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Ce qu'il aime chez les Twerski, c'est l'aspect accueillant que dégage les différentes pièces. Rien que dans le salon, outre les nombreuses photographies représentant les moments de joie du couple marié, que ce soit juste eux deux ou entre famille ou amis, le papier peint bleu ciel permet de donner une certaine douceur au lieu. Les murs se mélangent alors parfaitement avec les meubles au ton sombre, et les autres, tel le canapé, le fauteuil ou le tapis aux couleurs bleus plus foncés, ainsi que le parquet brun. De toute façon, Beniamin a toujours adoré le bleu. C'est peut-être pour cela que cette pièce l'apaise tant.

De la cuisine, il entend son meilleur ami siffloter une mélodie qui lui est inconnue alors qu'il s'affaire à préparer les derniers préparatifs pour l'apéritif, attendant le retour de sa femme. Il ne fait que sourire, presque attendri par l'innocence qui se dégage de lui. Il est si différent de leur première rencontre : il est plus insouciant, plus souriant, moins peureux.

Plus heureux.

Beniamin secoue la tête. Il ne doit pas penser ainsi, c'est affreusement égoïste. Il ne peut pas remettre toute la faute sur Ieremia, le pauvre n'y est pour rien. Après tout, c'est juste lui le problème.

Il souffle avant de se laisser tomber sur le canapé moelleux qu'il connaît si bien maintenant. Il a presque l'impression que le sofa a en mémoire la forme de son corps : ce pli ne serait-il pas dû à son dos ? Ce petit jeu lui donne une impression de nostalgie qu'il apprécie.

Puis ses yeux se tournent vers la table basse en face de lui, tombant sur une pile d'enveloppes qui n'est même pas encore ouvertes. L'une d'entre elle retient son attention : le papier est coloré d'un rouge clair avec quelques dorures, et rien que cela témoigne du caractère unique de la lettre. Il ne devrait pas la prendre, après tout cela concerne la vie de ses amis, pas la sienne. Mais sa curiosité l'emporte : connaît-il les personnes partageant cet heureux événement ? D'ailleurs, est-ce un mariage, une naissance, un baptême ?

Il prend l'enveloppe, un petit sourire enfantin sur le visage, alors que ses doigts caressent les effets dorés. C'est vraiment joli, se dit-il. Il retourne ensuite le papier pour découvrir les heureuses personnes de cet événement

Son sourire disparaît et son sang se glace. Ses yeux ne sont attrapés que par le premier nom, et il ne peut empêcher sa main de trembler légèrement.

Arthur Newset.

Sa mâchoire se sert. Non, il ne peut pas être passé à autre chose, pas déjà.

Oubliant tout respect de vie privée, il s'autorise à ouvrir l'enveloppe sans faire attention à la garder à temps soit peu propre. On dirait qu'il l'a déchiqueté. Il en ressort la carte à l'intérieur, dévoilant un faire-part de mariage dans les mêmes tons que l'enveloppe. Mais il ne laisse pas le temps de la contempler, et ouvre alors la petite carte :

« Suite à l'échange de leurs fiançailles ce cinq avril, Arthur et Regina vous invitent à leur mariage prenant place le trente juillet prochain. Rendez-vous à quatorze heures à l'Eglise Saint-Martinus de Doorn pour l'échange des vœux, puis rendez-vous à la salle des fêtes pour la suite de la journée sous le thème de l'amour de vos deux chers invitants, qui seront ravis de votre présence. »

_ Les zakouski sont prêts !

Même la voix chantante et joyeuse de Ieremia n'arrive pas à le sortir de sa contemplation des mots qu'il vient de lire. Il aimerait croire qu'il délire, que ce qu'il a lu est une mauvaise blague de son ami – même si elle est de mauvais goût et que jamais il ne ferait ça –, mais tout dans les mots choisis respirent le Arthur Newset. Il peut même presque croire entendre son accent britannique au creux de son oreille.

Vie en trois actesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant