La charrette du messager

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- À L'AIDE !!! AU SECOURS !!! AIDEZ-MOI !!!

Le Rôdeur, somnolant sur la scelle de sa jument qui traînait ses sabots sur une route poussiéreuse, releva soudain la tête.
Il plissa les yeux sous ce soleil déclinant qui rasait les champs verdoyants de cette campagne s'étendant à perte de vue et aperçut, plus loin, une charrette renversée en travers de la route.
Un homme d'aspect miteux, coiffé d'un chapeau défraîchi et les bottes boueuses, se tenait difficilement à son chariot.

- Ah ! Enfin quelqu'un ! sourit-il en voyant le Rôdeur arriver. Un Golem est sorti des fourrés, mon cheval a eu peur, il a renversé la charrette et s'est enfui !

- Vous n'avez pas été blessé ? demanda le Rôdeur en descendant de sa monture.

- Seulement à la jambe en tombant du chariot. Fort heureusement, le Golem n'a fait que traverser la route et ne s'est pas arrêté pour moi !

- Qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

- J'ai un paquet très important à remettre à Madame Délessa, à Dralbourg. C'est la ville la plus proche, elle n'est qu'à...

- Je connais Dralbourg, vous ne voulez pas que je vous y conduise ? Et vous livrerez votre paquet vous-même.

- Non, c'est très urgent ! Et je dois rester surveiller mes livraisons. Le reste peut attendre mais pas cette commande-là ! L'herboriste a été très impératif à ce sujet !

- Très bien, je vous laisse donc là ? Tout seul ?

- Oui oui ! En passant devant les portes de la ville, demandez à ce qu'on informe le capitaine Harold que son frère a besoin d'aide sur la route. Il devrait faire vite.

- Pas de problème.

Le Rôdeur prit donc le petit paquet et repartit à cheval, laissant le pauvre homme sur la route, non sans lui avoir laissé une gourde d'eau et un petit couteau pour pouvoir se défendre au cas où.

Dralbourg était une ville animée plantée au milieu des vastes champs dont les récoltes la faisaient prospérer.
Un garde arrêta le Rôdeur mais se radoucit en attendant le nom du capitaine Harold.

- Quoi ? s'exclama-t-il en riant. Alors Fillien s'est encore mis dans de beaux draps ? Haha ! Très bien, nous ferons passer le message !

Après avoir reçu les informations concernant l'emplacement de l'habitation de Madame Délessa, le Rôdeur entra dans la ville. Il trouva la maison facilement, c'était une blanchisseuse que tout le monde semblait bien connaître.
Le Rôdeur frappa à la porte et une charmante jeune femme rousse ouvrit la porte.

- C'est pour quoi ? demanda-t-elle l'air sévère.

- Je dois vous remettre ceci, fit le Rôdeur en montrant le petit paquet.

La blanchisseuse écarquilla les yeux, jeta un regard rapide aux quatre coins de la rue et fit rentrer précipitamment l'étranger chez elle.
Elle semblait paniquée. À la lueur vacillantes des bougies, le Rôdeur s'aperçût qu'elle transpirait.

- Quelque chose ne va pas ? questionna-t-il alors que la femme ouvrait son paquet.

- C'est mon frère, il ne va pas bien... Ce remède devrait lui permettre d'aller mieux...

- Que lui arrive-t-il ?

Alors que la jeune femme observait le petit flacon de verre au liquide sombre entre ses doigts tremblants. Un étrange grognement se fit entendre dans la pièce voisine.

- Qu'est-ce ? s'enquit le Rôdeur en observant la porte d'où venaient les gémissements.

- C'est rien, je vais m'en occuper, restez ici, ne bougez pas.

- Que contient se flacon ? De quoi souffre votre frère ?

La blanchisseuse ne répondit pas, elle s'approcha de la porte mais avant d'avoir pu atteindre la poignée, la porte se brisa violemment, propulsant la jeune femme dans les bras du Rôdeur. Tous deux tombèrent sur le sol.

- Tout va bien ? demanda le Rôdeur en se redressant difficilement.

La blanchisseuse, toujours sonnée sur son torse, se retourna et acquiesça d'un signe de tête. Le Rôdeur aperçut alors, debout dans l'encadrement de la porte, un homme grand est pâle, les yeux et les membres convulsés. Le pauvre garçon ne semblait plus maîtriser son corps, le regard vide et la bouche béante, il faisait peur à voir.

- Restez ici, dit le Rôdeur en déplaçant la jeune femme derrière lui et en se remettant sur ses pieds.

- Ne lui faite pas de mal... souffla-t-elle.

À peine le Rôdeur fit un pas en direction du malade que celui-ci se jeta sur lui et le fit traverser la fenêtre. Les deux hommes se retrouvèrent effondrés dans la rue où les passants hurlèrent et s'écartèrent, affolés.
Le Rôdeur se releva non sans difficulté et observa le frère faire de même.

- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? grogna le Rôdeur.

Il eut le temps d'attraper une poutre de bois avant que son assaillant ne l'attaque de nouveau. Ce dernier le plaqua contre un mur et tenta de le mordre mais le Rôdeur plaça rapidement la poutre devant lui et les crocs du frère se plantèrent dans le bois. Il put alors observer des dents relativement longues et, en se penchant légèrement, il aperçu deux marques rouges significatives au niveau de son cou.

- Prenez ça ! cria la blanchisseuse en lança le flacon dans leur direction. Il doit prendre son remède !

Avant que la petite fiole ne se brise sur le sol, le Rôdeur se glissa hors de l'emprise de son agresseur et se jeta en avant, rattrapant de justesse le précieux flacon.
Le frère balança la poutre et s'approcha de nouveau de lui mais le Rôdeur lui envoya une petite brique trouvée par terre en plein au visage. Il attrapa ensuite un gros morceau de bois provenant sans doute de la monture de la fenêtre défoncée et lui asséna un coup violent derrière la tête. L'assaillant s'effondra enfin.
Le Rôdeur l'attrapa par le col, ouvrit le flacon et l'approcha de son visage. Le frère entrouvrit les yeux, vit la fiole et jeta au Rôdeur un regard apeuré.
Le Rôdeur fronça les sourcils, renifla le contenu du flacon puis, d'un geste rapide, lança la petite fiole de verre qui se brisa au loin.
Le Rôdeur relâcha le frère. Celui-ci le regarda soulagé, lui fit un signe de tête puis s'enfuit en courant.

- Qu'est-ce que vous avez fait ? demanda la sœur en sortant de chez elle par le mur écroulé. Ce remède devez le soigner !

- Pas du tout, répondit le Rôdeur. Les remèdes contre le vampirisme sont assez rares et doivent en principe être pris avant la transformation. Il était trop tard pour votre frère. Votre herboriste ne voulait pas prendre de risque, il vous a vendu du poison.

- Quoi ? Mais... mais... C'est impossible ! Pourquoi vouloir le tuer ? Et que va-t-il devenir ?

- Au moins il est toujours de ce monde. Nombreux sont ceux qui préfèrent voir les vampires morts. Enfin, vraiment morts. Je ne suis pas de cet avis, je l'ai laissé vivre.

La jeune demoiselle fondit en larmes. Le Rôdeur la prit dans ses bras. Des gens commencèrent à se rassembler dans la ruelle, se demandant ce qu'il s'était passé. Puis des gardes arrivèrent également, alarmés par le vacarme.

- Merci, souffla la blanchisseuse dans le cou du Rôdeur.

- Il n'y a pas de quoi.

Sur ce il s'éloigna, disparu dans la foule et reprit sa route.

Le Rôdeur des terres oubliéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant