers et caricatural qui détestait viscéralement la négligence, les sectes, les homosexuels, les étrangers, les musulmans, les lapins en peluche, les juifs et les tartes aux pommes. Jeanne ne l'aimait pas particulièrement, mais il était son seul moyen d'obtenir un salaire alors était obligée de le supporter.
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Jeanne
HumorL'histoire d'une secrétaire pas tout à fait comme les autres, un passage mouvementé de sa vie tout autant mouvementée! /!/Le contenu de certains chapitres pourrait choquer les personnes sensibles /!/