Vous trouvez que je suis plus épuisé ? Ah, peut-être. Je ne m'en rends pas bien compte, à vrai dire. Si je dors bien ? J'ai connu des meilleurs jours, nous dirons ça. Vous savez, j'ai des tendances insomniaques, et puis il peut m'arriver de me réveiller plusieurs fois dans la nuit, mais je m'y suis fait. Non ne vous inquiétez pas, je n'ai pas besoin de somnifères. Je sais que je ne suis pas loin de mon lieu de travail, mais si on pouvait éviter que j'arrive en retard ça m'arrangerait. Vous savez, les somnifères sont assez violents avec moi.
Nous en étions où déjà ? Ah oui, mes études.
Malgré cette... Relation, j'arrivais à assez bien les suivre. Je n'étais pas l'étudiant le plus brillant, mais j'étais loin d'être le dernier des imbéciles. Mes résultats n'ont jamais été aussi bons et, je crois que ma mère était assez fière de moi à cette époque.
Ce que faisait Teo comme études ? Des études de mathématiques. Il est devenu professeur à l'université, pour tout vous dire. Je vous l'ai dit, il y en a un qui a mieux réussi que l'autre. Ce n'est pas pour rien que ma mère le met sur un piédestal : ce qu'il fait n'est pas rien, et il est bien plus intelligent que moi. En tout cas sur ces questions-là. Mais que voulez-vous, ma science n'intéresse pas ma génitrice, je dois faire avec.
Bref, je m'épanouissais plutôt bien dans ces études. A vrai dire, pendant et à la fin de ma... Première vraie relation, c'était ce qui me permettait de penser à autre chose. Je sais que ce n'était pas très sain, mais je sais que c'était également le seul moyen pour moi de ne pas y penser. Vous voyez bien l'effet que ça me fait après tant de temps, alors à l'époque je ne vous dis pas mon état. Je crois même que c'est à cette époque que j'ai parlé à tant soit peu de la vérité de cette relation à Teo, je crois qu'il ne m'avait jamais vu dans un tel état.
Vous trouvez qu'il y a des progrès ? Ah, c'est vrai que maintenant je peux au moins l'énoncer. Mais, je suis désolé de vous le dire, je ne sais pas quand j'aurais la force de tout vous raconter. Je crois bien que ce sera dans un long moment, heureusement que vous êtes patient.
Je m'entendais bien avec mes camarades. J'avais des amis à cette époque. Pas de cette même amitié que j'aurais pu avoir avec Ilinca et Gheorghe bien-sûr, mais c'était une amitié que j'appréciais et dont j'avais besoin. Je m'entendais surtout avec une certaine Petra... Je ne me souviens pas de son nom de famille, désolé. Mais Petra et moi étions bons amis. Je ne ressentais rien pour elle, et je crois qu'elle non plus. De toute façon, j'étais tellement brisé que je n'envisageais aucune relation à cette époque.
Alors je continuais ma petite vie d'étudiant, continuant mes progrès en néerlandais. J'avais fait des progrès considérables, mine de rien. J'avais toujours de grosses lacunes, soyons sincères, mais mes camarades étaient plus bienveillants. Et puis, ma grand-mère apprenait plus vite que moi, alors elle m'expliquait. C'est des moments que je chéris encore beaucoup. Elle a toujours été très pédagogue, vous savez. Si elle n'avait pas été journaliste, je pense qu'elle aurait été professeur. D'ailleurs, elle m'a parfois aidé dans mes recherches. Lorsque j'écrivais mes essais, elle allait dans les bibliothèques ou les archives pour me trouver des informations supplémentaires. Nous faisions un très bon travail d'équipe, et je me rappelle que mon père souriait quand il nous voyait nous entraider comme ça. Je crois qu'il a toujours été sensible au fait que sa mère s'entende bien avec ses petits-enfants.
Mais cela n'arrangeait pas mon choix futur : au bout de trois ans je ne savais toujours pas ce que je voulais faire, et il me restait deux années pour trouver. Car si j'avais choisi ce cursus, c'était avant tout car le sujet m'intéressait, ni plus ni moins. Le stress m'envahissant, j'en avait parlé à ma grand-mère : nous faisions un gâteau – nous avons toujours fait beaucoup de pâtisserie ensemble – et cela nous a offert l'occasion d'en parler. Je lui fis part de mes craintes, et, comme toujours, elle m'avait écouté avec sérieux, remontant parfois ses lunettes rondes. Et ce geste, à force de la connaître je savais que cela signifiait que ses méninges se mettait en marche.
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Vie en trois actes
General FictionBeniamin Serfözö n'a jamais pensé mettre le pied chez un thérapeute. A vrai dire, pour lui il voit ça comme de l'argent jeté par la fenêtre. Il sait qu'il ne va pas vraiment bien, mais est-ce vraiment la meilleure solution ? Pourtant, au fil des séa...