2 | Changer d'avis

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— Léo ? Es-tu sûre que ça va ?

J'ai eu des moments moins gênants !

— Tu peux encore changer d'avis, termina posément Kenzo.

Hum.

Sachant que nous étions dans son cabinet, que j'étais pied à l'étrier sur sa table d'examen et que pour me tenir ce propos il venait de sortir – façon de parler, vous avais-je déjà précisé qu'il est gynécologue ? – sa tête de mon entrejambe... disons que c'était effectivement maintenant ou jamais.

— Inutile d'y compter, affirmai-je platement en retour, mes doigts crochetant un peu plus fort ceux de Mickaël. Nous en avons déjà discuté.

Maintes et maintes fois, si vous saviez ! D'ailleurs, il s'était passé cinq mois depuis ma proposition. Le journaliste ayant abruptement refusé sans en reparler – et je n'allais pas le relancer, consciente de la sensibilité du sujet pour lui – j'ai finalement eu l'audace de m'adresser directement à son époux, profitant d'une consultation de routine quelques semaines plus tard. Ce dernier n'avait jamais eu vent de mon idée, figurez-vous ! Probablement souhaitai-je être certaine qu'ils refuseraient de concert. Qu'ils avaient réfléchi ensemble à la question et étaient sur la même longueur d'onde. S'ensuivit – je n'en ai pas été témoin mais ils ont été honnêtes avec moi – une houleuse confrontation entre les deux hommes, qui au bout du compte souhaitèrent me rencontrer pour discuter et aller au fond du sujet.

— Je sais, rétorqua-t-il avec tout le flegme le caractérisant. Néanmoins je me devais de te le proposer.

Éthique.

Même si la procédure en cours en manque, d'après ses détracteurs. À mon sens, elle se doit surtout d'être scrupuleusement contrôlée afin d'éviter les dérives. C'est d'ailleurs ce qu'a affirmé le comité consultatif de bioéthique belge en avril 2023 en qualifiant la GPA d'éthiquement acceptable, affirmant cependant qu'elle doit être juridiquement encadrée. Nous sommes – je suppose – d'accord quant au fait que des débordements, lorsqu'il est question d'êtres humains ou encore pire d'argent, il y en a hélas trop souvent.

Merci, mais non merci.

Leur adressant tour à tour un sourire franc, je finis tout de même par soupirer.

— Si nous pouvions continuer, messieurs, que je puisse retrouver une position plus confortable...

Plus digne aussi, tant qu'à faire !

— Alors c'est parti, opina Kenzo en reprenant sa place – pleine vue sur mon intimité, donc. Es-tu prête ?

— Affirmatif !

Cette fois ce fut l'étreinte de Mickaël qui se resserra, cette façon qu'il eut de retenir son souffle soulevant mon cœur d'une indicible émotion. Nos iris s'accrochant, nous sommes restés immobiles, présents l'un pour l'autre pendant une durée que je suis incapable de vous préciser, me permettant au passage d'occulter que se plier à un protocole d'insémination artificielle n'a rien d'un moment plaisant.

Dire qu'il y a des gens qui font ça seuls chez eux !

Je ne vous apprends rien, l'accès à la procréation médicalement assistée dans notre pays n'est pas ouvert à tous et même lorsqu'elle l'est, le parcours peut s'avérer infiniment long et éprouvant avant d'aboutir à la grossesse tant espérée. À l'enfant désespérément attendu. Dans le cas présent, il s'agit de surcroît du recours à une mère porteuse. Pour rappel, en France, la loi 94-653 du 29 juillet 1994, relative au respect du corps humain, interdit la gestation pour autrui. Et la révision de la loi bioéthique de 2011 l'a réaffirmé. Celle de 2021 n'a rien changé non plus. Seule la reconnaissance des enfants nés d'une GPA à l'étranger a évolué ces dernières années. En conséquence, cela n'a rien d'étonnant que certains choisissent de passer outre les règles établies, à leurs risques et périls. Comme nous aujourd'hui, finalement.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 13 ⏰

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