Crocodile/Mihawk

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Pour un Jour

Pour la première fois depuis deux ans, il a l'opportunité de fuir, alors il court comme s'il n'avait couru avant. Ses jambes le portent sans se soucier des plantes qu'il piétine et des racines sur lesquelles il manque de tomber, parce que Crocodile n'a pas de temps à perdre, et il ne peut pas rester ici. Son cœur tambourine dans sa cage thoracique à chaque enjambée supplémentaire au-dessus des ronces de la flore qui arrache sa peau et le font saigner, mais il ne peut pas s'arrêter. S'ils le rattrapent, alors il n'aura plus jamais l'occasion de retrouver sa liberté, et il ne peut pas les laisser faire...

Il se fiche de la douleur résonnant partout dans son corps et des tremblements qu'il doit réprimer en enfonçant ses ongles dans ses paumes, Crocodile n'a pas d'autre choix que de courir le plus vite possible à travers la forêt épaisse pour rejoindre la côte et quitter son île natale le plus rapidement possible. Peu importe où la mer le mènera, même la pire des îles sera un bien meilleur recueil que son enfer personnel, là où il a été enfermé ces deux dernières années. Crocodile ne pourrait pas revivre emprisonné entre les quatre mêmes murs une journée de plus, alors il voguera à la recherche peut-être illusoire d'un lieu où il pourra être en sécurité, ou il n'aura pas d'autre choix que de prendre sa propre vie pour empêcher ses geôliers de gagner.

Les lanières entourées autour de sa poitrine—autour de ce corps dont il ne veut pas—l'empêchent de plus en plus de respirer alors qu'il glisse en essayant de descendre une pente boueuse, mais Crocodile ne s'arrêtera pas, pas tant qu'il pourra encore bouger et qu'un dernier souffle de vie l'animera ! Il fuira aussi longtemps que possible, même si ses yeux sont maintenant embués de larmes sous la douleur, son genou écorché sous son pantalon déchiré. Il ne peut pas se permettre de perdre plus de temps, alors il se relève de la souche qui l'avait arrêté pour reprendre sa course folle, malgré les éclairs de souffrance dans chacune de ses cellules.

Crocodile peut entendre les cris des gardes qui sont à sa poursuite, mais il ne peut pas se retourner, ne peut pas perdre plus de temps alors qu'il commence à discerner l'orée de la forêt, les arbres d'un coup moins sombres et filtrant un peu moins de la lumière du soleil. C'est sa chance de fuir une vie d'esclave à tout jamais, et il refuse de la laisser passer. Dès qu'il aura passé la lisière, il y aura la plage de sable blanc, et il sera libre. Il doit juste convaincre son corps de le porter un peu plus longtemps, et plus aucun regard ne pourra glisser sur lui, plus aucune main ne pourra lui dicter son avenir...

Et c'est quand il saute au-dessus d'un piège à ours qu'une douleur lancinante traverse sa chair de part en part—une douleur soudaine et horrible, un cri échappant à ses lèvres alors qu'il s'écrase sur le sable qu'il espérait tant atteindre... Crocodile peut sentir tout son corps trembler, le bruit réconfortant des vagues s'abattant doucement sur les galets dans ses oreilles, sa main venant misérablement palper le problème... Une flèche dans son épaule. Il peut sentir le sang s'écouler pour recouvrir le sable, et ce sont bientôt ses larmes qui roulent sur ses joues quand il comprend que la liberté ne veut pas de lui. Il ne pourra jamais être libre.

Les mains sont de retour sur lui pour le relever, le ramener au château et le priver du destin qu'il aurait pu écrire par lui-même—il peut se débattre autant qu'il le veut contre la douleur et les gardes, Crocodile n'est pas assez fort pour les faire lâcher son corps, et c'est à peine s'il peut leur lancer une pathétique poignée de sable, qui ne peut rien contre leur armure.

Il lance un dernier regard à la plage, à la mer, à son dernier espoir, cloîtré sur l'épaule de l'un des gardes, avant que la douleur ne l'emporte loin, trop loin de ce qui devait le sauver à tout jamais du mariage forcé qui l'attend toujours au château...

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Ses yeux s'ouvrent sur le plafond morne d'une chambre qu'il ne connaît que trop bien, et Crocodile aurait préféré que tout ça soit un vulgaire cauchemar, plutôt qu'un rêve devenu enfer. Il est de nouveau coincé entre les quatre mêmes murs, et un léger regard sur le côté lui permet de savoir qu'ils ne feront plus jamais l'erreur de le laisser sans surveillance, quand il voit Mihawk se tenant à son chevet, devant les nouveaux barreaux à sa fenêtre. Sa vie est un cercle, une boucle sans fin où son seul péché a été de venir au monde, et pourtant on le lui fait payer à chaque jour qui passe.

OS ONE PIECEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant