⚡♥ PROLOGUE ♥⚡

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Juillet 2022

PERLE

La guitare sur mes genoux, je m'oblige à gratter quelques accords. Mon pouce frôle la première corde avec une telle légèreté qu'aucun son n'en sort. La musique, cette flamme qui vivifie mon cœur, semble s'éteindre à son tour.

Quatre mois.

Quatre mois se sont écoulés depuis que ma mère a surpris mon père et sa secrétaire échanger un baiser langoureux sur le quai de la gare.

Trois mois.

Trois mois que je n'ai plus revu l'homme que je chérissais et admirais le plus au monde. Avant de s'effacer graduellement de ma vie, il m'a légué un dernier sourire. Un faux. Ses yeux ne riaient pas comme à leur habitude, ils ne pleuraient pas non plus. Un trou noir avait englouti la Voie lactée qui autrefois resplendissait dans ses pupilles. Sans un mot, il a fermé la porte derrière lui, et il ne l'a plus jamais rouverte.

Deux mois.

Deux mois que j'entends les lamentations de maman tous les soirs, dans sa chambre. Elle m'interdit d'y pénétrer, de la réconforter. Nos conversations se limitent à des bonjours, des bonnes journées et des bonnes nuits. Elle m'évite comme la peste, comme si le faux pas de mon père était ma faute.

Un mois.

Un mois que mes parents ont divorcé, tandis que juin annonçait les premières chaleurs de l'été. Les grandes vacances approchaient, ainsi que les examens du brevet. J'ai enfoui mes tracas personnels sous mes révisions, consciente qu'une fois les épreuves terminées, ils allaient réapparaître.

Et aujourd'hui encore, ils persistent.

Je dépose mon instrument sur le matelas de mon lit, à mes côtés, et m'allonge sur le dos, les mains derrière la tête. En disparaissant de ma vie, mon père a emmené avec lui mon amour pour la musique. Il nous a tout pris.

— Perle ! Viens dans le salon !

J'arque un sourcil à l'appel de ma tante maternelle, depuis la pièce principale. Jene l'ai pas entendue arriver, même avec la porte d'entrée qui grince constamment.

Je déteste cet appartement. Depuis que maman et moi habitons ici, je ne m'y sens pas à ma place. Je ne devrais pas me plaindre d'avoir un toit sur la tête. Seulement, je ne réussis toujours pas à prendre mes marques. Il ne ressemble en rien à cette maison dans laquelle j'ai grandi, là où nous avons laissé tous nos souvenirs. Ici, les murs sont dépourvus de tout type de décoration, le calme règne du matin jusqu'au soir.

Un appart aussi vide que moi.

— Elle n'écoute jamais rien cette fille ! peste tante Mélinda, assez fort pour que je l'entende.

Je pousse un soupir, les yeux plantés pendant quelques secondes sur mon plafond blanc délavé. Cette femme trouve toujours un moyen de critiquer mon comportement. Même ma façon de respirer l'insupporte.

Je balance mes jambes sur le côté du lit, sans aucun entrain. Avant d'appuyer sur la poignée de la porte, mon attention s'attarde pendant quelques secondes sur la guitare. Ma mémoire joue la mélodie composée par mon père. Elle ajoute ses fredonnements qui avaient le don de m'apaiser.

C'est terminé. Plus jamais je ne l'entendrais.

Cette constatation enflamme ma gorge. Puisque mon modèle s'est carapaté avec une autre femme, je dois me défaire de cet instrument avec lequel j'ai grandi. Il garde bien trop de souvenirs heureux qui n'existeront plus.

Cette étape revient à m'arracher une part de moi.

Je mets enfin le nez en dehors de ma chambre, puis, en quelques pas, retrouve ma mère, mon oncle et ma tante dans le salon. Le ventilateur sur pied - qui brasse plus l'air chaud qu'il rafraîchit la pièce - éparpille l'odeur de la caféine aussi loin qu'il peut. Je ne bouge pas de l'embrasure de la porte, les bras croisés sous ma poitrine.

MON EXCEPTION INTERDITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant