Prologue

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     La gare de Saint-Pancras International est blindée de touristes français. Il est vingt-heures trente et je viens de poser mes pieds à Londres pour la première fois de ma vie.

     L'architecture typique des bâtiments, qui représente bien le style néo-gothique de l'époque, me saute aux yeux. Je me sens petite et le stress de cette nouvelle vie qui s'annonce monte peu à peu jusqu'à imprégner chaque parcelle de mon corps.

     Mon short en jean encaisse les bourrasques glacées et je frissonne en regrettant la chaleur du sud de la France.

     Quand je suis partie ce matin, il faisait déjà vingt-sept degrés et je n'ai pas pensé que la température pouvait être si différente ici. Quelle erreur ! Je grogne à l'intérieur de moi.

     Ma valise est lourde et, même si elle a des roulettes, j'ai du mal à la déplacer.

     Mes premiers pas vers l'inconnu... un talon qui casse entre deux cailloux et une chute qui me vaut deux belles égratignures sur chacun de mes genoux ! Des talons... quelle idée ça aussi !

     Heureusement, les passants se sont arrêtés et m'ont aidée à me relever. Je n'ai pas bien compris ce qu'ils m'ont dit mais je les ai remerciés au moins vingt fois pour leur gentillesse.

     En France, je suis sûre que personne n'aurait pris le temps de me venir en aide et que certains auraient même un peu ri de ma mésaventure.

     Arrivée devant l'entrée, je balaye du regard autour de moi. Valentina, ma future colocataire, doit arriver d'un moment à l'autre.

     Je pose ma valise, m'assois dessus et attends quelques minutes. La nuit est déjà tombée ici et le ciel est si chargé que je n'arrive pas à voir les étoiles.

     Le cœur serré, je pense à mes parents. Ils n'étaient pas vraiment d'accord avec moi pour ce voyage mais j'en ai besoin. Il fallait absolument que je m'éloigne de Saint Maximin et pas pour deux semaines, non, je devais disparaître totalement.

     Mon t-shirt à manches longues recouvre les bleus encore bien trop visibles sur mes bras. Mes côtes ne sont pas complètement remises mais je devais partir au plus vite pour qu'il ne me retrouve pas.

     Cette hospitalisation m'a permis de comprendre que ma relation amoureuse était devenue destructrice, et c'est là, dans cette chambre d'hôpital à l'odeur aseptisée, que mon instinct de survie a pris le dessus sur mes sentiments. Et malgré tout ce que je ressens pour lui, je dois déposer les armes... abandonner pour me reconstruire loin de lui.

     C'est alors que je me suis souvenue de Valentina, une fille de mon âge avec qui je correspondais quand j'étais au collège. Elle était venue à la maison lors d'un échange scolaire quand on était en quatrième, et on avait plus ou moins gardé contact toutes ces années.

     Mes émotions me submergent soudain. Tout le haut de mon corps n'est qu'une douleur lancinante. Insidieuse et glaciale, elle a déjà transpercé mon cœur et l'a réduit en miettes. Pourtant, j'ai toute la vie devant moi et je refuse de céder à la panique.

     La seule issue au chaos qu'est devenue ma vie réside en Valentina et aux projets que nous avons mis en place pour les prochains mois. Ça ne durera peut-être pas mais je dois essayer. Pour moi, pour surmonter tous ces problèmes.

     Quand je l'ai appelée il y a environ dix jours pour lui demander si je pouvais lui rendre visite, elle a tout de suite compris que ça n'allait pas et m'a proposé de passer les deux mois d'été avec elle, chez ses parents, en attendant.

Fucking Quarantaine !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant