Céleste était morte. C’était tout ce qui tournait en boucle dans la tête de Dimitri, en boule dans son lit, qui ne parvenait pas à sortir de sa torpeur. La douleur était si profondément ancrée en lui qu’il ne parvenait plus à ouvrir les yeux. Mieux valait ne plus jamais les ouvrir, plutôt que voir un monde dans lequel elle avait disparu.
Il n’avait jamais eu aussi mal. Cette douleur fulgurante et persistante avait d’abord frappé en plein dans sa poitrine. Puis ses poumons s’étaient mis à le brûler, ses yeux à piquer et des maux de têtes brutaux allaient bientôt avoir raison de lui. Il s’était enfermé dans le noir de sa chambre, dans un silence complet, dans l’espoir que le mal s’estompe quelque peu, en vain. Il n’osait même plus toucher à son téléphone parce qu’il savait exactement sur quelle page il tomberait en déverrouillant l’appareil.
La photo de la jeune femme sous le statut Facebook écrit par sa mère hantait encore Dimitri. Le sourire rayonnant de Céleste, ses cheveux bruns décoiffés par le vent et ses yeux si plissés par son rire qu’on n’en distinguait pas la couleur. Céleste était comme ça. Pleine de vie, pleine de rire, débordante d’affection et si douée pour paraître forte. Si douée que Dimitri ne comprenait pas pourquoi, cette nuit-là, elle avait décidé de mettre fin à ses jours.
Il était réveillé depuis à peine une demi-heure mais il aurait préféré ne jamais voir la lumière du jour. C’était trop dur à encaisser. Jamais il n’avait imaginé que sa meilleure amie puisse se sentir si mal, et jamais il n’avait pensé devoir un jour continuer de mener sa vie sans elle. C’était pourtant ce qu’il allait devoir faire, il le savait, seulement c’était trop frais et trop soudain pour qu’il imagine se lever de son lit. Il voulait rester là, emmitouflé dans le réconfort de sa couverture, à pleurer et à nier l’évidence encore quelques heures, peut-être même quelques jours.
— T’es en retard, Dim !
Agressé par la lumière pénétrant sa chambre par la porte grande ouverte, Dimitri grogna en enfouissant sa tête sous sa couverture. Le fort accent écossais de son ami parvenait toujours à faire sourire Dimitri. Toujours, mais pas cette fois.
— J’irai pas bosser aujourd’hui, Aidan, il baragouina pour le faire partir.
— Dim ? s’inquiéta le jeune homme en faisant un pas dans la chambre. Qu’est ce qui se passe ?
La gorge nouée, il ne put prononcer un mot de plus. Il manquait d’air et n’osait pas ouvrir la bouche de peur de laisser échapper un sanglot qui attirerait trop l’attention d’Aidan. Il ne voulait pas qu’il s’en fasse pour lui, ni qu’il tente de s’incruster dans le cocon qu’il tentait de se créer. Dimitri voulait être seul. En fermant les yeux, il espérait sentir les ténèbres l’engloutir et simplement disparaître.
Mais le silence qui répondait à Aidan dû l'intriguer davantage. Dimitri n’avait jamais été du genre à se replier sur lui-même et voir son ami roulé en boule sous sa couette avait suffit à mettre la puce à l’oreille de l’Écossais. Il referma la porte derrière lui et traversa la chambre pour s’asseoir sur le bord du lit.
— T’as toujours été une grosse balance, tu peux raconter, il tenta en tirant doucement la couverture.
— Laisse-moi, grogna Dimitri en s’agrippant à sa couette.
— Dim, tu pleures ?
Un simple reniflement lui répondit et Dimitri s’enfonça une fois de plus dans un silence impénétrable. Aidan tenta la compassion et le soutien, il lui promit de l’écouter et qu’il serait là pour lui, en vain. Puis, sans nul doute à court de patience et d’idées pour le faire parler, il finit par tirer brusquement sur la couette en se redressant.