𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏

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Giulia.

Alors que mon corps maigre et affamé,
se tient devant cette balance, mes bras se serrent tendrement autour de mes jambes nues, empreint d'un profond regret. Une voix douce résonne dans ma tête, chuchotant sans relâche.

Le temps semble s'étirer infiniment, et chaque seconde passée à fixer cette balance devient de plus en plus difficile. Cette question persistante tourbillonne inlassablement dans mon esprit, semant le trouble.

Pourquoi est-ce si déchirant, si écrasant, de simplement poser les yeux sur un nombre ?

J'écoute les chants des oiseaux, le printemps se fait ressentir dans cette salle de bain où la lumière peine à pénétrer. Pourtant, cette mince lueur qui caresse mon dos m'envahit peu à peu d'une chaleur réconfortante.

Cependant, malgré cette douceur enveloppante, une pointe d'anxiété s'immisce en moi. Mon regard se détourne instinctivement vers la balance discrètement placée dans un coin de la pièce. La simple pensée de me peser déclenche un frisson d'appréhension. Les chiffres qui s'afficheront, seront-ils à la hauteur de mes attentes ? Ou bien me confronteront-ils à une réalité difficile à accepter ?

Un conflit intérieur s'installe alors. D'un côté, le désir de connaître le résultat, de mesurer les progrès de mes efforts. De l'autre, la peur de déception, de ne pas voir les changements espérés. Mes pas hésitent à s'approcher de cette balance, comme s'ils redoutaient le verdict qu'elle révélera.

Pourtant, je sais qu'éviter cette confrontation ne fera que prolonger le doute et l'angoisse.

Un voile sombre s'infiltre dans mon esprit. Les murmures familiers de l'anxiété remontent à la surface, mêlant leur voix à la symphonie joyeuse qui m'entoure. Mon regard se perd dans le miroir embué, reflétant non seulement mon image, mais aussi les tourments intérieurs qui menacent de m'engloutir.

C'est alors que la porte s'ouvre doucement, laissant entrer une domestique chargée de faire les constatations quotidiennes. Son regard attentif saisit immédiatement les marques de mon combat invisible, les signes de mes troubles compulsifs alimentaires gravés dans les contours de mon corps. Un instant de silence pesant s'installe entre nous, chargé de compréhension et de compassion mêlées.

Elle ne dit rien, mais je sens son regard bienveillant qui m'enveloppe, offrant un soutien silencieux. Ses gestes sont empreints de délicatesse alors qu'elle vaque à ses tâches, respectant ma dignité malgré les évidences déconcertantes. Je m'accroche à cette présence discrète, comme une bouée dans l'océan tumultueux de mes pensées tourmentées.

Pendant qu'elle s'affaire, je lutte contre les démons intérieurs qui tentent de reprendre le contrôle. La lutte est acharnée, mais je sais que je ne suis pas seule. La domestique, avec sa simple présence empreinte de compréhension, m'offre un rayon d'espoir dans cette obscurité insidieuse.

-   Mademoiselle, comment vous sentez-vous ? Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous soulager ?

Après avoir posé sa question avec une tendre sollicitude, la domestique reste là, à quelques pas de moi, immobile mais attentive. Son regard bienveillant exprime une compassion sincère, comme si elle portait en elle une profonde empathie pour la souffrance que je traverse en me rappelant que c'est son travail.

Je sens un poids s'alléger dans ma poitrine alors que je prends une grande inspiration pour me calmer. La voix de la domestique résonne doucement dans l'espace feutré de la salle de bain, un petit rayon de lumière dans ma sombre solitude.

Je relève doucement la tête, les larmes coulant toujours sur mes joues. Son regard empreint de compassion et de préoccupation rencontre le mien. Je sens un nœud se former dans ma gorge alors que je lutte pour trouver les mots.

HEARTLESSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant