Chapitre 91

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Jour 103 : le soir

L’angoisse me serre la poitrine depuis ce matin.

J’ai retourné ma valise encore et encore, cherchant désespérément ce que je pourrais porter. Ce n’est qu’une soirée, une simple soirée… et pourtant, je veux marquer le coup. Je ne peux pas me résoudre à enfiler un jean et un pull comme si de rien n’était. Je veux être à la hauteur. De quoi, exactement ? Je n’en sais rien. Peut-être de ce moment qui me terrifie autant qu’il m’excite.

Louis ne m’a donné aucun indice. Un dîner ? Un cinéma ? Une balade nocturne ? Il me laisse dans un flou insoutenable, et je déteste ça. Parce que ça m’oblige à penser, à trop réfléchir, à me rendre compte que mon cœur bat bien trop fort à l’idée de le revoir.

Je croyais que la distance allait atténuer mes sentiments. Quelle erreur ! C’est tout l’inverse. Son absence ne fait que raviver cette douleur lancinante, cet amour qui refuse de s’éteindre. Je me suis interdit d’y penser. J’ai tenté d’enfouir tout ça au fond de moi. Mais ce soir… tout menace de remonter violemment à la surface.

Et si j’avais fait une erreur en acceptant cette soirée ?

Un frisson glacé me parcourt quand la sonnerie de l’interphone retentit.

Mon cœur explose littéralement dans ma poitrine. Il est tôt, bien trop tôt, et pourtant, il est déjà là. Je me précipite pour lui ouvrir, la gorge sèche, comme une adolescente à son premier rendez-vous.

Ses pas résonnent dans l’escalier. Je reconnais le bruit distinctif de ses rangers, ce son si familier qui m’avait toujours rassurée. Sauf que ce soir, il me terrifie. Parce qu’a chaque marche qu’il grimpe, mon stress augmente.

Quand celui-ci frappe doucement contre la porte entrebâillée, j’ai l’impression que le temps suspend son vol.

Et puis… il entre.

Nos regards se croisent.

L’air se charge d’une tension électrique. Comme la toute première fois. Comme si tout recommençait, comme si ces mois n’avaient pas existé, comme si nos âmes se retrouvaient dans ce face-à-face silencieux où chaque battement de cœur résonne comme une clameur.

Louis est... sublime.

Il a troqué son style habituel pour quelque chose de bien plus travaillé. Son costume noir trois pièces lui va à la perfection, soulignant sa silhouette avec une élégance insoupçonnée. De légers motifs dorés décorent le tissu, captant la lumière du salon et contrastant avec sa cravate sombre. Il est à la fois sophistiqué et sauvage, une tempête contenue sous une apparence millimétrée.

Ses colliers habituels ont disparu. Seule sa boucle d’oreille brille encore, vestige de ce qu’il est vraiment.

Je suis pétrifiée.

– Salut, lâche-t-il enfin, sa voix rauque tranchant dans l’atmosphère lourde qui nous enlace.

– Salut.

Son regard me détaille lentement. Très lentement.

Je ressens chaque seconde de son inspection sur ma peau, chaque frisson qu’il provoque en moi. Lorsqu’il se redresse, un sourire en coin apparaît sur ses lèvres. Son éternel sourire espiègle, mais ce soir, il y a une ombre plus sombre, plus calculée.

– J’ai quelque chose pour toi.

Ses mains, restées jusque-là cachées dans son dos, apparaissent devant lui. Il me tend un sac blanc en papier. Je reconnais immédiatement la marque, ce célèbre marquis du XVIIIe siècle synonyme de raffinement et d’élégance.

Je cligne des yeux, prise au dépourvu.

– Louis… ?

– Prends-le, insiste-t-il, un éclat indéchiffrable dans le regard, je t’attends ici. Prends ton temps, on a un peu d’avance.

Je hoche la tête, incapable de prononcer le moindre mot.

Dans ma chambre, je plonge les mains dans le sac et en retire un long tissu noir.

Une robe magnifique.

Une robe signée d’un grand couturier franco-espagnol. Élégante, sobre et en même temps terriblement audacieuse. Elle m’arrive aux genoux, drapée de façon subtile avec des jeux de pressions qui épousent les courbes, sans en faire trop.

Mon souffle se coince.

Il l’a choisie pour moi ?

Je l’enfile avec précaution comme si elle était fragile, le cœur battant. Louis sait exactement ce qu’il fait. Il sait qu’en me l’offrant, il imprime son empreinte sur moi, qu’il m’impose son choix, qu’il me rappelle que, même si je pars, il sera toujours là.

Lorsque je reviens au salon, Louis rive ses yeux sur moi, immobile.

Ses pupilles se dilatent légèrement.

Un frisson me traverse sous son regard insistant. Il ne dit rien pendant plusieurs secondes, puis un sourire satisfait s’étire sur ses lèvres.

– Tu n’aurais pas dû… soufflé-je, mal à l’aise.

– Il fallait marquer le coup, coupe-t-il d’un ton neutre et désintéressé, elle est à toi maintenant.

Sa voix…

Elle vibre dans l’air, s’insinue en moi comme une promesse silencieuse.

Je déglutis. Il ne parle pas de la robe. Pas seulement.

Il veut que je pense à lui chaque fois que je la porterai. Il veut hanter mon esprit, même à des milliers de kilomètres d’ici.

Oui Louis, j'aimerais te dire que tu es à moi, mais je ne peux pas. Je ne peux plus...

Je frôle le tissu du bout des doigts, cherchant quoi répondre, mais ce dernier brise à nouveau le silence :

– Il n’y a rien de mieux qu’une robe noire à mon goût.

Ses yeux luisent d’une intensité troublante.

Trop déstabilisée pour dire autre chose, je me contente d’un faible :

– Tu as raison,

– Finis de te préparer, on doit être là-bas pour vingt heures.

Je lève un sourcil, curieuse.

– Où ça exactement ?

– Tu verras.

Un sourire énigmatique ourle ses lèvres, mais il y a autre chose dans son regard. Quelque chose de tranchant, presque dur.

Une distance.

Comme s’il se forçait à garder le contrôle de lui-même.

Je sens qu’il lutte contre quelque chose. Peut-être contre l’envie de tout balayer, de me retenir, de ne pas me laisser partir.

Et moi ?

Moi, je lutte aussi.

Je devrais me méfier. Je devrais mettre des barrières. Au lieu de ça, je me maquille légèrement, j’enfile mes boots noires, et je le suis.

Je ne sais pas où il m’emmène, une chose est certaine : cette soirée va bouleverser quelque chose entre nous.

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