19. Le Baby-sitter

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Béné, la plus inspirée de mes bonne fées répond à son téléphone.

- Essaie le petit-suisse, elle adore ça.... T'inquiète. Un œil vers la montre, et elle ajoute : dans six heures Kévin la récupère. Oh ! Arrête ! C'est pas si terrible que ça ! plaisante-t-elle. C'est une seconde nature chez toi. Petit silence où je devine que mon colocataire relance la conversation. Moi aussi je t'embrasse très fort.

Marine et moi nous retournons de concert vers elle. C'est bête, on est habitué à leur complicité mais sur le moment, c'est un peu comme si cela nous dérangeait.

- ... Tu veux que je te la passe ?

Je pensais que la proposition s'adressait à moi mais elle tend le téléphone à Marine.

A son tour, Marine rit aux éclats, comme je l'ai rarement entendue le faire.

- Ben... c'est du yaourt fait avec mon lait. Quoi ?! Ben, non c'est pas dégueu... Ah mince ! Toi aussi !? Je suis désolée vraiment. Ses éclats de rire disent le contraire. T'as trouvé ça comment ?...

Gaétan doit sûrement la traiter de bobo écolo.

- ... Tu sais y'a pas beaucoup de personnes à qui je confirais mon fils.

J'imagine Gaétan lui répondant que comme Benjamin travaillait , elle n'avait pas trop le choix non plus.

- ... Non, c'est pas ça. J'avais envie de voir comment tu te débrouillais comme papa.

Cette fois, c'est Béné et moi qui tournons la tête, surprises pas ses propos. Elle ne semble pas le remarquer et continue de taquiner son interlocuteur.

- ... Tu me le passes, s'il te plait ? Marine passe du rire aux larmes, juste en entendant, on le devine, Raphaël gazouiller quelques sons.

A la manière dont elle se reprend, j'imagine que Gaétan a récupéré le combiné. Elle se recoiffe, bien inutilement, comme pour se donner une contenance, le quitte à regret puis me tend enfin le combiné.

Je m'attendais à échanger à mon tour avec mon colocataire mais Louis a pris le relai.

- Maman, tu te rappelles comment on change une couche ?

- C'est toi qui fait ça ?

- Gaétan est un peu galère, précise-t-il en chuchotant. Inès est pénible avec lui. Elle jette des cuillères de purée par terre. Elle fait jamais ça chez papa. Raphaël pue un peu là , dis-moi comment on fait, je vais gérer.

Je m'éloigne un peu de mes amies. Si Marine entend mes explications, elle va deviner que la sécurité de son enfant prodige est entre les mains d'un ado.

- T'as compris ?

Le Ouais qu'il me répond n'est guère convaincant.

- Je vais regarder un tuto en plus.

- Surtout, tu gardes toujours une main sur Raphaël tant qu'il est sur la table à langer.

- Ben, si j'ai une main sur lui et le téléphone dans l'autre, je le change comment ?

Je me contient de montrer mon impatience, il fait de son mieux.

- Tu poses le téléphone.

- T'inquiète, je te faisais marcher !

Les pleurs de Raphaël résonnent en arrière-plan. Marine doit avoir des oreilles supersoniques, elle tourne instantanément la tête dans ma direction. Les filles vont trouver suspect que je me tiennent à distance aussi longtemps. Je reviens vers elles.

- Bonne soirée mon chéri. Tu vas t'en sortir comme un chef, quitté-je Louis.

- Ouah ! Si je m'attendais à ça ! ? s'exclame Béné.

- Quoi ?

- T'appelles Gaétan mon chéri ?

Non mais, c'est pas possible ! Elles minaudent chacune leur tout avec mon colocataire et paraissent choquées en pensant que je lui prête un surnom affectif... Aucune envie de me justifier.

- En effet. On est très proches.

- Béné ouvre une bouche juste assez large pour s'en décrocher la mâchoire. Marine elle se fait plus discrète mais baisse les yeux entre gêne et déception.

Je suis prête à bluffer encore un peu quand l'attention de Béné glisse vers tout autre chose.

- Ton chemisier ! Dit-elle en pointant Marine.

Marine baisse les yeux pour constater à son tour. Deux auréoles humides imprègnent le tissus.

- J'ai entendu Raphi au téléphone.

- C'est trop mignon ! s'exclame Béné.

Elle se poste près de sa cousine et immortalise en selfie cette montée de lait fortuite.

- C'est gênant surtout. J'ai les seins tout durs. Ça fait presque mal. Tu te souviens de ça ? me demande Marine.

De quoi ? De ses seins durs ou d'avoir allaité un jour ?

- Oui, bien sûr.

Béné retourne à l'intérieur du restaurant pour réajuster son maquillage nous laissant seules Marine et moi. Je monte à l'arrière de la Clio, Marine se glisse à côté de moi et fouille dans son sac de voyage à la recherche d'habits de rechange.

- Vous êtes proches comment Gaétan et toi ? demande-telle sans préambule.

- On partage le même appart, le même salon, la même salle de bain mais pas en même temps sauf quand on est très à la bourre et jamais la même chambre.

Bizarrement, elle semble soulagée.

- Tu nous faisais marcher..., devine-t-elle.

- T'es encore sur lui ? me renseigné-je à mon tour.

Pour éluder la question, elle ouvre son chemisier puis retire son soutien-gorge, découvrant ses seins dressés, aussi gonflés que des prothèses. Elle enfile ensuite un tee-shirt à même la peau. Les pointes érectiles ressortent du tissus. Elle me sourit comme si de rien. Curieusement, cela ne me fait plus rien. Mon soupire traduit mon dépit.

- T'es stressée, toi, devine-t-elle. J'ai ce qu'il te faut !

Elle me tend son portable sur lequel un curseur monte et redescend une sinusoïde.

- C'est quoi ?

- C'est pour ralentir ta fréquence cardiaque. Tu cales ta respiration dessus. Quand ça monte tu inspires...

- ... Et je souffle quand ça descend, c'est ça ?

Curieusement, cela semble marcher. La boule qui m'étreignait le ventre finit par se faire oublier. Marine est de nouveau désirable. Dommage, elle s'est rhabillée. Encore plus dommage, car je suis enfin célibataire.

Dans quelques minutes, je vais rencontrer Chambon et peut-être découvrir la vérité.


L'audacieuse Sofia Capriaglini tome 12 : information judiciaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant