Assis au coin du feu, nous, enfants, à ses pieds, Bon-Papa commença à relater les souvenirs de son temps, de son enfance :
"Je me rappelle de mon enfance où les journées étaient bercées par le rythme des aiguilles de l'horloge du salon et non par celui des écrans lumineux., par la brise du matin et non la télévision... Je me souviens des ruelles animées lors des fêtes, certains dimanches soirs, des rires des enfants et des adolescents sur la place du village, des parties de foot dans la rue principale. Je me rappelle des enfants des villages voisins qui se joignaient souvent à nous pour jouer toute la journée, je me souviens de l'école le mercredi et le samedi matin, du jeudi sans cours, de la neige qui tombait sur l'église du village à Noël... Nos amis étaient réels, sans avatar, sans pseudonyme, sans face cachée, sans besoin de se protéger constamment."
Bon-Papa soupira doucement, tira sa pipe, et reprit le courant de son histoire. Il y traînait une sorte de calme magique. Aucun enfant ne parlait.
"Nous écrivions à la plume et à l'encre bleue, nous avions des blouses scolaires, nous étions en short toute l'année de mon primaire et de mon collège, qu'il neige, pleuve ou vente. Le soir, au pensionnat, les maîtres nous faisaient écouter les classiques de l'époque sur les vinyles. Les fameux 45 tours que vous n'avez pas connus, vous, enfants du monde virtuel. Je me rappelle des photographies figées dans des albums en papier. Nous avions nos propres mondes à créer, à explorer, sans cliquer ni glisser", souligne-t-il avec un sourire.
Bon-Papa raconta les dimanches passés à contempler le ciel étoilé, sans la lueur artificielle qui voile les étoiles de nos jours. "On rêvait de voyages interstellaires, mais dans nos cœurs, l'espace était infini. On y voyait la grande ourse et la petite ourse, Orion, Le lion... Le dimanche après l'office, nous sortions tous en courant de l'église pour aller préparer le repas à la maison et l'après midi, pendant la sieste de nos parents, nous jouions dans la forêt, à la balle sur le parvis de l'église, les adolescents restaient sur le bord de plage par petits groupes, les plus jeunes jouaient aux billes, aux osselets, aux indiens. Nous nous écrivions par télégramme ou par lettre, cachetée par un tampon de cire aux armes familiales et ancestrales. Chaque étreinte avait un poids, chaque regard une intensité," murmure-t-il, évoquant une époque où l'amour était une danse lente, une mélodie envoûtante. "Chaque époque a ses merveilles et ses défis. Mais, oh, ces moments simples de mon temps, ceux-là resteront gravés dans mon cœur comme des étoiles dans la nuit." Ses yeux s'illuminèrent d'une lueur d'autrefois alors qu'il soupira silencieusement en repensant à cette vie qui n'existera plus. "C'était une bien belle époque," termina-t-il doucement.
Le feu crépitait doucement. Les enfants ne parlaient pas, plongés dans leurs rêves, leur imagination. Ils essayaient de voir la vie de leur aïeul dans leur petite tête. L'on entendait le doux balancement du fauteuil sur lequel était assis Bon-Papa, l'on entendait le bois craquer dans la cheminée, le grand-père dormir, les enfants s'assoupir à leur tour...
Et dehors, les oiseaux retournèrent dans le nid, les loups dans leur logis. La grosse horloge du salon sonna les onze coups du soir. Personne ne s'éveilla. Les parents emportèrent les enfants dans leur lit pour les coucher. Une nuit calme et sereine recommença. un nouveau rêve dans chaque esprit, un nouveau désir : celui de profiter de leur grand père le plus possible avant que la mort ne le rattrape trop vite.
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Bon-Papa raconte
Historical FictionCamille se saisit de sa plume et commença à relater dans un petit carnet "Les histoires de mon grand-père." C'est en 1987. Alors qu'elle est jeune maman, sa petite fille, Blanche, découvre, dans le grenier, au fond d'une malle, ce petit receleur d'...